Caractérisation moléculaire de souches de
Salmonella Grumpensis isolées d’infections
nosocomiales néonatales
Généralités sur Salmonella
Les salmonelles, bactéries communes à l’homme et à l’animal, sont classées dans la famille des Enterobacteriaceae. Elles appartiennent au genre Salmonella dans lequel on distingue 2 espèces, 6 sous-espèces et plus de 2500 sérotypes: – Espèce Salmonella enterica (255 sérovars) . Sous-espèce enterica ou sous-espèce I (1531 sérovars) . Sous-espèce salamae ou sous-espèce II (505 sérovars) . Sous-espèce arizonae ou sous-espèce IIIa (99 sérovars) . Sous-espèce diarizonae ou sous-espèce IIIb (336 sérovars) . Sous-espèce houtenae ou sous-espèce IV (73 sérovars) . Sous-espèce indica ou sous-espèce V (13 sérovars) – Espèce Salmonella bongori (22 sérovars). S. enterica sous-espèce enterica renferme la quasi-totalité des souches de salmonelles isolées en situation pathogène chez l’homme.
Caractères bactériologiques
Les salmonelles appartiennent à la famille des entérobactéries est constituée de genres bactériens qui sont rassemblés en raison de caractères bactériologiques communs. Ce sont des bacilles droits, à mobilité péritriche, acapsulés (rares exceptions) et asporulés. Ils mesurent 1 à 3 µm de longueur sur 0,2 à 0,3 µm de largeur. Les milieux usuels permettent leur isolement. Leur pH optimum est de 7 et la température d’incubation optimale est de 37°C. Ces bactéries, aérobie-anaérobies facultatives, donnent des colonies de type S, rarement de type R et un trouble homogène en bouillon. 3 Les salmonelles sont dépourvues d’oxydase mais produisent une catalase. Les hydrates de carbone suivants sont fermentés : le glucose (avec production de gaz sauf S. Typhi), le mannitol, le sorbitol et le dulcitol. Les sucres non fermentés sont le lactose (absence de bêtagalactosidase), le saccharose, l’adonitol et la salicine. L’étude du métabolisme des protides révèle la présence de lysine décarboxylase (LDC) [sauf S. Paratyphi A], d’Arginine dihydrolase (ADH) et d’Ornithine Décarboxylase (ODC) [sauf S. Typhi] et de SH2 (+) sauf S. Paratyphi A. Les salmonelles ne synthétisent pas d’indole, d’uréase, de gélatinase ni de TDA. Par ailleurs, la réaction de Voges-Proskauer (VP) est négative de même que la croissance en présence de malonate. Par contre, elles poussent sur citrate de Simmons sauf S. Typhi et S. Paratyphi A. Grâce aux antigènes O, H et Vi, Kauffmann et White ont défini un schéma de classification des salmonelles par groupe antigénique « O »; il a été revu par le Minor [7]. Actuellement, plus de 2500 sérotypes sont décrits [5]. L’AgO de Salmonella Grumpensis a été décrit par Hormaechet en 1944 ; sa formule antigénique (O:13,23,36:d-1,7) sera formellement établie plus tard par Kauffmann. Les antigènes des salmonelles sont immunogènes ; l’antigène Vi (AgVi) est utilisé comme vaccin anti typhoïdique. Depuis 1996, des noms, basés sur l’origine géographique de la première souche isolée, sont donnés uniquement aux sérotypes de la sousespèce enterica, et, lorsque la formule antigénique de la souche est incomplète, un nom de sérotype ne peut être attribué .
