Caractérisations des fibres optiques non-linéaires
Fibres microstructurées en verre de chalcogénure
La première réalisation d’une fibre FMC par l’EVC fut effectuée en 2004 par Jenny Le Person dans le cadre de sa thèse de doctorat [112]. La caractérisation optique qui s’en suivit, réalisée au laboratoire FOTON, fut la première démonstration du guidage de la lumière dans ce type de fibre. Depuis, la collaboration entre PERFOS et l’EVC a permis de maîtriser la fabrication de ces fibres. En 2005, de nouvelles fibres ont été réalisées et leur caractérisation a fait partie des objectifs de cette thèse. Les fibres microstructurées en verre de chalcogénure que nous avons caractérisées sont fabriquées par la méthode « stack and draw » par PERFOS et EVC. Plusieurs types de composition de verres ont été étudiés : – Sb10S65Ga5Ge20 (ou 2S2G) [87, 88] – Sb20S65Ge15 (ou 2S1G) [84, 113] – et, plus récemment, As2Se3.
Caractérisations opto-géométriques
La figure 3.1 présente des coupes transverses, prises au microscope électronique à balayage (MEB), des fibres 2S2G (3.1.a) et 2S1G (3.1.b). On remarque que sur la fibre 2S1G les interstices d’air entre les capillaires ne sont pas bouchés contrairement à la 2S2G. Nous reviendrons plus tard sur l’intérêt de conserver ces interstices. L’un des paramètres opto-géométriques qu’il est important de mesurer en vue d’applications non-linéaires est l’aire effective du mode. Nous avons utilisé la technique de champ proche pour mesurer le diamètre de mode (DM) à 1/e2 du maximum d’intensité et remonter ainsi à l’aire effective du mode. La méthode consiste à effectuer des mesures sur l’image d’un faisceau en sortie de fibre à travers un objectif de microscope. La figure 3.2.a présente le montage expérimental : un tronçon de fibre FMC est posé sur un support réglable afin d’optimiser l’injection d’un faisceau laser dans la fibre à caractériser. En sortie de fibre, la lumière dont la longueur d’onde d’émission est de 1550 nm est capturée par une lentille dont le point focal correspond à l’extrémité de la fibre. Le faisceau de lumière est collecté par une camera CCD et visualisé sur un écran vidéo (figure 3.2.b). La valeur réelle des mesures en champ proche est obtenue grâce à un étalonnage à partir d’une fibre dont on connaît le DM. Par exemple une fibre monomode SMF connue : DM = 10±0, 5 µm. L’ON de la lentille doit être suffisamment grande pour ne pas tronquer le faisceau en entrée. La figure 3.2.c présente les résultats de la mesure du DM d’une fibre FMC 2S2G. Ces mesures ont été effectuées en collaboration avec le Centre Commun Lannionnais d’Optique (CCLO) du laboratoire FOTON. Le diamètre externe de la fibre est de 147 µm, la distance entre les trous de 8 µm et le diamètre des trous de 3,2 µm. Nous avons mesuré un DM de 8, 3 ± 0, 2 µm, d’allure gaussienne, ce qui conduit à une aire effective Aef f = 54 ± 3 µm2 . La connaissance de l’indice non-linéaire du verre 2S2G (n2 ‘ 2, 6 × 10−18m2/W [87]) nous permet d’évaluer le coefficient non linéaire γ ‘ 200 W−1km−1 selon l’équation (1.30). Ces résultats expérimentaux sont relativement différents de ceux obtenus par simulation numérique par Gilles Renversez de l’institut Fresnel : un DM de 10,75 µm sur l’axe horizontal x (voir figure 3.2.b pour la définition des axes) et un DM de 11,45 µm sur l’axe vertical y [88]. Nous pensons que ceci s’explique par le fait que l’hypothèse d’une seule distribution gaussienne n’est pas vérifiée expérimentalement pour les deux raisons suivantes. Premièrement, la structure de la fibre peut varier longitudinalement et deuxièmement, la distribution des trous est