Caractéristiques du secteur aéronautique
Il semble important de décrire le secteur aéronautique, notamment parce que ses caractéristiques propres peuvent constituer des facteurs influant le développement ou non des politiques environnementales. La prise en compte de ces spécificités est également prépondérante pour la rentabilité de ces dernières.
Structure du secteur
Le secteur aéronautique fait face à un marché qui peut être qualifié de marché mondial en concentration. Le nombre d’acteurs réellement compétitifs est très faible et plutôt en voie de diminution, qu’il s’agisse des firmes capables de concevoir et de réaliser les produits (ici avions de plus de cent places) ou les sous-ensembles de ces produits. (Systèmes de propulsion, équipements, éléments de structure, composants de base, etc.) Le tissu industriel est vaste et se compose à la fois de PME-PMI et de grands industriels. Les acteurs de l’industrie aéronautique peuvent globalement être classés dans trois grands types d’activité (Tableau 22). Avionneurs Motoristes Equipementiers Exemples de grands groupes AIRBUS, Boeing General Electric, Pratt&Withney, Rolls Royce, Snecma SA Thales Aerospace, Groupe Safran (Labinal, Messier-dowty, Turbomeca, etc.), Honeywell, Rockwellcollins, etc. Exemples de produits commercialisés Cellules d’aéronefs Moteurs Avionique, commandes de vol, trains d’atterrissage, système de communication, etc. Tableau 22 – Exemples d’entreprises du secteur aéronautique Les avionneurs capables de mettre sur le marché des appareils de plus de cent places ne sont aujourd’hui plus que deux au niveau mondial : AIRBUS et Boeing. Ultra dominateur pendant plusieurs décennies, en terme de ventes (nombre d’avions et chiffre d’affaires), le constructeur américain se voit aujourd’hui contraint à un statu-quo. Il est aujourd’hui difficile de préciser qui d’AIRBUS et de Boeing est aujourd’hui leader. Depuis 2003, AIRBUS est ainsi premier en terme de livraisons (nombre d’avions), cette position étant assurée pour quelque temps puisque l’avionneur européen a enregistré plus de commandes que son rival lors des dernières années. 2005 fut ainsi une année record pour AIRBUS à tous les niveaux (livraisons, commandes, bénéfices). En revanche, l’année 2006 a vu la tendance s’inverser pour la première fois depuis 2000, Boeing ayant reçu pour l’avionneur européen. Nous notons quelques caractéristiques du secteur aéronautique civil [Levet 2002] : • Le produit est complexe et de très haute technologie. • Le produit est différencié en sous-segments en fonction de la capacité et de la distance franchissable. • L’industrie aéronautique possède des cycles longs, un programme pouvant durer jusqu’à quarante ans. • Le produit possède également un cycle long, puisqu’une fois mis en service un aéronef a une durée de vie très longue (estimée à 25-30 ans). • La structure de coûts des constructeurs de cellules d’aéronefs est particulière, puisque d’une part les coûts unitaires de production sont élevés et que d’autre part, les coûts de développement sont énormes. La rentabilité d’un programme est donc aléatoire et se fait à long terme. • Les économies d’échelle239 réalisées sur les coûts de production sont importantes notamment du fait du niveau des coûts fixes (coût de développement), des économies d’envergure (possibilité d’utiliser les résultats de R&D pour différentes familles d’avion) et des économies d’apprentissage (la complexité des opérations rend la fabrication des premières unités très coûteuse). • La demande d’avions dépend principalement de la demande de trafic aérien, elle-même liée à la croissance économique, aux tarifs pratiqués et au développement des réseaux. • Les commandes d’aéronefs dépendent également du retrait des appareils arrivés en fin de cycle. Certaines normes environnementales (bruit) peuvent engendrer le retrait d’un grand nombre d’avions ne répondant plus aux normes. Une économie d’échelle est une réduction du coût moyen de production lorsque les quantités produites augmentent. Ces paramètres font de la construction aéronautique civile un secteur extrêmement concurrentiel, cette concurrence s’effectuant entre les firmes installées. La concurrence potentielle ne semble pour l’instant pas représenter une réelle menace en raison des barrières à l’entrée et à la sortie qui caractérisent ce secteur 240 . Le chiffre d’affaires du secteur a augmenté très fortement au cours des quarante dernières années pour atteindre plus de 140 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2002238. Ce montant représente plus de 56% de la totalité des activités aéronautiques et spatiales. Cette proportion est encore plus marquée en France. (63%) Le trafic aérien mondial a cru de 11% par an en moyenne dans les années 70 à 80, puis d’environ 6% par an de 1981 à 2001. Les attentats du 11 septembre 2001, la recrudescence de la crise terroriste, les craintes sanitaires mondiales et les croissances faibles de certaines économies ont récemment fortement impacté le transport aérien.
