Caractérisation pathotypique et moléculaire de Xoo au Sénégal

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Facteurs de virulence imliqués dans l’interaction entre la plante et Xanthomonas:

Tout au long de leur co-évolution, les plantes et les microorganismes pathogènes ont développé des relations complexes résultant d’un échange constant d’informations moléculaires. Les agents pathogènes ont élaboré toute une gamme de stratégies offensives pour parasiter les plantes et en contrepartie, les plantes ont déployé un arsenal défensif similaire à bien des égards aux défenses immunitaires animales. Les bactéries pathogènes du genre Xanthomonas causent diverses maladies sur des grandes cultures de monocotylédones et de dicotylédones économiquement importantes dans le monde entier. La réussite de l’infection et de la multiplication bactérienne dans le tissu hôte dépend souvent des facteurs de virulence sécrétés par Xanthomonas. L’un des principaux facteurs de pathogénicité est le système de sécrétion de type III (SST3) (Figure 12), qui injecte des protéines effectrices dans le cytosol de la cellule hôte pour manipuler divers processus cellulaires de la plante tels que les réponses de défense de la plante ou la sensibilité (voir ci-dessous) au profit de l’agent pathogène (Büttner et Bonas 2010). Les espèces pathogènes et leurs pathovars montrent chez Xanthomonas un degré élevé de spécificité d’hôte, et de spécificité tissulaire se traduisant par une invasion soit du système vasculaire soit du mésophylle de l’hôte (Ryan et al. 2011).
Je tente de donner ci-dessous un panorama des fonctions majeures de virulence chez Xanthomonas. La section ci-dessous n’inclue pas les systèmes de sécrétion qui, du fait de leur importance, font l’objet d’une partie indépendante.

Déterminants majeurs du pouvoir pathogène chez Xanthomonas

Les plantes possèdent un arsenal de récepteurs immunitaires capables de reconnaître toutes les classes d’agents pathogènes. Et pour causer la maladie, les agents pathogènes doivent être en mesure de surmonter les obstacles physiques, de supprimer ou d’échapper à la perception immunitaire et d’extraire des nutriments des tissus hôtes. J’ai traité ici ce que je considère comme des déterminants majeurs du pouvoir pathogène chez Xanthomonas, à savoir les exopolysaccharides, les lipopolysaccharides, les adhésines, les xylanases et les toxines (Figure 13).

