Caractérisation phénotypique et génotypique des bactéries endophytes du blé (Triticum sp.)
Importance du blé L’utilisation du blé revêt plusieurs aspects
alimentation humaine (pain, biscuiterie et tous produits à base de farine), alimentation animale, production de biocarburants (éthanol de blé) et autres utilisations industrielles (amidonnerie et glutennerie). Dans les pays développés, le taux d’utilisation de blé destiné à l’alimentation humaine est similaire à celui pour l’alimentation animale tandis que dans les pays en développement, la consommation du blé est dominée par l’alimentation humaine (figure 5). L’évolution de cette utilisation de blé pour l’alimentation humaine repose fondamentalement sur l’évolution démographique. À ce facteur s’ajoute l’évolution des modes de vie (urbanisation, élévation du niveau de vie) et d’alimentation, qui conduit, d’une région à une autre, à une consommation accrue de produits transformés issus du blé ou au contraire à une diversification du régime alimentaire au bénéfice d’autres catégories de produits. 8 A l’image de nombreux pays de la sous-région, le Sénégal est un grand consommateur de pain et de pâtes alimentaires dont la base de fabrication est composée à plus de 70 % de farine de blé. Toutefois, sa production y est quasiment inexistante ; c’est une céréale entièrement importée. Ce qui explique la forte hausse de la facture des importations de blé et la flambée du prix. Figure 5. Utilisation du blé dans les pays développés et les pays en développement (OCDE/FAO, 2015)
Culture du blé dans la vallée du fleuve Sénégal
Le Sénégal dans certaines de ses localités dispose des conditions propices au développement de la culture du blé. Selon Moscal (1980), la vallée du fleuve Sénégal présente un atout pédologique à la culture de cette céréale à savoir des sols « fondé », légers, assez perméables à l’eau avec une teneur équilibrée entre le sable, le limon et l’argile. En plus de ces aptitudes des terres, la Vallée du Fleuve est caractérisée par d’importantes superficies pouvant être aménagées, un fort potentiel hydrique pour des besoins en irrigation pour une culture en contre-saison froide. Les essais réalisés entre 1971 et 1980 au Centre de Guédé ont donné des résultats intéressants. Récemment, d’autres essaies menées dans cette zone du Sénégal (à Ndiol et Fanaye) sur une dizaine de variétés de blé a donné des rendements moyens de plus de 3 t/ha (Diagne, 2014). 9 Aujourd’hui plus de 75 variétés indiquées pour les cultures intensives sont en observation au niveau de Fanaye (Cissé, ISRA St Louis Communication personnelle). Cependant, si des progrès importants ont été réalisés dans la connaissance et la gestion de cette céréaliculture, les rendements restent encore très faibles en dépit de l’utilisation accrue des engrais chimiques très coûteux et peu accessibles aux paysans à faibles revenus. L’une des stratégies préconisées consiste à utiliser des souches microbiennes aptes à synthétiser différents métabolites intéressants pour améliorer la fertilité des sols et favoriser la croissance des plantes.
Les Rhizobacteries Promotrices de la Croissance des Plantes (PGPR)
La rhizosphère est la région du sol située sous les racines des plantes et soumise à leur influence directe. L’activité croissante des plantes dans cette rhizosphère libère un certain nombre de composés organiques (exsudats, mucilages, produits de desquamations…) appelés rhizodépositions (Bloemberg et Lugtenber, 2001 ; Compant et al., 2010). Selon de nombreuses études, la qualité et la quantité de ces éléments nutritifs déversés dans la rhizosphère peuvent sélectivement favoriser la croissance et la multiplication de certaines rhizobactéries (Atkinson et al., 1975 ; Miller et al., 1989). Ces bactéries peuvent s’associer à la plante en demeurant dans la rhizosphère ou vivre en endophytes (Chaintreuil, 2000). Un nombre très important de ces bactéries incluant des espèces de Pseudomonas, Azospirillum, Azotobacter, Klebsiella, Enterobacter, Alcaligenes, Arthobacter, Burkholderia, Pantoea, Bacillus et Serratia ont montré une capacité d’améliorer la croissance de la plante (Kloepper et Beauchamp, 1992 ; Glick, 1995). Ces bactéries sont connues sous le nom de PGPR ou Plant Growth Promoting Rhizobacteria (Bashan et Holguin, 1998). L’action de ces bactéries sur la plante est décrite comme multifactorielle par l’intermédiaire de trois mécanismes : phytostimulation, biofertilisation et biocontrole (Gaiero et al., 2013). 10 Figure 6. Interaction plante et microorganismes du sol dans les racines de la plante ou dans la rhizosphère (Gaiero et al., 2013)
Phytostimulation
Les rhizobactéries à effets PGP sont connues pour leur aptitude à produire des phytohormones telles que des auxines, des cytokinines et des gibbérellines (Vessey, 2003). L’AIA (Indol Acetic Acide) est le plus important du groupe des auxines (Ashrafuzzaman et al., 2009) produites par les bactéries de la rhizosphère et une grande proportion (80%) d’entre elles en possèdent la capacité. L’auxine agit efficacement en faibles quantités sur les racines pour stimuler l’initiation, la croissance et l’élongation des racines latérales, et de ce fait augmente la surface de nutrition de la plante (Evans et al., 1994). Sa biosynthèse est favorisée par plusieurs facteurs environnementaux notamment un pH élevé et la présence de grandes quantités de tryptophane (Spaepen et al., 2009). Ce dernier est considéré comme le précurseur de l’AIA parce que son adjonction est nécessaire à sa production. Les exsudats racinaires sont une source naturelle de L-tryptophane pour la microflore de la rhizosphère (Dastager et al., 2010).
