Caractérisation Moléculaire des Espèces Plasmodiales Circulant dans la Zone de Kédougou (Sud-est du Sénégal)

Définition et agents du paludisme

Les Plasmodiums sont des parasites intracellulaires obligatoires (Embranchement : Sporozoa, Phylum : Apicomplexa, Classe : Sporozoaires, Sous-classe : Coccidie, Ordre : Eucoccidie, Sous-ordre : Hoemosporina, Famille : Plasmodiideae, Genre : plasmodium). Parasites hétéroxènes, les Plasmodiums, présentent deux hôtes dans leur cycle de développement : un hôte vertébré (hôte intermédiaire) et un moustique hématophage femelle du genre Anopheles. Il existe de très nombreuses espèces de Plasmodium, dont quatre infectant spécifiquement l’homme (P. falciparum, P. malariae, P. ovale et P. vivax) (Mekonnen et al., 2014). Plus récemment, P. knowlesi, un parasite simien, a été identifié comme la principale cause de paludisme humain en Malaisie (Joveen-Neoh et al., 2011), son apparition est également associée à la réduction de l’incidence des espèces de Plasmodium humains (William et al., 2013).
Plasmodium falciparum : P. falciparum est l’agent causal de la forme la plus grave du paludisme humain (Le Bras, 1999), notamment le neuropaludisme. De toutes les espèces plasmodiales rencontrées en pathologie humaine, P. falciparum est celle qui présente la plus grande incidence à l’échelle mondiale. Sa transmission est annuelle en zone équatoriale, avec cependant des recrudescences saisonnières. En zone subtropicale, il ne survient qu’en période chaude et humide. Cette transmission s’interrompt lorsque la température tombe en dessous de 18°C. A la différence des autres espèces plasmodiales, P. falciparum ne développe pas de rechutes tardives et sa période d’incubation est comprise entre 7 et 12 jours. Cependant, il est caractérisé par sa capacité à développer des mécanismes d’échappement au système immunitaire de l’hôte et à développer des résistances contre les antipaludiques.
Plasmodium vivax : P. vivax est le plus largement répandu des agents du paludisme humain et est responsable de 100 à 300 millions de cas cliniques, notamment des cas sévères et parfois mortels (Bernabeu et al., 2012). Très largement répandu en Amérique du Sud et en Asie, il est beaucoup plus rarement observé en Afrique, du fait notamment de l’absence de l’antigène Duffy chez la majorité des populations de ce continent, nécessaire pour l’infection des érythrocytes par P. vivax. La présence de formes dormantes au niveau du foie (hypnozoites) fait que P. vivax provoque des rechutes souvent tardives, parfois même à des périodes où les Anophèles vecteurs sont absents. Avec une période d’incubation de 11 à 13 jours, il commence à surgir quelques résistances médicamenteuses à P. vivax, notamment en Indonésie (Price et al., 2014).
Plasmodium ovale : P. ovale a son foyer d’endémie en Afrique tropicale, et est rarement observé dans d’autres régions du monde (WHO, 1969). Sa limite nord passe par le Sénégal, le sud Mali jusqu’au sud éthiopien et le sud de la Somalie. Sa limite sud est une diagonale allant du nord de l’Angola (excluant ce pays) jusqu’au sud du Mozambique, en passant par le long de la frontière sud du Congo. Madagascar est inclus dans l’aire de distribution de P. ovale (Molez, 1987). Son incubation est de 15 jours au minimum mais peut-être beaucoup plus longue, jusqu’à 4 ans. Son évolution est bénigne mais on peut observer, comme avec P. vivax, des rechutes tardives (5 ans). Schématiquement, on dit que P. ovale remplace P. vivax là où cette dernière espèce n’existe pas. Plasmodium malariae : P. malariae est globalement distribué avec cependant une faible prédominance. Les infections dues à P. malariae n’atteignent généralement pas un fort taux de parasitémie mais sont souvent associées à une néphropathie chronique (Calderaro et al., 2007). Elle se différencie des autres espèces par une incubation plus longue (15 à 21 jours), par une périodicité différente de la fièvre et surtout par sa capacité à entrainer des reviviscences très tardives. Les mécanismes physiopathologiques responsables de ces reviviscences tardives ne sont pas totalement élucidés, certains évoquent la présence de mérozoites latents dans les voies lymphatiques.
Plasmodium knowlesi : P. knowlesi était seulement un parasite simien (macaque) de l’Asie du Sud-Est. Actuellement, il sévit dans tous les pays d’Asie du Sud-Est excepté le Laos (Singh and Daneshvar, 2013) avec plusieurs centaines de cas déjà rapportés chez l’homme. Elle se différencie des autres espèces par une fièvre quotidienne. Il existe de rares formes graves et à ce jour aucune chimiorésistance n’a été observée pour cette espèce.

