Caractérisation multi variables et multi échelles d’un sol sous différents systèmes de culture

Caractérisation multi variables et multi échelles d’un sol sous différents systèmes de culture

La prédiction des stocks de C des sols représente un enjeu majeur dans le double contexte des changements climatiques et d’évolution rapide des systèmes de culture. L’amélioration des modèles prédictifs de l’évolution de ces stocks passe par une meilleure connaissance et compréhension des processus qui régulent la décomposition des MOS. Les essais au champ de longue durée où différents systèmes de culture mis en place afin de réaliser une évaluation de leurs potentialités agronomiques, constituent d’excellents outils pour l’étude de la dynamique des MOS. Deux démarches d’étude visant à exploiter la variabilité des caractéristiques d’un sol sous des systèmes de culture contrastés pour expliquer les dynamiques des MOS ont été poursuivies. La première démarche fut de caractériser le sol sous les différents systèmes (via des analyses élémentaires en C et N, des mesures de densité apparente, de biomasse microbienne, de structure des communautés microbiennes, et de minéralisation basale (sur 70 jours), afin de déterminer quels sont les paramètres influençant le plus la décomposition du C des sols. La seconde démarche a été d’analyser à fine échelle des agrégats provenant des différents systèmes de culture, dans le but de voir si une relation existait entre architecture du réseau poral et MO (quantité et qualité). Les résultats de la première partie montrent une différenciation nette des caractéristiques du sol sous système SCV par rapport à celles du sol sous systèmes conventionnel et biologique : concentration des matières organiques dans les premiers centimètres, biomasse microbienne et densité apparente plus élevées, structure des communautés avec une composante fongique plus importante, et minéralisation du C plus lente. Dans la seconde partie, le sol sous système SCV s’avère être celui avec la plus grande variabilité en terme de quantité et composition de la MO et également en terme d’architecture du réseau poral. Mots-clés: Système de culture ; Conventionnel ; Biologique ; Sous Couvert Végétal permanent; Microtomographie à rayons X ; Porosité; Distribution de la matière organique.

Présentation du site expérimental

Le site expérimental de La Cage situé à l’INRA de Versailles (France), est un essai de longue durée, où l’application de quatre systèmes de culture (conventionnel ou intensif, intégré, biologique et semis direct Sous Couvert Végétal permanent (SCV)) a conduit à la différenciation du sol. Mis en place en 1997, cet essai a pour but d’évaluer les performances environnementales et techniques de ces quatre systèmes de culture dans le contexte de l’agriculture du grand bassin parisien, c’est-à-dire avec une forte proportion de blé (rotation un an sur deux) et l’absence d’élevage donc de fertilisant organiques. Les caractéristiques générales du sol sont présentées dans le tableau II.1. Le dispositif de l’essai comprend deux blocs (I et II) subdivisés en quatre sous blocs correspondant aux quatre systèmes de culture. Ces sous blocs sont eux même découpés en deux parcelles de façon à ce que le blé soit présent tous les ans sur tous les systèmes de culture (Figure II.1). Les quatre systèmes de culture se distinguent par leurs objectifs (rendements, biomasse, …), leurs contraintes associées et donc par les voies qui seront mises en œuvre pour atteindre ces objectifs tout en s’adaptant à ces contraintes. Tout d’abord, le système conventionnel est fondé sur la recherche de forts rendements d’où l’utilisation de variétés très productives et de bonnes qualités boulangères pour le blé, d’amendements azotés en grande quantité et de pesticides, engendrant de forts risques environnementaux. Afin de favoriser le fonctionnement racinaire le labour est pratiqué tous les ans sauf après la culture de pois. Avec ces hauts niveaux de productions ce système garantit la rentabilité économique. Ce système correspond à celui dominant actuellement la région. Ensuite, le système intégré a pour objectif de maintenir la marge économique en diminuant les quantités d’intrants apportés et en acceptant une baisse des rendements. Ainsi les risques d’impact environnementaux sont limités. Le labour est pratiqué un an sur deux pour favoriser le bon fonctionnement racinaire et pour limiter les risques parasitaires et de maladies. Puis le système Sous Couvert Végétal permanent est basé sur la suppression du travail du sol et le maintien d’une plante de couverture (fétuque puis luzerne) y compris pendant le cycle de la culture principale. La culture commerciale est implantée dans la culture de couverture contrôlée par fauchage ou l’utilisation d’herbicide. Enfin, le système biologique satisfait le cahier des charges de l’agriculture biologique interdisant l’emploi d’intrant de synthèse tels que les pesticides chimiques et les engrais minéraux. De manière à lutter contre les maladies et les mauvaises herbes, des variétés résistantes et le travail du sol sont utilisés. Dans le cas de la région du bassin parisien, l’absence d’élevage oblige à introduire des légumineuses en rotation pour assurer la nutrition azotée des cultures, et ponctuellement des engrais organiques sont ajoutés. Dans ce chapitre nous nous intéresserons uniquement aux systèmes conventionnel, biologique et sous couvert végétal permanent (SCV). En effet, ces systèmes nous semblaient, au vu de la littérature et des résultats antérieurement obtenus sur le site (Balabane et al., 2005), les plus pertinents en terme de variations des caractéristiques structurales et microbiennes qui sont susceptibles d’affecter la biodégradation des matières organiques des sols. Le tableau II.2 présente les caractéristiques des systèmes de culture choisis. 