Les systèmes de sécrétion et leurs rôles dans la virulence

Pour faciliter certains de ces processus, les agents pathogènes sécrètent des protéines effectrices qui favorisent la colonisation de l’hôte (Toruño, Stergiopoulos, et Coaker 2016). Ces protéines favorisent vraisemblablement l’acquisition de nutriments par la bactérie et suppriment les réponses de défense des plantes. Ainsi pour une meilleure manipulation des cellules de l’hôte, les bactéries transloquent des protéines effectrices dans le cytosol des cellules végétales. Cette translocation des protéines effectrices est l’un des événements clés de l’interaction hôte-bactérie et a donc été étudiée intensivement. Cependant, la caractérisation fonctionnelle des protéines effectrices et d’autres facteurs de virulence est souvent compliquée par le fait que les mutants individuels ne sont pas altérés dans la virulence, probablement en raison de redondances fonctionnelles des protéines sécrétées (Büttner et Bonas 2010). Bien que les protéines bactériennes sécrétées soient nombreuses et diversifiées et présentent une grande variété de fonctions qui incluent la protéolyse, l’hémolyse, la cytotoxicité, la phosphorylation et la déphosphorylation des protéines, il n’existe que quelques voies par lesquelles ces protéines sont transportées du cytoplasme bactérien à l’espace extracellulaire. Ainsi, six voies de sécrétion de protéines (types I à VI : SST1-SST6 ) ont été décrites chez les bactéries à Gram négatif (Figure 14) (Fath et Kolter 1993; Hollenstein, Dawson, et Locher 2007; Finlay et Falkow 1997; Salmond et Reeves 1993; Van Gijsegem, Genin, et Boucher 1993; Green et Mecsas 2016).
• Les SST1 sont responsables de la sécrétion d’enzymes extracellulaires par les bactéries à Gram négatif, comme la sécrétion d’hémolysine α chez Escherichia coli, de l’adénylate cyclase chez Bordetella pertussis, mais aussi de protéases chez Pseudomonas aeruginosa (Wandersman 1996).
• Le SST2 a été identifié pour la première fois chez la bactérie Klebsiella oxytoca (d’Enfert, Ryter, et Pugsley 1987). Il est utilisé par de nombreuses bactéries Gram négatives pour transporter des protéines depuis le périplasme, à travers la membrane externe, dans le milieu extracellulaire (Korotkov, Sandkvist, et Hol 2012). Le clonage chez E. coli d’un fragment d’ADN de K. oxytoca a permis de mettre en évidence les 15 gènes pul nécessaires à la sécrétion de la pullulanase PulA. Depuis, ce système a également été identifié chez de nombreuses bactéries à Gram négatif pathogènes d’animaux ou de végétaux. Il se compose d’un complexe membranaire externe, d’un pseudopilus périplasmique, d’une plate-forme membranaire interne et d’une ATPase cytoplasmique (Figure13). Le SST2 assure le transport d’enzymes de dégradation telles que des cellulases, cellobiosidases, lipases, xylanases, pectinases, endoglucanases, polygalacturonases et des protéases (Sandkvist 2001; Korotkov, Sandkvist, et Hol 2012). La plupart des protéines sécrétées par le SST2 qui ont été caractérisées à ce jour sont impliquées dans la dégradation de différents composants des parois cellulaires végétales (Jha, Rajeshwari, et Sonti 2005). À ce titre, le SST2 peut jouer un rôle déterminant dans le pouvoir pathogène.
• Le SST3 met en jeu une vingtaine de protéines, dont certains sont des homologues de composants du flagelle. Les protéines sécrétées appelées effecteurs de type 3 et interagissent avec des protéines cibles de l’hôte (Effecteur TAL, protéines G, tyrosine kinase, adénylate cyclase, importine- etc.), conduisant, entre autres effets, à la réorganisation de l’actine du cytosquelette et à la phagocytose, ou, au contraire, à la dépolymérisation de l’actine et à l’inhibition de la phagocytose, ou encore à l’apoptose. Du fait de son importance dans le pouvoir pathogène de Xanthomonas, une section est entièrement dédiée au SST3 ci-après.
• Le SST4 assure la sécrétion de complexes nucléoprotéiques ou de protéines à destination de la cellule cible (Christie et Covacci 2004). Les plus connus jouent un rôle majeur dans l’échange de plasmides au cours de la conjugaison bactérienne, par exemple le système tra chez E. coli. Le SST4 est également bien connu depuis sa caractérisation en 1980 chez la bactérie phytopathogène Agrobacterium, du fait de son rôle dans le transfert dans la cellule hôte d’ADN et de protéines effectrices.
• Le SST5 est un système de sécrétion qui fonctionne en deux étapes. La translocation d’effecteurs nécessite un auto-transporteur ou un domaine indépendant de translocation dans la molécule transloquée. Ces dernières sont d’abord transloquées dans le périplasme dans un état déplié (Figure13). De ce fait, les substrats du SST5 portent une séquence de signal N-terminal Sec autorisant le passage dans le périplasme (Leo, Grin, et Linke 2012). Les substrats sécrétés par le SST5 comprennent des adhésines telles que XadA, pouvant donc jouer un rôle dans l’adhésion de cellule à cellule et la formation de biofilms.
• Les SST6 sont les systèmes de sécrétion bactériens les plus récemment décrits et, par conséquent, il y a encore beaucoup à apprendre sur leur structure et leurs fonctions. Ils transloquent les protéines dans une variété de cellules receveuses, y compris des cellules eucaryotes et, plus généralement, d’autres bactéries (Russell, Peterson, et Mougous 2014). Ces systèmes sont assez bien conservés, on les retrouve dans près d’un quart des génomes séquencés (Russell et al. 2011). Les SST6 sont capables de transporter des protéines effectrices d’une bactérie à une autre d’une manière dépendante du contact, ce qui est censé jouer un rôle dans la communication bactérienne et les interactions dans l’environnement (Green et Mecsas 2016).
• Le SST7 a été identifié chez certains organismes à Gram positif comme les Mycobactéries et les Corynébactéries (Stanley et al. 2003; Gao et al. 2004; Guinn et al. 2004; Converse et Cox 2005; Abdallah et al. 2006; 2007).