Biofertilisation
L’une des stratégies les plus communes pour augmenter la production agricole est l’amélioration de la nutrition minérale des plantes. Cette nutrition minérale passe par un apport d’éléments minéraux dans le sol ou par l’action de certaines bactéries rhizosphériques. La biofertilisation regroupe, entre autres, l’ensemble des PGPB améliorant directement la nutrition minérale des plantes (Pérez-Montaño et al., 2013). Ce mécanisme passe par la solubilisation du phosphore, la fixation de l’azote et/ou la production de sidérophores (Gamalero et Glick, 2011). Le phosphore (P) est l’un des macronutriments essentiels pour la croissance et le développement biologique des plantes (Vessey, 2003 ; Sharma et al., 2011). Dans le sol, il se présente essentiellement sous deux formes : organique et inorganique. Certaines rhizobactéries dénommées les PSB (bactéries solubilisatrices du Phosphore) ont la capacité de convertir les phosphates insolubles en formes solubles disponibles pour les plantes (Chen et al., 2005). Le principal mécanisme passe par la libération d’acides mobilisant le phosphore par l’intermédiaire d’interactions ioniques avec les cations du sel de phosphate. Ce phénomène conduit à l’acidification des cellules microbiennes et de leur environnement et par conséquent entraine la libération du phosphate sous forme ionique. L’azote est l’un des facteurs limitant de la productivité végétale (Newton, 2000) et est généralement absorbé sous forme de nitrate. Les bactéries diazotrophes peuvent fournir aux plantes de l’azote en échange du carbone libéré comme exsudats racinaires. Toutefois, la disponibilité du carbone comme source d’énergie est requise pour la fixation intensive de l’azote. Ceci impose à ces diazotrophes de vivre près des plantes soit dans la rhizosphère, le rhizoplan ou comme endophytes. La fixation de l’azote non symbiotique a une grande importance agronomique en raison de leur association avec des cultures importantes (céréales) et de leur potentiel à améliorer leur croissance. En plus de l’azote et du phosphore, le fer constitue un élément minéral essentiel pour toutes les formes de vie (Pérez-Montaño et al., 2014). Très peu soluble et peu disponible dans le sol, certains rhizobactéries ont la capacité de mettre en place des mécanismes de dissolution par la production de sidérophores (Lankford, 1973). 12 Ce sont des chélateurs présentant une très forte affinité avec les ions Fe+3 et qui peuvent servir de source de fer aux plantes qui possèdent des systèmes de transport pour les complexes sidérophores-fer ou qui peuvent dissocier le fer du sidérophore en altérant le potentiel redox et le pH de la rhizosphère (Crowley et al, 1988).
Biocontrôle
Les bactéries PGP sont capables d’influencer de manière bénéfique la plante en la protégeant contre des infections par des agents phytopathogènes. Ces PGPR phytoprotectrices agissent par un ou plusieurs mécanismes : Par antagonisme en produisant des métabolites aux propriétés antifongiques et/ou antibiotiques qui entraine une inhibition directe de la croissance du pathogène. Par interférence avec des signaux, en détruisant les molécules signal des pathogènes (Lugtenberd et Kamilova, 2009) En activant la résistance systémique induite de type ISR (induced systemic resistance) des plantes, qui augmentera la résistance végétale à l’attaque de pathogènes (van Loon, 2007) En contrôlant la croissance des pathogènes par la compétition pour les éléments nutritifs, comme par exemple, la compétition pour le carbone (Lemanceau et al., 1988) et la compétition pour le fer dont la biodisponibilité dans le sol est très faible (Lemanceau et al., 2009).
LISTE DES ABREVIATIONS |