Caractérisation multi-échelle de l’écoulement de mousses en milieux poreux en contexte EOR
Description multi-échelle de la mousse hors milieu poreux
Définition de la mousse
La mousse liquide est un système colloïdal composé d’une phase liquide contenant des molécules de tensioactifs et d’une phase gazeuse. La phase liquide est continue tandis que la phase gazeuse est dispersée sous forme de bulles dans la phase liquide. La mousse d’apparence fragile, arrive à créer un grand ensemble d’interfaces liquides/gaz stabilisées par les tensioactifs (voir Figure 4 à gauche). Ceci confère à la mousse des propriétés physicochimiques intéressantes utilisées dans des domaines industriels très variés (voir Figure 4 à droite) : produit détergent en cosmétique, fluides extincteurs pour les incendies ou agent isolant dans le traitement de surface, etc. Figure 4 : Images de mousse Bulk (à gauche) et extinction d’incendie à l’aide de la mousse (à droite). Le rapport entre le volume liquide contenu dans la mousse et le volume total de la mousse définit sa fraction liquide : 𝜙𝑙 = 𝑉𝑙 𝑉𝑚𝑜𝑢𝑠𝑠𝑒 = 𝑉𝑙 𝑉𝑙 + 𝑉𝑔 (I.1) Ce paramètre permet de mesurer l’humidité de la mousse, et sa variation influence la structure de la mousse à différentes échelles (Figure 5). Lorsque 𝜙𝑙 ≥ 𝜙𝑙 ∗ , les bulles sont sphériques et ne se touchent pas, on parle alors de liquide bulleux ou émulsion gazeuse. Lorsque 0.05 ≤ 𝜙𝑙 < 𝜙𝑙 ∗ , les bulles sont au contact sous formes de sphères écrasées, on Chapitre I : Généralités sur les mousses 11 parle alors de mousse humide. Quand 𝜙𝑙 est plus petite que 0.05, on est dans le cas d’une mousse sèche avec des bulles sous la forme de polyèdres. La transition entre le liquide bulleux et la mousse humide a lieu en 𝜙𝑙 ∗ , (proche de 0.3), qui correspond à peu-près à un empilement compact de sphères dures[11]. Figure 5 : Différents types de structure de la mousse en fonction de la fraction liquide.
Structure de la mousse à différentes échelles
La mousse est aussi un système métastable, qui évolue dans le temps et dans l’espace en fonction des contraintes physico-chimiques appliquées (température, pH, pesanteur, adhésion aux parois, etc.). Cette évolution affecte les éléments qui forment sa structure, qui s’étale sur plusieurs échelles du nanomètre au micromètre [12], voire au millimètre. A l’échelle nanométrique on trouve les tensioactifs. Ce sont des molécules nécessaires pour stabiliser les films liquides (appelés aussi « lamelles ») entourant les bulles [13]. Les tensioactifs s’organisent souvent sous forme de monocouches avec la tête hydrophile dans la phase liquide et la queue hydrophobe dans la phase gazeuse. Les propriétés d’élasticité de surface et de viscosité des films liquides sont influencées par la nature, l’organisation et la concentration des tensioactifs. A L’échelle micrométrique, la mousse est décrite par les « bords de Plateau » en référence au physicien et mathématicien belge Joseph Plateau (XIXème siècle). Il s’agit de canaux liquides épais se situant entre les bulles et formés par l’intersection de trois films liquides. Ils peuvent facilement être vus à l’œil-nu. Ces bords de Plateau se rejoignent quatre par quatre au sommet d’une bulle pour former un nœud ou un vertex (cf. Figure 6). Les bulles quant à elles, s’étalent généralement de quelques centaines de micromètre à quelques millimètres. Chapitre I : Généralités sur les mousses 12 Figure 6 : Structure multi-échelle d’une mousse liquide et ordre de taille. La structure statique de la mousse Bulk est totalement contrôlée par la minimisation d’énergie à travers la minimisation des aires interfaciales liquide/gaz. Néanmoins, il existe différents phénomènes physiques qui déstabilisent la mousse [14], à savoir : – Le murissement : Diffusion du gaz à travers les films liquides par différence de pression de Laplace entre les bulles. Les petites bulles disparaissent au profit des grandes bulles. – Le drainage liquide : Écoulement liquide des films vers les bords de Plateau à cause de la différence de courbure entre les deux. A l’échelle de la mousse le drainage liquide se fait via les bords de Plateau à cause de la gravité. – La succion capillaire : Rupture du film liquide séparant deux bulles sous l’effet de la pression capillaire. Ce phénomène est responsable de la coalescence des mousses et est décrit en détails dans le cas des mousses en milieux poreux (cf. paragraphe (II.D.2))
Écoulement des mousses en milieux poreux (Aspects microscopiques)
Définition de la mousse en milieu poreux