Les exopolysaccharides

Les exopolysaccharides (EPS) sont des facteurs clés de la pathogénie des Xanthomonas, mais leur fonction précise dans l’établissement de la compatibilité de base reste floue. Les EPS suppriment la signalisation induite par les MAMP dans les plantes, de par leur nature polyanionique et la capacité conséquente de chélater les ions de calcium divalents (Aslam et al. 2008). Ceci montre que les xanthanes sont impliqués dans l’induction de la sensibilité de l’hôte en supprimant notamment l’accumulation de dépôt de callose.
Les Xanthanes sont des EPS produites en grande quantité par les bactéries du genre Xanthomonas. Ils donnent un aspect mucoïde aux colonies bactériennes, servant d’épaississant et protégeant les colonies bactériennes contre les stress environnementaux. Il s’agit d’un hétéropolysaccharide composé d’unités répétitives de pentasaccharides composés d’unités monomériques de deux glucoses, deux mannoses et un résidus GlcA avec une chaîne d’épine dorsale composée de cellulose (Khan, Park, et Kwon 2007; Ates 2015). En raison de ses propriétés supérieures et de ses caractéristiques rhéologiques, le xanthane a trouvé un large éventail d’applications en tant qu’agent épaississant ou stabilisateur dans les industries de l’alimentation, des cosmétiques et du forage pétrolier (Schatschneider et al. 2013; Chivero et al. 2015). Le xanthane (ou gomme de xanthane) fut le deuxième polysaccharide d’origine microbienne à être commercialisé après le dextrane (Kang et Pettitt 1993).
Pour leurs fonctions biologiques, les polysaccharides microbiens peuvent généralement être classés comme polysaccharides de stockage intracellulaire (glycogène), ou polysaccharides capsulaires. Les polysaccharides bactériens extracellulaires tels que le xanthane, sphingane, alginate, pullulane, ou la cellulose sont également impliqués dans la formation de biofilms (Schmid et Sieber 2015).

Les lipopolysaccharides

Les lipopolysaccharides (LPS) forment une grande classe de macromolécules caractéristiques des bactéries à Gram négatif. Associées à des protéines, elles sont situées sur la face externe de la membrane externe de la cellule bactérienne. Dans cette position exposée à la surface de la cellule, les LPS sont impliqués dans l’interaction de la cellule avec l’environnement. Les LPS bactériens se composent généralement d’un domaine hydrophobe connu sous le nom de lipide A (ou endotoxine), d’un oligosaccharide « core » non répétitif et d’un polysaccharide distal (ou antigène O). Les analyses des LPS dans diverses bactéries Gram négatives, dont beaucoup sont des agents pathogènes végétaux, ont établi l’importance du transfert latéral de gènes pour générer la diversité structurelle des antigènes O. Cette variation a été proposée pour jouer un rôle dans l’évasion du système immunitaire de l’hôte. Les LPS aident les bactéries à résister aux antibiotiques et aux stress environnementaux (Raetz et Whitfield 2003; Patil, Bogdanove, et Sonti 2007). L’analyse des séquences génomiques de souches de Xanthomonas a montré une similarité du locus LPS entre les souches de Xoo et de X. citri, l’agent causal du chancre bactérien des agrumes. Cela indique que plusieurs événements de transfert latéral de gènes se sont produits à ce locus chez les Xanthomonad. De par leur conservation dans l’espèce, les LPS agissent comme des PAMP et induisent des réponses liées à la défense de type PTI. En outre, l’analyse globale de l’expression génique induite par les LPS et la chitine, révèle une forte corrélation entre les réponses induites chez la plante par ces deux facteurs. Cela indique qu’il existe une convergence des cascades de signalisation en aval de leurs récepteurs correspondants. Aussi, les réponses de défense induites par les LPS dans les cellules de riz sont associées à la mort cellulaire programmée (Patil et Sonti 2004 ; Patil, Bogdanove, et Sonti 2007). Chez X. campestris pv. campestris, la synthèse de LPS est contrôlée par le groupe de gènes wxc, qui comprend 15 gènes (Vorhölter, Niehaus, et Pühler 2001). Les mutations dans les clusters de gènes LPS rendent les bactéries plus sensibles aux conditions environnementales difficiles, par exemple dans le tissu végétal et pourraient donc conduire à une atténuation de la virulence bactérienne comme démontré pour X. campestris pv. campestris et X. campestris pv. citrumelo (Kingsley et al. 1993; Dow et al. 1995; Newman, Dow, et Daniels 2001).
L’analyse comparative de clusters de gènes LPS de différents Xanthomonas spp. montre que ces derniers sont variables en nombre et en identité des gènes, suggérant qu’ils ont vraisemblablement été soumis à une forte sélection de diversification, génération de multiples allèles dans différentes espèces, pathovars et même de souches (Lu et al. 2008). Des variations dans la composition du LPS pourraient permettre aux bactéries d’échapper à la reconnaissance par le système immunitaire de la plante hôte et affecter également la résistance bactérienne à l’adsorption et/ou l’infection de phages (Ojanen et al. 1993; Hung, Wu, et Tseng 2002).