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Profils des teneurs en carbone et azote organiques, rapport C/N et biomasse microbienne 

En décembre 2009, trois prélèvements de sol sur 40 cm de profondeur ont été réalisés dans chacun des trois systèmes de culture étudiés. De retour au laboratoire, les prélèvements de 40 cm de long ont été découpés tous les 2 cm afin d’obtenir des sous échantillons qui ont ensuite été séchés à l’air et broyés. Une fois séchés et broyés les échantillons sont analysés via un analyseur élémentaire de type CHN (CHN NA 1500, Carlo Elba) afin d’obtenir les teneurs en Cet N organique ainsi que le rapport C/N. La biomasse microbienne a été déterminée par la méthode de fumigation-extraction (Vance et al., 1985). Les effets respectifs de la profondeur et du système de culture sur les teneurs en C et N, le rapport C/N et la biomasse microbienne ont été analysés par des analyses de variance (ANOVA) à deux facteurs (la profondeur et le système de culture), en utilisant la version 2.14.0 du logiciel R (R Development Core Team, 2009. R: a language and environment for statistical computing. Available: http://www.Rproject.org). 

Densité apparente

 Afin de réaliser des mesures de densité apparente sur 0-10 cm de profondeur, trois prélèvements dans chaque système de culture ont été effectués. Un cylindre métallique de 10 cm de hauteur et de volume connu a été enfoncé à l’aide d’une masse dans le sol, puis a été extrait de façon à prélever la totalité de son contenu. De retour au laboratoire les prélèvements correspondant aux contenus des cylindres ont été séchés à 105°C puis pesés et rapportés au volume du cylindre d’extraction, et ce pour obtenir la densité apparente en g. cm-3. Une ANOVA à un facteur (le système de culture) a été réalisée pour tester l’effet du système de culture sur la densité apparente avec le logiciel R (version 2.14.0). 

Analyses des acides gras phospholipidiques (PLFA) 

Trois prélèvements sur 0-10 cm dans chaque système de culture ont été réalisés en vue des analyses « biologiques ». Pour l’analyse des acides gras phospholipidiques le sol a été préalablement tamisé à 5 mm et lyophilisé. L’analyse des acides gras phospholipidiques a été établie après extraction de 10 g de sol en utilisant la méthode décrite par Frostegård et al. (1993). L’ensemble des lipides contenus dans les membranes cellulaires des microorganismes est extrait par solubilisation et agitation dans un extractant composé de méthanol, chloroforme et tampon citrate. Les phospholipides sont ensuite séparés des neutrolipides et des glycolipides par chromatographie liquide sur colonne de silice (Extract Clean®Silica, Grace). Les phopholipides ainsi récupérés sont dépolymérisés et transméthylés par méthanolyse alcaline. Après la méthylation les acides  gras obtenus sont séparés en utilisant un chromatographe en phase gazeuse de type Hewlett Packard 6890 muni d’un détecteur à ionisation de flamme (GC-FID). Un standard qualitatif composé d’un mélange d’acides gras méthylés allant du C11:0 au C20:0 (BAME, SigmaAldrich) est utilisé pour l’identification des acides gras contenus dans nos échantillons en se basant sur leurs temps de rétention. L’abondance relative de chaque acide gras est utilisée pour comparer la structure des communautés entre échantillons. Les acides gras contribuant à moins de 1% de la totalité du pool d’acides gras ont été enlevés avant l’analyse. La nomenclature standard des acides gras a été utilisée, comme décrite dans Frostegård et al. (1993). Les acides gras mono-insaturés et les cyclopropylés (C16:1w9, C18:1w9c, C18:1w9t, cycC17:0, cycC19:0) correspondent à des marqueurs bactériens Gram- (Zelles, 1999), les acides gras iso- et anteiso- (iC15:0, aC15:0, iC16:0, iC17:0, aC17:0) à des marqueurs bactériens Gram+ (Zelles, 1999) et le C18:2w(9,12) au marqueur fongique (Frostegård et al., 1993; Zelles, 1997). Les acides gras cyclopropylés peuvent aussi correspondre à des marqueurs d’anaérobes (Hill et al., 2000), el les C18:1w9c, C18:1w9t peuvent dans certains sols (par exemple les sols forestiers) correspondre à des marqueurs fongiques (Frostegård et al., 2011). La communauté bactérienne totale est représentée par la somme des marqueurs Gram- et Gram+ ainsi que les acides gras C15:0 et C17:0. L’effet des différents systèmes de culture sur la structure des communautés microbiennes a été déterminé par des Analyses en Composantes Principales (ACP) en utilisant le package « Vegan : Community Eclogy Package » dans la version 2.14.0 du logiciel R. 

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