Dans un milieu poreux, une mousse est représentée schématiquement par une dispersion de phase gazeuse dans une phase liquide continue et stabilisée par des tensioactifs aux interfaces liquide/gaz. La phase gazeuse peut être totalement ou partiellement discontinue, la discontinuité étant assurée par des lamelles liquides [15] (cf. Figure 7). La phase liquide forme aussi des films de mouillage liquide sur les parois des grains, connectés aux lamelles. La mousse ne représente pas une phase en soi. Dans une mousse en milieu poreux, le liquide se divise en une fraction qui remplira les lamelles et les bords de Plateau et une fraction qui se logera dans les petits interstices du milieu poreux. Tandis que le gaz se divise en une fraction de gaz en écoulement et une autre fraction immobile, piégée dans le réseau poreux [16]. Figure 7 : Schéma de l’écoulement de la mousse à l’échelle du pore (modifié de [15]). B. Les méthodes d’injection Il existe différentes méthodes pour injecter ou former la mousse in situ dans un milieu poreux : – Co-injection de gaz et de liquide : la solution de tensioactifs et le gaz sont co-injectés à l’entrée du milieu poreux [6, 7]. Chapitre I : Généralités sur les mousses 14 – Pré-génération de la mousse : la mousse est générée à l’aide d’un générateur de mousse en dehors du milieu poreux avant de s’écouler dans le milieu poreux à balayer [19]. – Injection alternée de tensioactif et de gaz (Surfactant Alternate Gas ou SAG) [8]: le liquide contenant le tensioactif et le gaz sont injectés de manière alternée sous forme de bouchons « Slugs » et la mousse est alors générée in situ dans le milieu poreux. Durant le procédé SAG, la solution de tensioactifs est drainée par la phase gazeuse. La pré-génération de la mousse permet de pallier principalement aux problèmes de puits faiblement productifs dans des réservoirs à faible pression, tandis que la co-injection et le procédé SAG seraient plus utiles pour améliorer l’efficacité du balayage [20]. C. Texture et qualité de la mousse Le nombre de lamelles par unité de volume de gaz [21] définit la texture de la mousse 𝑛𝑓. Ce paramètre est d’une importance fondamentale car il est relié aux caractéristiques physiques intrinsèques à l’écoulement des mousses dans les milieux poreux, incluant la viscosité, la perméabilité relative et l’interaction entre les fluides. Hirasaki et al., [21] montre que le nombre de lamelles par unité de volume est inversement proportionnel à la taille moyenne des bulles qui s’écoulent dans un tube capillaire. D’autres auteurs utilisent cette notion de densité de lamelles pour décrire la texture de la mouse en relation notamment avec la viscosité du gaz moussant [22–24]. Certains auteurs se réfèrent à la distribution en taille des bulles pour parler de texture de la mousse en milieux poreux [25]. En l’absence de tensioactifs, une co-injection gaz-eau dans un milieu poreux aboutira nécessairement à des chemins préférentiels pour le gaz (généralement dans les canaux les plus larges) et le gaz aura tendance à migrer vers le haut par ségrégation gravitaire (cf. Figure 8.a). On appelle alors « mousse faible », une mousse qui développe généralement une faible différence de pression, avec une densité faible de lamelles et des bulles de grande taille (cf. Figure 8.b). A l’inverse, lorsqu’il existe un grand nombre de lamelles en l’absence de tout chemin de percolation de gaz, la mousse développe une grande résistance à l’écoulement du gaz et des bulles très fines sont présentes, on obtient alors ce qu’on appelle une « mousse forte » (cf. Figure 8.c). Les concepts de « mousse forte » et de « mousse faible » sont généralement qualitatifs et sont mieux appréciés à l’aide des mesures des différences de pressions lors de l’écoulement, en Chapitre I : Généralités sur les mousses 15 comparaison avec des écoulements monophasique (liquide seul) ou diphasiques (gaz et eau sans tensioactifs). Localement, la texture de la mousse est le résultat de la compétition de phénomènes complexes de création, de piégeage, de mobilisation et de destruction des lamelles. La plupart des études qui s’intéressent à la texture de la mousse dans un milieu poreux réel, mesurent la distribution ou la taille moyenne des bulles en sortie du milieux poreux dans des cellules de visualisation .. La structure réelle de la mousse au sein du réseau poreux n’a jamais été observée. Ceci pose la question fondamentale de l’existence de la mousse sous forme de trains de bulles, qui est le modèle souvent mis en avant, et la possible existence d’une structure de mousse bulk au sein même du réseau poreux. Marsden et al., affirment simplement que les bulles ont une distribution en taille du même ordre de grandeur que la distribution en taille des pores. D’autres auteurs confirment ces observations, même dans le cas de mousses faibles .
À mes chers parents |