Les adhésines

L’attachement bactérien aux surfaces est médié par des structures ancrées dans la membrane externe bactérienne qui couvrent un large groupe de composants communément appelés adhésines (Mhedbi-Hajri, Jacques, et Koebnik 2011). Les adhésines fimbriales sont des structures protéinées filamenteuses telles que le pili de type IV (Figure13). Les adhésines non fimbriales sont des protéines de surface de la paroi bactérienne (Sotot et Hultgren 1999; Gerlach et Hensel 2007). Les adhésines des bactéries phytopathogènes sont impliquées dans la virulence et l’attachement des bactéries à la surface des feuilles. Les adhésines bactériennes se lient à des récepteurs spécifiques de la surface de l’hôte et ont été étudiées intensivement chez les bactéries pathogènes animales. En revanche chez les pathogènes végétaux on en sait moins sur leur fonction de virulence. Des analyses de génomique comparative ont révélé que les bactéries pathogènes de plante possédaient un certain nombre d’adhésines impliquées vraisemblablement dans l’attachement bactérien à plusieurs récepteurs cellulaires hôtes, contribuant ainsi à différentes étapes du processus d’infection (Das, Rangaraj, et Sonti 2008).

Les xylanases

Les parois cellulaires végétales composées de fibres de cellulose et d’hémicelluloses fournissent la force et la rigidité aux cellules. Elles agissent comme une barrière contre les agents pathogènes. Les enzymes de dégradation de la paroi cellulaire que sont les cellulases, xylanases et les protéases sont sécrétées par les bactéries phytopathogènes pour décomposer certains éléments constitutifs des parois cellulaires hôtes. Près de 30 à 40 gènes codant pour des enzymes de dégradation de la paroi cellulaire ont été identifiés dans les génomes de Xanthomonas campestris pv. campestris et X. citri, ce qui souligne l’importance probable de ces gènes dans la pathogénicité des xanthomonads (Da Silva et al. 2002). Le xylane est un composant important du complexe d’hémicelluloses des parois cellulaires des plantes. Chez le riz et d’autres graminées, ces parois ont une composition élevée en xylane, représentant jusqu’à 60% du total des glucides pariétaux (Caprita et Gibeaut, 1993 ; Takeuchi et coll. 1994). La fonction des xylanases sécrétées par les systèmes de sécrétion de type II (Figure12) est précisément d’hydrolyser l’hémicellulose. La capacité d’atteindre et de pénétrer les vaisseaux du xylème est un facteur qui influe la colonisation par la bactérie des tissus de la plante (Sun et al. 2005). Deux gènes codant pour les xylanases xynA et xynB ont été identifiés dans le génome de Xoo. Les tests de virulence de mutants Xoo ayant perdu le gène xynB ou les gènes xynA/xynB révèle une atténuation de la virulence, indiquant que les xylanases sont aussi des facteurs de virulence importants pour Xoo (Rajeshwari, Jha, et Sonti 2005).

Les toxines

En pathologie végétale, une toxine est généralement définie comme une substance non enzymatique qui blesse les cellules végétales ou perturbe leur métabolisme. Les toxines végétales ont des poids moléculaires inférieurs à celui des toxines animales, et la plupart n’induisent pas la production d’anticorps lorsqu’elles sont injectées dans un animal (Owens 1969). La classification des toxines bactériennes repose sur leur mode d’action. Certaines toxines agissent à l’extérieur de la cellule en se liant à des récepteurs cellulaires ou en réalisant des pores dans la membrane. D’autres toxines sont capables d’induire la translocation d’un fragment catalytique dans le cytoplasme. Ainsi les toxines constituent des exemples concrets de détournement du fonctionnement des cellules eucaryotes au profit des bactéries (Galmiche et Boquet 2001). Les perturbations physiologique et biochimique de la plante hôte provoquées par les toxines bactériennes peuvent provoquer des symptômes de flétrissement, nécrose ou de chlorose systémique. Sept substances toxiques pour le riz ont été isolées de suspensions cellulaires de Xoo. Ces substances ont été identifiées au moyen de rayons UV et par spectrométrie de masse. Il s’agit de l’acide 3-méthylthiopropionique, l’acide trans-3-méthylthioacrylique, l’acide phénylacétique, l’acide iso-valérique, l’acide tiglique, l’acide succinique et l’acide fumarique (Takato et al. 1980). Plusieurs toxines de pathogène peuvent ouvrir les stomates qui se ferment en réponse aux PAMPs (Melotto et al, 2008 ; McLachlan et coll., 2014). C’est la cas de la fusiccocine fongique (Squire et Mansfield 1974), DSF (pour Diffusible Signal Factor) de Xanthomonas campestris (Gudesblat, Torres, et Vojnov 2009), la syringoline A (Schellenberg, Ramel, et Dudler 2010). Il y aussi la coronatine qui est l’une des phytotoxines les plus étudiées. Elle agit à la fois sur les stades pré et post-invasifs du cycle de vie de P. syringae (Melotto et Kunkel 2013). La coronatine est un imitateur structurel et fonctionnel du jasmonate qui est une hormone végétale activement impliquée dans la défense des plantes contre P. syringae (Glazebrook et al. 2003; Uppalapati et al. 2007).