dissymétrique à cause d’inhomogénéités des trous liées au fibrage. Une autre mesure de champ proche a été effectuée sur un autre tronçon de fibre FMC 2S2G pour laquelle le contrôle du diamètre et de la position des trous pendant la procédure de fibrage a été amélioré (figure 3.3.a). La figure 3.3.b illustre l’image du faisceau de lumière collecté par la camera CCD. Après avoir approché le profil d’intensité expérimental par une forme gaussienne, nous avons trouvé un DM de 9,30 µm sur l’axe horizontal x et un DM de 9,66 µm sur l’axe vertical y. La structure régulière nous a permis de comparer plus précisément les mesures expérimentales et théoriques de DM. Les résultats du calcul théorique avec la méthode multi-polaire effectué par Gilles Renversez donne un diamètre de mode de 8,64 µm sur l’axe x et de 9,03 µm sur l’axe y. L’accord entre expérience et théorie est meilleur pour cette fibre, avec une erreur moyenne de 7% [88]. Pour la fibre FMC 2S1G, nous avons appliqué la même méthode que pour les fibres FMC 2S2G. Le diamètre de mode de cette fibre est estimé à 5, 3 ± 0, 2 µm d’allure gaussienne, ce qui conduit à une aire effective de Aef f = 22 ± 2 µm2 . La connaissance de l’indice nonlinéaire du verre 2S1G (le n2 ‘ 2, 8×10−18m2/W [84]) nous permet de déduire un coefficient non-linéaire γ d’environ 500 W−1km−1 . En ce qui concerne la fibre FMC As2Se3, en utilisant la même méthode pour mesurer l’aire effective que les fibres précédentes, nous avons trouvé une aire effective de 21±3 µm2 . L’indice non-linéaire n2 de ce verre étant d’environ 1, 1×10−17m2/W à 2,4 ×10−17m2/W (de 420 à 930 fois le n2 de la silice) [69], le coefficient non-linéaire de cette fibre est d’environ 2 000 W−1km−1 à 4 400 W−1km−1 . Des mesures complémentaires sont en cours pour préciser la valeur de la non-linéarité. La figure 3.4 présente les résultats des fibres FMC 2S1G (a) et FMC As2Se3 (b). Les lignes continues sont les distributions expérimentales de profil d’intensité correspondant à plusieurs axes. Le fait qu’elles soient presque toutes superposées démontre que la distribution de lumière en sortie de fibre est symétrique grâce à une structure très régulière. Par ailleurs, le profil d’intensité, très proche d’une forme gaussienne, permet de limiter les pertes d’injection à partir d’une fibre monomode micro-lentillée fabriqué par le CCLO.
Mesure de pertes
Les pertes sont mesurées par la méthode « cut-back ». Cette méthode convient très bien aux tronçons courts de fibres, non-connectérisés et dont l’injection de lumière est délicate. La figure 3.5 illustre le principe de cette méthode. Pour la même puissance en entrée, on réalise deux mesures en sortie pour deux longueurs de fibre différentes obtenues en coupant un tronçon de fibre. Les pertes sont calculées conformément à la formule de la figure 3.5. En 2005, le résultat de la mesure de pertes pour la fibre FMC 2S2G était de l’ordre de 15 dB/m. Ces pertes sont trop élevées pour pouvoir envisager l’utilisation de ces fibres dans des dispositifs de régénération optique. L’excès de pertes est dû aux imperfections de la fibre provoquées au cours de la fabrication (problème lié à la qualité des interfaces entre les capillaires et le cœur) [114]. En 2007, une amélioration très importante a été obtenue pour la fibre FMC 2S1G. Les mesures montrent une valeur moyenne de pertes de 5,5 dB/m. Cette valeur intéressante est le résultat d’une procédure de fabrication soigneusement contrôlée associée à l’idée de laisser des interstices entre les trous afin de diminuer les surface de contact entre le cœur et les capillaire. En 2008, une valeur de perte d’environ 10 dB/m a été obtenue pour la fibre FMC As2Se3. 