Vecteurs du paludisme

Le paludisme est transmis d’une personne à l’autre par les moustiques femelles du genre Anopheles (Embranchement des Arthropodes, Classe des Insectes, Sous-classe des Ptérygotes, Ordre des Diptères, Sous-ordre des Nématocères, Famille des Culicidés, Genre: Anophèles). Il y a environ 400 espèces différentes de moustiques anophèles, mais seulement 30 de ces dernières sont des vecteurs d’importance majeure (WHO, 2013). En Afrique sub-saharienne, il existe quelques 140 espèces d’anophèles, dont une douzaine sont d’excellents vecteurs et certains parmi les meilleurs vecteurs mondiaux (Carnevale and Robert, 2009). Au Sénégal, les espèces majoritairement rencontrées sont Anophèles gambiae, A. arabiensis, A. funestus, A. pharoensis et A. melas (WHO, 2013).
Les anophèles femelles ont la particularité de transmettre le parasite à l’homme par piqûre infectante au cours de leurs repas sanguins tandis que les mâles se nourrissent de nectars de fleurs et de sucs végétaux. L’essentiel des piqûres ont lieu à partir du coucher du soleil avec un maximum d’activité entre 23h et 6h (Rodriguez et al., 2009). Les facteurs environnementaux et climatiques contribuent largement à la distribution et à l’abondance des vecteurs du paludisme dans le monde et par conséquent, influencent la transmission du paludisme. Les espèces les plus dangereuses sont les espèces anthropophiles, qui ont une préférence pour effectuer leur repas sanguin sur l’homme plutôt que sur l’animal et les espèces endophiles qui se reposent à l’intérieur des maisons.

Epidémiologie, distribution et régions à risque du paludisme

En 2013, le paludisme a encore emporté 584 000 vies selon les estimations de l’OMS, principalement des enfants de moins de cinq ans en Afrique (WHO, 2014). Cela correspond à 1300 vies de jeunes enfants perdues chaque jour à cause du paludisme, un rappel fort indiquant que la victoire sur cet ennemi de longue date n’est pas pour demain. Les femmes enceintes étant aussi particulièrement vulnérables car le placenta constitue une cible où les parasites de P. falciparum peuvent s’accumuler. Il est important de comprendre qu’en raison des facteurs influençant l’épidémiologie (distribution des anophèles, capacité vectorielle, caractéristiques biologiques des différentes espèces de Plasmodium, …), la répartition géographique varie d’un continent à l’autre, d’un pays à l’autre, mais aussi d’une région à une autre, d’un village à un autre et même parfois au sein d’un même village. De plus, cette distribution est très complexe et on note des zones paludiques et non-paludiques très proches les unes des autres. Dans certains pays d’endémie palustre, et notamment dans les pays où le fardeau du paludisme est le plus lourd, nous ne pouvons évaluer de manière fiable les tendances du paludisme (WHO, 2013). Cependant, les zones tropicales et subtropicales sont plus favorables au développement du parasite du paludisme contrairement aux zones tempérées. Le paludisme est endémique dans les zones intertropicales : dans les Amériques, dans de nombreux endroits d’Asie et en Afrique (Diallo, 2014). Toutefois, c’est en Afrique sub-saharienne que l’on enregistre 85 à 90% des cas de décès liés au paludisme (WHO, 2013).
Le paludisme est très largement répandu dans toute l’Afrique sub-saharienne où coexistent P. falciparum (nettement prédominant), P. ovale et de manière plus sporadique P. malariae. P. vivax quant à elle peut être retrouvée en Afrique de l’Est, au Cap-Vert, à l’Ile Maurice et même en Afrique de l’Ouest où sa présence a longuement été négligée (Bernabeu et al., 2012).
A la différence de l’Afrique, où la transmission est beaucoup plus homogène, la transmission en Asie se fait sous forme de foyers disséminés en milieu rural dans les zones de collines boisées. Toutes les grandes villes asiatiques sont indemnes (sauf les villes indiennes) et le danger est majeur dans les zones rurales du Cambodge, de l’Indonésie, du Vietnam de la Chine et de la Thaïlande.
Enfin, dans les Amériques, la cartographie est différente avec : en Amérique du sud, un risque faible dans les grandes villes, mais réel dans les zones rurales de la Bolivie, de la Colombie, de l’Equateur, du Pérou et du Venezuela, et majeur dans toute la région amazonienne ; en Amérique centrale, une présence de micro zones, donc un risque relativement faible ; au niveau des Antilles : le paludisme sévit en Haïti et près de la frontière dominicaine (WHO, 2013 ).

