Caractérisation structurale des films
La structure cristallographique des films a été caractérisée par diffraction des rayons X. En parallèle, la réalisation de figures de Laue par microscopie électronique en transmission a été envisagée afin d’approfondir l’étude structurale. Nous aborderons les résultats dans le paragraphe suivant. Les analyses préliminaires des clichés de diffraction nous ont permis de définir une zone angulaire utile comprise entre 40° et 50°. Dans cette plage, les simulations de diffractogrammes sur matériaux massifs réalisées par V.A. Chernenko et M. Kohl [19] mettent en évidence la présence de nombreux pics de diffraction pour les différentes phases de martensite et jusqu’à neufs pics pour la phase martensite périodique 14M (fig. I.14). D’après la base de données cristallographique ICSD (Inorganic Crystal Structure Database), fiche 00- 050-1518 (annexe 3), le pic témoin de la phase austénite cubique se situe à 43,9°. Dans notre cas, on observe un pic asymétrique à 43,15° sur les diffractogrammes des couches pulvérisées à 120 W et 1 Pa (fig. IV.21 (a)). La présence d’un seul pic témoin est synonyme d’une texturation de la couche suivant un axe cristallographique. L’asymétrie du pic témoigne de la contribution de plusieurs phases, on peut alors émettre deux hypothèses. Le pic résultant est composé d’un pic étroit à 43,15° et d’un pic large à 43,9° ; le film serait donc composé de grains d’austénite et de grains de martensite de plus grande taille que l’on appellera martensite (a). On peut aussi envisager le cas où la couche est composée uniquement de grains de martensite périodique 14M (fig. I.14 (b)). Une figure de Laue de ce film est illustrée sur la figure IV.21 (b), la zone d’analyse se situe proche du substrat afin d’observer les plans diffractant du substrat et de la couche. Les points de forte intensité suivent un arrangement périodique, ce qui correspond à un matériau monocristallin, ces-derniers sont donc attribués au substrat en silicium. Les points diffus situés sur les cercles concentriques correspondent à la couche. Cette analyse locale à l’interface permet d’authentifier la nature des spots afin de cibler au mieux l’interprétation des résultats à venir. Les taches de diffraction issues du film sont composées de plusieurs contributions : un cercle de forte intensité composé de plusieurs spots diffus et plusieurs cercles d’intensité moindre. À partir de ces observations, on peut affirmer que le film est composé de plusieurs phases constituées de grains faiblement texturés. L’étude de l’influence de la puissance sur les échantillons élaborés à 0,45 Pa (fig. IV.22(a)) nous révèle qu’elle n’a aucune influence sur la structure. Pour la série réalisée sous une pression de 1 Pa (fig. IV.22(b)), on observe une diminution de la largeur du pic à mi-hauteur sur l’échantillon pulvérisé à 40 W. Cette dernière donne une information sur la taille de grain au sein du film : on peut donc affirmer que les grains de cette couche sont de plus grande taille que ceux des couches pulvérisées à 80 W et 120 W. De manière analogue à l’étude sur la puissance, les clichés de diffraction obtenus lors de l’étude sur la pression ne révèlent aucun changement de structure. Les largeurs à mi-hauteur varient avec la pression conformément à l’analyse de la rugosité rms abordée plus tôt dans ce chapitre. En comparaison avec le film déposé à 0,45 Pa, on observe sur les figures de Laue du film pulvérisé à 1 Pa, une augmentation de l’intensité des cercles de diffraction (fig. IV.23). La polycristallinité de ce dernier est considéré comme plus importante. On remarque cependant que les cercles de diffraction ne sont pas « pleins », l’apparition de multiples spots de diffraction sur un même cercle témoigne de la présence de grains « désorganisés » d’une même orientation.