3.1.3 Observation de l’effet non-linéaire La figure 3.6 représente le schéma de la manipulation consistant à observer la SPM dans 1,45 m de fibre FMC 2S1G. Un train d’impulsions émis par un laser à fibre à modes bloqués avec un taux de répétition de 19,3 MHz à la longueur d’onde de 1549 nm, est injecté dans la fibre. La durée des impulsions est de 8,3 ps. La puissance injectée est contrôlée par un atténuateur. A la sortie de la fibre, le signal est reçu par un analyseur de spectre (ou OSA pour Optical Spectrum Analyzer) par l’intermédiaire d’une fibre monomode. La figure 3.7 présente des observations de la SPM dans 1,45 m de fibre FMC 2S1G. Les simulations numériques ont été obtenus avec les paramètres suivants : D = −700 ps/nm/km (valeur estimée d’après la littérature), γ = 500 W−1km−1 , α = 5,5 dB/m et des impulsions chirpés de forme gaussienne (C = 0,35) avec TFW HM = 8,3 ps. Les pertes de couplage, définies comme la différence en dB entre la puissance mésurée après l’atténuateur et la puissance P0 dans la fibre FMC, sont de 2,8 dB. Pour la fibre FMC As2Se3, nous avons également observé des élargissements de spectre dus à la SPM. La figure 3.8 présente les spectres du signal en sortie de 1,15 m de fibre FMC As2Se3 obtenus expérimentalement (a) et en simulation (b). Les paramètres de simulation sont : D = −700 ps/nm/km (valeur estimée par le fabricant), γ = 2 000 W−1km−1 , α = 10 dB/m et des impulsions chirpées de forme gaussienne (C = −1, 0) avec TFW HM = 8,5 ps. Les pertes de couplage sont de 4,3 dB. Pour chacune des figures 3.7 et 3.8, l’accord satisfaisant entre les spectres expérimentaux et les spectres simulés confirment la valeur du coefficient non-linéaire des fibres FMC 2S1G et FMC As2Se3. Nous tenons à faire les observations suivantes concernant le phénomène d’élargissement spectral dû à la SPM dans ces fibres. – Un même élargissement spectral par SPM intervient pour des puissances injectées moindres dans le cas de la fibre FMC As2Se3 que dans le cas de la fibre FMC 2S1G. Notons que la longueur de la fibre FMC As2Se3 est plus courte que celle de la fibre FMC 2S1G. Ceci vérifie expérimentalement que la fibre FMC As2Se3, dont l’aire effective est comparable à celle la fibre FMC 2S1G et dont l’indice non-linéaire n2 est plus important, possède des propriétés non-linéaires plus intéressantes. – L’élargissement maximum obtenu pour la fibre FMC 2S1G est plus important que celui obtenu pour la fibre FMC As2Se3. Ceci vient du fait que l’injection de la puissance pour la fibre FMC 2S1G est plus facile que pour la fibre FMC As2Se3. De plus, la fibre FMC 2S1G possède des pertes plus faibles que la fibre FMC As2Se3.
Conclusion sur les fibres microsctructurées chalcogénure
Dans ce chapitre nous avons présenté notre contribution à la caractérisation de fibres FMC. Ces caractérisations font partie des premières caractérisations optiques de fibres FMC jamais réalisées. Nos travaux ont démontré que des avancées technologiques importantes ont été accomplies, aussi bien sur l’aspect de la maîtrise du fibrage des verres de chalcogénure que sur la réduction de l’atténuation de ces fibres, par nos collaborateurs PERFOS et EVC. Même si, en l’état actuel, les pertes dans ces fibres sont encore trop importantes, nous sommes confiant sur la possibilité de réaliser des fibres avec des pertes avoisinant la valeur de 1 dB/m, ce qui serait de très bon augure pour la réalisation de dispositifs de régénération optique, comme nous le verrons au chapitre 4. La poursuite de ces travaux s’effectue dans le cadre du projet FUTUR.