Epidémiologie
Le réservoir principal des salmonelles est le tube digestif des vertébrés. S. enterica enterica est adaptée aux animaux à sang chaud et à l’homme. Les sérotypes strictement humains sont S. Typhi, S. Paratyphi A et S. Sendai. L’homme se contamine soit directement par les mains souillés, soit indirectement par l’eau, les aliments, les fruits et légumes souillés par les matières fécales d’origine humaine ou animale. Des cas d’infections nosocomiales ont été documentés à partir du personnel, des malades et de l’environnement [12]. Nombreux sont les sérotypes isolés en routine chez l’homme en cas d’infections et chez l’animal lors de la recherche d’une source de contamination humaine ou de la qualité 4 microbiologique d’un aliment. Au Sénégal, le Centre National de Référence des Entérobactéries de l’Institut Pasteur a identifié de nombreux sérotypes d’origine diverses : aliments, selles, sang, pus, urines etc.…
Salmonelloses
La fièvre typhoïde (due à S. Typhi) et les fièvres para typhoïdiques (dues aux S. Paratyphi A, B et C) sont les formes cliniques les plus graves. Les troubles digestifs sont dominés par la diarrhée à selles liquides, ocres dites « jus de melon ». Une perforation intestinale peut compliquer ces maladies. Pendant la typhoïde, 50 à 80% des malades excrètent les bacilles dans les selles et, environ 2% deviennent porteurs chroniques de la bactérie après guérison. Les gastroentérites aiguës (GEA) à selles parfois sanguinolentes, sont provoquées par les sérotypes dits « mineurs ». Elles évoluent souvent sous forme d’épidémies dans la communauté ou en milieu hospitalier ; elles sont collectives ou individuelles, compliquées parfois d’une bactériémie. Les salmonelloses revêtent d’autres formes comme les septicémies pures (rares) surtout chez les nourrissons et les personnes âgées, les atteintes pleuro pulmonaires, urogénitales, cardiovasculaires, ostéo-articulaires, neuro-méningées etc. La physiopathologie générale des salmonelloses s’explique aussi par la présence de facteurs de pathogénicité chez les salmonelles. On en a décrit au moins 60 ; la majorité est située sur des îlots de pathogénicité (gènes chromosomiques) ; certains sont portés par un plasmide commun à beaucoup de sérotypes non typhiques (Typhi ne possède pas ce plasmide)
Diagnostic bactériologique
Les salmonelles sont isolées à partir de produits pathologiques variés (sang, selles, pus, LCR, urines, liquides d’épanchement) ou des aliments et de l’eau. On utilise des géloses lactosées sélectives (Hektoen, SS, Mac Conkey, Drigalski, EMB) et des bouillons d’enrichissement (Muller-Kaufmann, bouillon au sélénite de sodium, bouillon Rappaport-Vassiliadis- Soja). L’identification repose sur les caractères morphologiques, culturaux et biochimiques. Le diagnostic de certitude se fait par la recherche des caractères antigéniques grâce à des immuns sérums spécifiques de Salmonella. La sensibilité de la souche isolée est testée vis-à-vis d’antibiotiques à bonne diffusion intracellulaire dans l’organisme comme : ampicilline, amoxicilline, amoxicilline + acide clavulanique, céfotaxime, chloramphénicol, ciprofloxacine, gentamicine, kanamycine, tétracycline, acide nalidixique, cotrimoxazole. La méthode utilisée est celle de la diffusion de l’antibiotique en milieu gélosé selon une méthodologie standardisée. A coté de l’isolement des salmonelles par la culture, des méthodes d’amplification du génome bactérien par PCR sont également disponibles. Lors des fièvres typhoïdique et para typhoïdique, la recherche et le dosage des anticorps anti AgO, et AgH (sérodiagnostic de Widal et Félix) est possible. C’est plus un test d’orientation qu’un test de diagnostic de certitude. Son interprétation n’est pas souvent aisée (faux positifs ou faux négatifs).