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Généralités sur le Système de Sécrétion de Type Trois

Le SST3 est certainement le mécanisme de sécrétion le plus étudié (Hueck 1998). Chez les bactéries phytopathogènes, les protéines secrétées par le SST3 sont codés par des gènes hrp (pour hypersensitive reaction and pathogenicity), qui sont ainsi nommés parce que nécessaires au développement de la maladie sur une plante hôte sensible, et pour l’élicitation de la réaction d’hypersensibilité (ou HR) sur une plante résistante (P. B. Lindgren, Peet, et Panopoulos 1986; Peter B. Lindgren 1997). Les protéines constituant le SST3 des bactéries phytopathogène à Gram négatif sont les principaux facteurs de pathogénicité (Ghosh 2004), sauf pour certaines bactéries du genre Dickeya ou Pectobactérium qui provoquent des pourritures et dont les facteurs de virulences sont des enzymes de dégradation secrétés par le SST2 (Bellieny-Rabelo et al. 2019). Le locus hrp comprend plus de 20 gènes qui sont organisés en plusieurs unités transcriptionnelles (Büttner et Bonas 2002). Les gènes hrp ont d’abord été découverts par l’analyse de mutants d’insertion de transposon chez la phytobactérie Pseudomonas syringae pv. phaseolicola. Chez cette bactérie, ils ont été montrés comme essentiels à la pathogénicité et l’induction de la HR dans les plantes hôtes et non hôtes, respectivement (P. B. Lindgren, Peet, et Panopoulos 1986). Des gènes hrp sont conservés dans de nombreuses bactéries à Gram négatif pathogènes de plantes comme Pseudomonas syringae, Xanthomonas spp., Ralstonia solanacearum et Erwinia spp., illustrant un rôle central du SST3 dans la médiation de l’interaction plante-bactéries (Alfano et Collmer 2004; Büttner et Bonas 2010). Les clusters hrp sont composés de trois types de gènes. Il s’agit des gènes hrp qui sont retrouvés uniquement chez les bactéries phytopathogènes, les gènes hrc (‘hrp conserved’), qui sont conservés chez les bactéries pathogènes de plantes et d’animaux, et les gènes hpa (‘hrp associated’) qui contribuent au pouvoir pathogène mais ne sont pas essentiels pour l’interactions avec la plante hôte (Bonas et al. 1991; Gough et al. 1992; Rosqvist, Magnusson, et Wolf-Watz 1994; Sory et Cornelis 1994).
Figure 13 : Illustration des systèmes de sécrétion chez les bactéries Gram négatives. Les bactéries gram-négatives utilisent un certain nombre de systèmes de sécrétion de protéines dédiés pour transporter des protéines à travers 1, 2 ou 3 membranes de phospholipides. Certaines protéines sont sécrétées dans un mécanisme à deux étapes, sec ou Tat-dépendant. Ces protéines traversent la membrane intérieure à l’aide des voies de sécrétion Sec ou Tat et sont ensuite transportées à travers la membrane externe à l’aide d’un deuxième système de sécrétion. Les T2SS et T5SS sécrètent les protéines de cette manière. Parce qu’il sécrète des substrats repliés, le T2SS transloque les protéines initialement transportées par la voie Tat ou Sec (où les substrats Sec sont repliés dans le périplasme). En revanche, les autotransporteurs du T5SS doivent être dépliés avant le transport extérieur de la membrane et doivent donc être sécrétés à travers la membrane interne par la voie Sec. En outre, plusieurs systèmes de sécrétion de protéines transportent leurs substrats à travers les deux membranes bactériennes dans un processus indépendant des types Sec ou Tat. Il s’agit notamment des T1SS, des T3SS, des T4SS et des T6SS. Toutes ces voies contiennent des canaux traversant le périplasme et sécrètent des protéines du cytoplasme à l’extérieur de la cellule. Cependant, leurs mécanismes de sécrétion de protéines sont très différents. Trois de ces systèmes de sécrétion, le T3SS, le T4SS et le T6SS, peuvent également transporter des protéines à travers une membrane cellulaire hôte supplémentaire, délivrant des protéines sécrétées directement dans le cytosol d’une cellule cible (Green et Mecsas 2016).
Figure 14 : Système de sécrétion de type 7. Certains organismes à Gram positif, y compris ceux du genre Mycobacteria, contiennent une couche de paroi cellulaire qui est fortement modifiée par les lipides, appelée mycomembrane. Ces organismes contiennent un appareil distinct de sécrétion de protéines appelé SST7. Les SST7 contiennent plusieurs protéines de membrane interne de base qui interagissent avec les chaperons cytosoliques et forment un canal par lequel les protéines sont sécrétées. En outre, il a été proposé que les SST7 puissent contenir un canal supplémentaire qui aide à l’excrétion des substrats, bien que ce modèle n’ait pas été prouvé expérimentalement (d’après (Green et Mecsas 2016).
Le SST3 est une seringue moléculaire permettant d’injecter directement un ensemble de protéines dites effecteurs de type III (ET3), dans le cytoplasme des cellules hôtes (Figure15). De nombreux ET3 ont été identifiés chez différentes bactéries et leur nom dépend de l’agent pathogène dont ils sont issus :Pop (Pseudomonas outer protein) chez R. solanacearum (faisant partie du genre Pseudomonas à l’époque de cette identification) (Arlat et al. 1994) ou Rip (Ralstonia injected protein) (Peeters et al. 2013), ou encore Xop (Xanthomonas outer protein) chez Xanthomonas (Noël et al. 2001). Le fait que les ET3 partagent de nombreuses similarités avec les protéines végétales, suggère que ces effecteurs agiraient directement comme agonistes ou antagonistes de composants cellulaires des plantes (Genin et Boucher 2004). Chaque agent pathogène possède une batterie particulière d’effecteurs conduisant à une spécificité de son pouvoir pathogène et son spectre d’hôtes (Clarke et al. 2013; Cai et al. 2011; Potnis et al. 2011). La majorité des effecteurs ont été décrits comme des facteurs de virulence et/ou d’avirulence. Cependant, nos connaissances sur leur fonction sont relativement partielles: pour beaucoup d’entre eux, leur rôle, localisation subcellulaire et mode d’action dans les différents hôtes restent incomplets (Alfano et Collmer 2004; Bent et Mackey 2007), notamment du fait de la redondance fonctionnelle de nombreux effecteurs (Angot et al. 2006; Birch et al. 2008; Solé et al. 2012). De plus, la complexité de la compréhension du rôle des effecteurs vient notamment du fait qu’ils peuvent agir collectivement pour induire un phénotype. Par exemple, un criblage de mutants de la souche Pss190 de R. solanacearum basé sur leurs pertes de virulence sur tomate n’a révélé aucun ET3 spécifiquement impliqué dans la virulence (Lin et al. 2008). Remigi et al. (2011) ont montré que les effecteurs de la famille GALA10 sont collectivement, mais non individuellement, requis pour provoquer une maladie sur Arabidopsis thaliana et la tomate.