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Paludisme au Sénégal

Le Sénégal est l’un des 45 pays d’Afrique où le paludisme est endémique tout au long de l’année et représente la principale cause de morbidité et de mortalité chez les groupes vulnérables (WHO, 2008). L’espèce majoritairement rencontrée est P. falciparum avec une transmission dominante saisonnière de juin à novembre. Le paludisme demeure un problème de santé publique au Sénégal car le fardeau de la maladie est toujours lourd notamment dans certaines régions du pays et les décès qui lui sont attribuables persistent (PNLP, 2014), et ceci du fait de facteurs divers, tels que la densité de la population, les aspects épidémiologiques, la pluviométrie ainsi que la difficulté d’accès géographique et financier aux installations sanitaires. En effet, au Sénégal la lutte contre le paludisme est inscrite parmi les priorités nationales définies dans la politique de santé (PNLP, 2014).
La situation épidémiologique du paludisme au Sénégal est marquée par une double évolution entre 2008 et 2013 : une baisse de la prévalence et une augmentation de l’incidence. La prévalence parasitaire nationale a baissé de 2008 à 2013, passant de 5,9% en 2008 à 2,8% en 2013. Cette prévalence présente des disparités car les zones du Sud (Ziguinchor, Tamba, Sédhiou, Kolda, Kédougou) ont des chiffres élevés allant jusqu’à 9,1% ; pour les régions du centre (Diourbel, Kaolack, Fatick, Kaffrine) elle est de 2,2% ; pour la zone ouest-nord (Dakar, Thiès, Louga, St Louis, Matam), elle est de 0,7% (PNLP, 2014).

Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I : SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE 
1. Définition et agents du paludisme 
o Plasmodium falciparum
o Plasmodium vivax
o Plasmodium ovale
o Plasmodium malariae
o Plasmodium knowlesi
2. Vecteurs du paludisme
3. Cycle biologique de Plasmodium spp
3.1. Chez l’homme
3.1.1. Schizogonie hépatique
3.1.2. Schizogonie érythrocytaire
3.2. Chez le moustique
4. Epidémiologie, distribution et régions à risque du paludisme 
5. Paludisme au Sénégal 
6. Problématique et objectifs 
CHAPITRE II : MATERIELS ET METHODE 
1. Matériels 
1.1. Matériel biologique
1.2. Gènes d’intérêt
1.2.1. Le gène codant pour le 18S ss rRNA
1.2.2. Le gène msp1
1.2.3. Le gène msp2
2. Méthodologie 
2.1. Recrutement des patients et prélèvements
2.2. Diagnostic du paludisme
2.2.1. Microscopie et TDR
2.2.2. Méthode moléculaire
2.2.2.1. Extraction de l’ADN parasitaire
2.2.2.2. Amplification par Nested PCR
2.2.2.2.1. Caractérisation des espèces plasmodiales
2.2.2.2.2. Génotypage des gènes msp1, msp2 et de leurs familles alléliques
2.2.2.3. Révélation des produits PCR
CHAPITRE III : RESULTATS ET DISCUSSION
1. Résultats
1.1. Caractérisation moléculaire des espèces plasmodiales
1.1.1. Caractéristiques démographiques de la population d’étude
1.1.2. Validation de l’approche PCR à partir de sérum
1.1.3. Prévalence des espèces plasmodiales
1.2. Confirmation des infections à P. vivax par séquençage
1.2.1. Analyse par Blastn des séquences consensus de P. vivax
1.2.2. Analyse phylogénétique des séquences d’ADN vivax
1.3. Génotypage des familles alléliques de msp-1 et msp-2
1.3.1. Distribution des familles alléliques de msp-1 et msp-2 en fonction de l’âge et du sexe
1.3.2. Multiplicité des infections ou complexité génotypique de P. falciparum
2. Discussion 
Conclusion et perspectives
BIBLIOGRAPHIE 
WEBIGRAPHIE

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