Caractérisation mécanique des films
Nano-indentation
Dans ce paragraphe, nous allons discuter des résultats obtenus par caractérisation mécanique. Comme décrite dans le second chapitre, la mesure des déformations de poutres encastrées-libres et les mesures de nano-indentation nous permettent de déterminer l’état de contrainte des films ainsi que leur module d’Young correspondant. La figure IV.31 représente l’évolution du module d’indentation Eind en fonction de la profondeur d’indentation (h). Les courbes sont obtenues à partir de cycles de charge/décharge sur de la silice (matériau référence), sur de la martensite à l’état massif et sur une couche mince de Ni55Mn23Ga22 traitée thermiquement (1 µm < ef < 1,5 µm), respectivement en ronds noirs, carrés blancs et losanges gris. On remarque que le module d’indentation de la silice est de 85 GPa quel que soit h et la séquence de chargement. Les disparités mesurées pour des profondeurs d’indentation inférieures à 20 nm sont attribuées à la rugosité de surface des échantillons. Les mesures réalisées sur les AMF révèlent une augmentation du module avec la profondeur d’indentation lors des cycles charge/décharge contrairement à l’échantillon en SiO2. Ce phénomène est certainement causé par la réorientation de macles de martensite préexistantes dans le matériau (dans le champ contrainte généré sous l’indenteur) [71]. En augmentant encore la profondeur d’indentation, on atteint un seuil de saturation. À ce moment, tous les sites de réarrangement de macles sont orientés dans le champ de contrainte et l’on peut définir l’alliage comme « durci ». Lors de la décharge, on observe une diminution du module d’indentation qui correspond au réarrangement des macles qui retrouvent leur configuration initiale. On peut alors supputer que les couches de structure martensite (traitées thermiquement) présentent un comportement mécanique typique d’un matériau AMF.
Détermination des contraintes résiduelles
Les déflexions initiales des poutres encastrées-libres sont révélatrices de l’état de contrainte moyen du film pulvérisé (paragraphe II.3.2). La figure IV.37 présente des photographies de support de poutres encastrées-libres en silicium. On rappelle que chaque support est composé de 6 poutres de 0,5 mm de largeur et de longueur comprise entre 1 mm et 4 mm. Celles-ci sont revêtues de films de Ni2MnGa d’une épaisseur comprise entre 1 µm et 1,5 µm. Lorsque les poutres se courbent vers le haut sur la figure IV.37(a), le film présente des contraintes de tension. Dans le cas contraire, les contraintes sont d’origines compressives et les poutres sont courbées vers le bas (fig. 37(b)).Les analyses menées sur des séries d’échantillons obtenus pour diverses puissance et pression sont reportées ci-dessous (fig. IV.38). L’étude de l’influence de la puissance, représentée sur la figure (a), révèle un comportement monotone de l’évolution de la contrainte en fonction de la puissance pour des pressions de 1 Pa et 1,2 Pa. En revanche, pour les films pulvérisés à 0,45 Pa, les contraintes compressives augmentent avec la puissance. On observe sur l’analyse des résultats obtenus sur les courbes de contraintes en fonction de la pression d’argon, que les films passent d’un état compressif à un état de tensif lorsque la pression augmente (fig. IV.38(b)).Les mesures de contraintes réalisées sur les films déposés en température (fig. IV.39(a)) mettent en évidence une forte élévation du niveau des contraintes de tension à partir de 200 °C. Ceci traduit une modification de la microstructure puisque l’on récupère les contraintes (a) (b) (a) (b) Chapitre 4 : Caractérisation des couches minces de Ni2MnGa 129 d’origine thermique. La composante intrinsèque tend donc à disparaitre avec la température de dépôt ou de recuit. Comme nous avons pu l’observer tout au long de ce chapitre, les couches recuites montrent un changement de comportement à partir de 400 °C et jusqu’à 600 °C. Les études utilisant la méthode globale (Stoney non modifié) reportent les évolutions similaires avec une augmentation des contraintes de tension d’environ 1500 MPa pour un recuit à 600 °C [74].