Structure du système de sécrétion de type trois

La plupart des SST3 de bactéries phytopathogènes connues partage un certain nombre de composants structuraux de base qui sont fortement conservés (Hueck 1998; Gürlebeck, Thieme, et Bonas 2006). Le SST3, qui permet une communication directe entre les bactéries et les cellules animales ou végétales, n’a été découverte que dans les années 1990 (Troisfontaines et Cornelis 2005). L’appareil SST3 appelé « injectisome » chez les bactéries pathogènes d’animaux (Figure 15), est constitué d’un corps basal ancré dans la membrane et qui se prolonge par un pilus extracellulaire qui relie la bactérie et la cellule hôte. Chez les phytobactéries, le pilus dit hrp est terminé par un translocon qui assure le passage des effecteurs depuis le pilus vers le cytosol de la cellule eucaryote cible (Büttner et He 2009). Chez Yersinia spp. trois protéines (YopB, YopD et LcrV) sont impliquées dans la formation du translocon qui s’insère dans la membrane cellulaire eucaryote. YopB et YopD forment un canal transmembranaire protéique qui est relié à l’aiguille par l’intermédiaire d’un complexe composé de LcrV (Håkansson et al. 1996 ; Neyt et Cornelis, 1999 ; Mueller et coll., 2008)
Figure 15: Pilus du système de sécrétion de type 3 d’après (Troisfontaines et Cornelis 2005) (A) Injectisome au repos. Les deux anneaux formant le corps basal du SST3 sont représentés ainsi que le pilus avançant à l’extérieur de la bactérie. Les effecteurs et le translocon sont stockés au sein du cytosol de la bactérie. (B) Injectisome en action. Le translocon forme un pore dans la membrane de la cellule cible et les effecteurs peuvent alors être transférés dans le cytosol de cette cellule cible. (C) Photographie de la surface d’une cellule de Yersinia enterocolitica et ses pilus observés au microscope électronique.

