Caractéristiques biochimiques de la plante
Plusieurs facteurs doivent être pris en considération afin de réussir un ensilage et en assurer sa conservation. Une bonne maîtrise des technologies reliées à la fabrication et aux conditions d’entreposage est nécessaire afin d’avoir une bonne conservation. Les différentes plantes fourragères possèdent des caractéristiques différentes en relation avec leur «aptitude» à la fermentation. Cette aptitude est déterminée principalement par leurs caractéristiques biochimiques telles que le pouvoir tampon, les teneurs en sucres et en matière sèche. À partir de ces trois caractéristiques, on peut déterminer le coefficient de fermentation du fourrage, qui représente l’ensilabilité de la plante. Plus la valeur du coefficient de fermentation est grande ( 45 et plus), plus la probabilité d’obtenir une bonne conservation est élevée (Weissbach, 1996).
Pouvoir tampon
Le pouvoir tampon est la capacité d’une plante à résister aux changements de pH. Plus le pouvoir tampon sera élevé, plus il sera difficile d’abaisser le pH et plus la quantité d’acide lactique devant être produite sera élevée. Le pouvoir tampon est calculé selon la quantité d’anions issus de la dissociation des acides organiques, d’orthophosphates, de sulfates, de nitrates et de chlorures de la plante (Lafrenière, 2002). Le pouvoir tampon est déterminé au laboratoire d’après la quantité d’acide lactique nécessaire pour abaisser le pH initial d’un échantillon de plantes jusqu’à un pH de 4 (McDonald et al., 1991). Les graminées ont un pouvoir tampon moins élevé que les légumineuses parce que leur concentration en acides organiques est plus faible. Par ailleurs, le pouvoir tampon diminue avec la maturité d’une plante et le niveau de préfanage atteint et il augmente suite à l’application d’une fertilisation azotée (McDonald et al., 1991).
Sucres fennentescibles par les bactéries lactiques.
Les cellules végétales synthétisent différents types de sucres, mais ils ne sont pas tous fermentescibles par les bactéries lactiques. Les sucres de la plante sont regroupés en deux catégories : sucres structuraux et les sucres non-structuraux. Les sucres structuraux regroupent les polysaccharides tels que les substances pectiques, l’hémicellulose et la cellulose. Ils composent les parois cellulaires et les fibres. Ces sucres ne sont pas utilisés directement par les bactéries lactiques. Ils doivent être préalablement hydrolysés en monosaccharides (Mc Donald et al. , 1991). Cette hydrolyse est principalement effectuée par des enzymes de la plante ou encore par les acides organiques produits lors de la fermentation lorsque le milieu devient acide. Ils ont donc une contribution plus ou moins importante à l’abaissement du pH (Fenlon et al., 1995).
Les sucres non-structuraux sont principalement le sucrose, le glucose, le fructose, les fructanes et l’amidon. L’amidon est surtout présent dans les légumineuses et les plantes tropicales et il n’est généralement pas fermenté par les bactéries lactiques. De plus, l’amidon n’est pas soluble dans l’eau alors que les autres sucres non structuraux le sont ; c’est pourquoi, les sucres importants pour 1′ ensilement sont appelés sucres solubles (SS) (McDonald et al., 1991). Chez les graminées de climat tempéré, les fructanes constituent la principale réserve de sucres non-structuraux (McDonald et al., 1991) et ils sont une importante source d’énergie lors de la repousse après la fauche ou le broutage. Les fructanes sont des chaînes linéaires avec un nombre variable de fructoses attachés à une molécule de sucrose. Le degré de polymérisation (DP) dépend du nombre de fructose et varie beaucoup d’une espèce à l’autre et au sein d’une même espèce . Le stade de maturité et les conditions climatiques précédents la coupe sont des facteurs qui peuvent influencer le nombre de DP chez une plante (Winters et al., 1998). Les concentrations totales en SS sont très variables. Les quantités de glucose et fructose peuvent représenter de 1 à 3% de la quantité totale de SS tandis que le sucrose peut atteindre 20 à 80% des SS (%M.S) (McDonald et al., 1991). Les fructanes peuvent constituer entre 50 et 90% de la fraction de SS disponible chez une plante (Winters et al., 1998). On retrouve d’avantage de SS chez les graminées que chez les légumineuses (McDonald et al., 1991). Pour une même espèce de graminée, les quantités de SS peuvent varier selon les conditions agronomiques tel que le moment de la journée, le stade de maturité, la fertilisation, l’intensité lumineuse et la température (Smith, 1973). Par exemple, les quantités de SS augmentent tout au long de la journée pour ensuite diminuer lorsque la nuit arrive. Selon les données rapportées par McDonald et al. (1991) et Smith (1973), ce sont les quantités de sucrose qui semblent varier de façon plus importante. Pelletier et al., (2009) ont démontré que les quantités de fructanes peuvent aussi varier selon le moment de la journée. Les concentrations en SS augmentent selon le stade de maturité, pouvant passer de 139 g · kg MS⁻¹ (début mai) à 245 g ·kg MS⁻¹ (début juin) (McDonald et al. , 1991). Cette augmentation est principalement relié aux quantités plus élevées de fructanes (Smith, 1973; Pelletier et al., 2009).
Malgré que l’on retrouve beaucoup plus de fructanes que tout autre SS sur les plantes, leur contribution comme substrats pour les bactéries lactiques au début de la fermentation est plutôt faible puisque ces derniers sont dégradés lentement (Winters et al., 1998). Même s ‘ils peuvent être utilisés directement par les bactéries lactiques, les SS tels que le glucose et le fructose qui sont les substrats principaux des bactéries lactiques sont en quantités limités pour débuter la fermentation (Winters et al. , 1998). Le taux de diminution des fructanes est autant le produit des enzymes de la plante que celui des BLE. Par contre, il y aurait moins de 3% des BLE qui seraient capables d’utiliser directement les fructanes (Merry et al., 1995). Les fructanes doivent être hydrolysés pour ensuite contribuer au processus de fermentation. Les liens de type furanosyl qui relient les molécules de fructoses seraient très sensibles aux conditions acides (Lafrenière, 2002). Les fructanes seraient donc hydrolysés durant le processus de fermentation avec l’abaissement du pH. Par contre, des essais faits au laboratoire de l’URDAAT n’ont pas permis de démontrer l’hydrolyse de ces liens même à des pH inférieurs à 4,0 (Drouin, communication personnelle).
Matière sèche
La teneur en matière sèche joue aussi un rôle important dans l’aptitude d’une plante à la fermentation. Plus la matière sèche sera faible, plus le pH doit descendre bas pour inhiber le développement des bactéries butyriques (Wieringa, 1969). Par ailleurs, les fourrages ensilés à une matière sèche plus grande que 50% fermenteront moins intensément qu’avec une matière sèche plus basse (Kung, 2000). L’augmentation de la matière sèche élève la pression osmotique du milieu ce qui a comme effet d’inhiber le développement des bactéries lactiques. Une pression osmotique donnée n’a pas le même effet sur toutes les bactéries. Une matière sèche entre 30 et 35% permet d’inhiber la croissance des bactéries butyriques mais pas celles des bactéries lactiques (Kung, 2000). Pour permettre de contrôler les bactéries butyriques, Weissbach (1996) ont déterminé la relation entre la matière sèche à atteindre et la capacité d’acidification d’une plante :
Y = 450 – 80(X)
où X = sucres solubles (g · kg MS⁻¹) / pouvoir tampon (g acide lactique · kg MS⁻¹)
Y = MS (g · kg FF⁻¹) .
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