Perspective d’évolution
En ce qui concerne les évolutions, deux programmes symbolisent les enjeux actuels : D’un côté le programme A380, qui de part son importance (plus de 10 milliards de dollars de Recherche et Développement) est à la fois un risque et une opportunité. Les risques sont bien évidemment d’ordres technique, commercial et donc financier. En cas de succès, l’avantage sur Boeing sera majeur, AIRBUS proposant alors le seul avion de très grande capacité et de très grand rayon d’action (Boeing développe cependant un programme de modernisation de son 747). Aujourd’hui, il est difficile de considérer ce programme comme étant assuré du succès, d’autant plus que les retards accumulés, principalement induits par d’énormes difficultés d’industrialisation, ont plongé l’avionneur européen dans une crise sans précédent. Cette dernière a conduit à une réorganisation profonde de l’entreprise à travers un plan de restructuration baptisé « power 8 ». De l’autre, le 787 qui viendra concurrencer le haut de la famille des « Single Aisles »241 (A321) et par le bas, la famille A330. L’impact peut être important, ces deux familles étant parmi les plus rentables d’AIRBUS. Les effets d’un éventuel succès de cet avion seront éventuellement compensés par le programme A350 développé par l’avionneur européen, mais pour l’instant le programme de Boeing présente tous les paramètres susceptibles d’en faire un succès commercial. Plus globalement, le secteur aéronautique mondial est en forte croissance. Le retour de la croissance au niveau mondial, de la confiance des investisseurs ainsi qu’une demande maîtrisée du transport à but touristique ont induit en 2004 un rebond du trafic aérien, plus important que ce qui était attendu. Pour la période 2004-2023, il est prévu que le trafic passager mondial augmente de 5,3 % par année. Cette augmentation, à laquelle il faut ajouter l’accroissement du transport de fret, conjuguée au renouvellement de la flotte requerra la construction de plus de 17000 nouveaux avions sur cette période242. Ceci représente une délivrance moyenne de 850 avions annuellement. Le chiffre d’affaires accessible aux industriels français ne devrait donc pas croître énormément sur les 20 ans à venir. Il est à noter que même si l’augmentation du prix du carburant entraîne un effet négatif (pas encore bien chiffré) sur la demande en terme de billets d’avion, celle-ci confère aux nouveaux avions une rentabilité bien supérieure aux anciens et accélère ainsi le renouvellement de la flotte mondiale . La concurrence sera en outre de plus en plus sévère. Elle s’exercera sans doute uniquement sur les firmes installées. Il est en effet peu probable qu’un nouvel acteur émerge dans ce secteur lors des deux décennies à venir. Les coûts de développement d’un avion étant, comme nous l’avons déjà vu, très élevés, le démarrage en production de nouveaux produits entraîne des besoins financiers importants. Il est à noter que les coûts de production, qui ne peuvent décroîtrent que progressivement au début d’une série, restent, pendant un certain temps, supérieurs aux prix de vente qui sont les prix du marché.