Les effecteurs de type 3

Les ET3 sont transloqués dans les cellules hôtes où ils interfèrent avec la réponse immune de l’hôte, ou facilitent les processus nutritionnels ou de dispersion de l’agent pathogène (Büttner et He 2009). La diversité des tissus cibles et de spécificité d’hôtes des membres du genre Xanthomonas se reflète également dans la diversité et le nombre des ET3 dans un pathovar ou une espèce donnée. Les ET3 des Xanthomonas se répartissent dans 40 groupes d’effecteurs. Ces effecteurs sont principalement regroupés sur la base de leur similarité de séquences (White et al. 2009). Les ET3 de Xanthomonas sont dénommés Xop (Noël et al. 2001). XopD code pour une protéase à cystéine C48, impliquées dans le clivage des protéines de plantes présentant des motifs de type SUMO afin de favoriser l’infection bactérienne (Hotson et al. 2003). L’effecteur XopJ de Xanthomonas campestris pv. vesicatoria (Xcv), a des homologues conservés chez Yersinia, ainsi que d’autres pathogènes bactériens végétaux et animaux, et même des symbiotes végétaux. Les membres de cette famille YopJ ont aussi la capacité d’agir comme des protéases à cystéine (Orth et al. 2000). L’effecteur YopJ inhibe les voies de signalisation associées à la réponse immunitaire en empêchant l’activation de la famille des MAPK kinases (MAPKK).
Les effecteurs de type TAL (pour « Transcription Activator-Like ») représentent une grande famille d’effecteurs conservée chez Xanthomonas et fonctionnent comme des activateurs transcriptionnels des gènes hôtes (Kay et Bonas 2009; Kobe et Kajava 2000; White et al. 2009; White, Yang, et Johnson 2000). La spécificité des effecteurs TAL est déterminée par un domaine modulaire unique de liaison à l’ADN. Le gène avrBs3 de Xcv a été le premier membre isolé de cette grande famille d’effecteurs de type III quasiment spécifiques de Xanthomonas spp (Boch et Bonas 2010).
La protéine TALE est constituée de trois domaines principaux : le domaine N-terminal avec le signal de translocation du SST3, le domaine central à répétitions impliqué dans la liaison à l’ADN et le domaine C-terminal constitué de signaux de localisation nucléaires (NLS) et d’un domaine acide d’activation (AAD pour acide activation domain) (Figure 16a) (Boch and Bonas, 2010). Le domaine central se compose de répétitions en tandem dont le nombre varie de 1,5 à 33,5 répétitions avec une moyenne d’environ 17,5 répétitions (Boch et Bonas 2010). Les TALE diffèrent principalement via ces répétitions disposées en tandem de 34 acides aminés chacune avec des acides aminés hypervariables aux positions 12 et 13, appelés RVD variables (Répétition Variable Diresidues) (Figure 16b). La liaison des TALEs aux séquences d’ADN est très spécifique en raison de combinaisons uniques de ces RVD. La découverte du code de liaison TALE-ADN a été une étape importante non seulement dans la pathologie végétale, mais aussi dans la biotechnologie. En utilisant les spécificités de liaison des RVD les mieux caractérisés (HD─>C, NI─>nA, NG─> T, NN─>G, NS─> N) et profitant de la nature modulaire des TALEs, les chercheurs ont été en mesure d’élaborer des protéines TALE artificielles avec toute spécificité souhaitée pour induire l’expression de gènes individuels, non seulement dans les plantes, mais aussi chez d’autres eucaryotes (Bogdanove et Voytas 2011). Les RVD individuels s’associent sélectivement aux nucléotides individuels selon la nature des acides aminés du RVDs. De ce fait, la succession des RVDs détermine la nature et la longueur de la séquence nucléotidique ciblée EBE (pour ‘’ Effector Binding Element’’). L’élucidation de ce « code » de spécificité TALE-ADN a permis les premières prédictions des sites de liaison des TALEs dans les génomes végétaux (Boch et al. 2009; Moscou et Bogdanove 2009). Plus récemment, l’analyse de la structure 3D des TALE a montré que leur domaine de liaison d’ADN s’enroule autour de la double hélice de l’ADN hélicoïdalement (Figure 16C) avec les RVD orientés dans la partie la plus intime du complexe à proximité de leur nucléotide cible (Murakami et al. 2010; Mak et al. 2012).