Eléments de thérapeutique
L’instauration d’une antibiothérapie lors des gastro-entérites non compliquées et des intoxications alimentaires ne fait pas l’unanimité. Par contre, il faut traiter les malades grabataires et les formes d’emblée sévères. L’antibiothérapie peut favoriser l’émergence de souches résistantes. Le recours aux données de l’antibiogramme est nécessaire vu la fréquence élevée des BMR parmi les « sérotypes mineurs » de salmonelles. S. Typhi est le sérotype le plus sensible aux antibiotiques dont l’ampicilline, les céphalosporines de 3ème génération (C3G), le chloramphénicol et le cotrimoxazole. La résistance de cette bactérie au chloramphénicol, d’origine plasmidique, est apparue en 1972 en Inde ; les souches multirésistantes au chloramphénicol et au cotrimoxazole à la fois sont apparues en 1981 et leur prévalence ne cesse de progresser [9]. L’OMS a signalé en 1997 une augmentation inquiétante de l’incidence des souches de Salmonella non typhiques résistantes aux antibiotiques; elle incriminait leur utilisation excessive en médecine vétérinaire [10,11]. La prévention des salmonelloses repose sur 3 axes : la surveillance épidémiologique, la réduction de la dissémination et la vaccination. L’instauration d’une surveillance nationale 6 permet de documenter les cas de GEA sur le plan microbiologique ; de déterminer les sérotypes en circulation et de préciser leur profil de sensibilité aux antibiotiques ; de dépister les porteurs sains travaillant dans l’industrie agro-alimentaire. Il faut mettre à la disposition des populations de l’eau potable ; instaurer le système de « tout à l’égout » ; traiter les eaux usées avant de les déversées dans les cours d’eau ou la mer ; surveiller la qualité microbiologique des aliments. Des vaccins sont disponibles uniquement contre la fièvre typhoïde ; il s’agit du Typhim Vi et du Ty21aR ; l’ancien vaccin (TABR ) est mal toléré et son efficacité est discutée. 2. Résistance des bactéries aux antibiotiques La résistance bactérienne peut être naturelle. Ce caractère est présent chez toutes les souches d’une même espèce ou d’un même genre et délimite de ce fait le spectre d’activité de l’antibiotique. La résistance bactérienne aux antibiotiques peut aussi être acquise. Ce type de résistance ne concerne qu’une partie des souches normalement sensibles d’une espèce donnée. La résistance, qu’elle soit naturelle ou acquise, peut être croisée grâce à un mécanisme biochimique commun; elle concerne des antibiotiques appartenant ou non à la même famille, comme par exemple la résistance aux macrolides-lincosamides-streptogramines du groupe B (MLSB) conférée par la méthylation de l’ARN 23S. Quant à la co-résistance, elle concerne des antibiotiques appartenant à différentes familles ; est liée à plusieurs mécanismes impliquant différents gènes portés souvent par un élément génétique mobile.
Mécanismes de la résistance bactérienne
Les mêmes mécanismes sont responsables de la résistance acquise ou naturelle en dehors de la substitution de cibles qui ne peut être qu’acquise.
Résistance naturelle
Elle peut être liée aux caractéristiques physiologiques de l’espèce ou à la présence constitutive d’un gène de structure. 7 Le plus souvent, il s’agit d’une inaccessibilité de l’antibiotique à la cible ou à une plus faible affinité de la cible pour l’antibiotique ; plus rarement, elle est liée à l’absence de la cible. Parfois, il peut aussi s’agir d’une modification enzymatique de l’antibiotique comme c’est le cas chez Enterobacter cloacae qui produit naturellement une céphalosporinase.
Résistance acquise
L’acquisition de la résistance peut être liée soit à une mutation affectant un gène de structure ou un gène de régulation (transmission verticale), soit à l’acquisition de matériel génétique exogène (transmission horizontale); les 2 mécanismes ne s’excluent pas mutuellement. Il est difficile d’évaluer leur impact relatif.
Méthodes phénotypique d’étude de la résistance bactérienne
Quelle que soit la méthode utilisée, l’étude de la sensibilité d’une bactérie aux antibiotiques nécessite une identification préalable de celle-ci, l’utilisation d’une technique standardisée, reproductible et d’interprétation aisée des résultats. La méthode de diffusion de l’antibiotique en gélose est utilisée en routine.
Méthode de diffusion en gélose
L’antibiotique (AB) contenu dans un disque de papier est mis au contact d’une dilution de la bactérie à tester à la surface d’une gélose nutritive riche (Mueller Hinton). Après diffusion verticale et horizontale dans la gélose, si l’AB inhibe la bactérie, un diamètre apparait tout autour du disque. Le diamètre de cette zone d’inhibition permet une « Catégorisation Clinique » de la bactérie en 3 classes : Sensible, Intermédiaire et Résistante. La sensibilité et la reproductibilité de cette méthode sont passables. Cependant, il est possible d’établir une corrélation entre le diamètre d’inhibition d’un antibiotique et sa concentration minimale inhibitrice (CMI), possibilité exploitée par certains automates .
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