Table des matières

1 Chapitre 1: Revue bibliographique
1.1 Généralités sur le riz
1.2 Le riz au Sénégal
1.2.1 Importance du riz dans l’économie nationale
1.2.2 Les systèmes rizicoles au Sénégal
1.3 Problèmes et contraintes liés à la production du riz au Sénégal
1.3.1 Contraintes physiques
1.3.2 Problèmes de gestion des cultures
ü Préparation du sol
ü Les pépinières
ü Choix des variétés à cultiver
ü Installation de la culture
ü Gestion des éléments nutritifs
ü Gestion des eaux
ü La récolte
1.3.3 Contraintes biotiques
1.3.3.1 Les adventices
1.3.3.2 Les insectes
1.3.3.3 Les maladies du riz et les moyens de lutte
1.3.3.3.1 La pyriculariose
1.3.3.3.2 La RYMV
1.3.3.3.3 Les bactérioses du riz causée par Xanthomonas oryzae
1.3.3.3.3.1 Le flétrissement bactérien causé par Xanthomonas oryzae pv. oryzae (Xoo)
1.3.3.3.3.2 La bactériose à stries foliaires causée par Xanthomonas oryzae pv. oryzicola (Xoc)
1.3.3.3.3.3 Variabilité du spectre de virulence des souches de Xanhomonas oryzae en Afrique de l’Ouest
1.3.3.3.3.4 Aperçu de la diversité génétique et structure des populations de Xanthomonas oryzae
1.4 Facteurs de virulence imliqués dans l’interaction entre la plante et Xanthomonas
1.4.1 Déterminants majeurs du pouvoir pathogène chez Xanthomonas
1.4.1.1 Les systèmes de sécrétion et leurs rôles dans la virulence
1.4.1.2 Les exopolysaccharides
1.4.1.3 Les lipopolysaccharides
1.4.1.4 Les adhésines
1.4.1.5 Les xylanases
1.4.1.6 Les toxines
1.4.2 Généralités sur le Système de Sécrétion de Type Trois
1.4.2.1 Structure du système de sécrétion de type trois
1.4.2.2 Les effecteurs de type 3
1.5 Projet de thèse
2 Chapitre 2: Caractérisation pathotypique et moléculaire de Xoo au Sénégal
2.1 Article1 accepté dans la revue Plant disease: Confirmation Report of Bacterial Blight Caused by Xanthomonas oryzae pv. oryzae on rice in Senegal
2.1.1 Niveau d’implication personnelle
2.1.2 Contexte et justification
2.1.3 Matériels et méthodes
2.1.4 Résultats et discussions
2.1.5 Perspectives
2.2 Article2: Characterization of Senegalese Xanthomonas oryzae pv. oryzae races to inform
resistance gene deployment
2.2.1 : Niveau d’implication personnelle
2.2.2 Contexte et justification
2.2.3 Matériels et méthodes
2.2.4 Résultats et discussions
2.2.5 Perspectives
3 Chapitre 3: Caractérisation pathotypique et moléculaire de Xoc au Sénégal
3.1 Article1 Confirmation report of Bacterial Leaf Streak disease of rice caused by Xanthomonas
oryzae pv. oryzicola in Senegal
3.1.1 Niveau d’implication personnelle
3.1.2 Contexte et justification
3.1.3 Matériels et méthodes
3.1.4 Résultats et discussions
3.1.5 Perspectives
3.2 Article2 en cours de correction par les co-auteurs: Caractérisation pathotypique et moléculaire de Xoc au Sénégal
3.2.1 Niveau d’implication personnelle
3.2.2 Contexte et Justification
3.2.3 Matériels et méthodes
3.2.4 Résultats et discussions
3.2.5 Perspectives
4 Chapitre 4: Évaluation des pertes de rendement dues à Xoo sur deux variétés élites de riz du Sénégal
4.1 Introduction
4.2 Matériels et méthodes
4.2.1 Matériels
4.2.2 Méthodes
4.3 Résultats et discussion
4.4 Conclusion
5 Chapitre5: Discussion générale, conclusions et perspectives
5.1 Discussion générale
5.2 Conclusion générale et perspectives
6 Références bibliographiques

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