CARACTERISATION ET VALORISATION DES RESSOURCES EN EAU

CARACTERISATION ET VALORISATION DES
RESSOURCES EN EAU

INTRODUCTION GENERALE

«Avoir accès aux ressources nécessaires pour avoir un niveau de vie décent» constitue un des critères essentiels du développement humain tels que définis par le PNUD (1990). Ainsi, l’eau est au centre de toutes les politiques de développement car devant jouer un rôle crucial et fondamental dans le déroulement des activités humaines dont certaines dépendent entièrement de sa disponibilité et de sa mobilisation. Partout dans le monde, l’évolution du contexte sociétal et climatique a entrainé des perturbations sur le cycle hydrologique et par conséquent une tension croissante sur la ressource en eau, nécessitant ainsi d’autres formes de gestion. La vulnérabilité des ressources en eau de l’Afrique, évoquée par le 3ème rapport du GIEC (2001), est d’abord une conséquence de la détérioration des conditions pluviométriques et de ses répercussions sur l’écoulement ainsi que sur la qualité des eaux (Albergel J., Dacosta H., 1996).Cependant malgré la précarité de ces conditions climatiques marquées par de fréquentes fluctuations, une pluviosité faible et une forte évaporation, le Sénégal dispose de ressources en eau relativement suffisantes (Livre bleu Sénégal- SIE, 2010). La question de l’eau ne s’y pose donc pas en termes de quantité globale mais certainement en termes de répartition spatio-temporelle, de connaissance, de mobilisation, de qualité mais aussi en termes de gestion efficiente de la ressource. Dans la zone du bassin arachidier particulièrement, les limites quantitatives comme qualitatives de ces ressources, déjà relatées dans la lettre de politique sectorielle de l’hydraulique et de l’assainissement en milieu urbain et rural (Juin 2005), sont encore soulevées par une étude plus récente d’évaluation et de suivi des ressources en eau de la DGPRE (2014) : « les ressources souterraines sont souvent salées et relativement profondes, et les eaux de surfaces sont sporadiques et en quantité limitée, voire salée sur l’aval des rivières» . L’évaluation des ressources en eau reste difficile surtout dans les petits bassins composés de plusieurs bas-fonds qui recèlent pourtant de potentialités hydriques considérables (Mbodji S., 2008) ; ce qui leur confère une attention toute particulière. Dans ces zones marquées aussi par une grande ruralité, la détérioration des conditions pluviométriques à partir de 1970 (Paturel J.E. et al, 1998) a profondément perturbé des systèmes de production basés sur une agriculture pluviale. Cela s’est traduit par la diminution de la production agricole, des revenus du monde rural, et par l’aggravation de la pauvreté. En réponse à tous ces aléas et, pour préserver les activités agricoles menacées aussi par l’élévation du niveau de la mer, l’Etat et les partenaires au développement ont élaboré, réactivé ou déroulé divers programmes d’aménagement parmi lesquels la mise en place d’ouvrages hydro-agricoles. Ce fut le cas à Senghor, dans la zone 8 homogène des bassins versants estuariens du Saloum (Albergel J., Dacosta H., 1996), où la CARITAS3 a construit un barrage anti-sel (en 2000) puis deux digues de retenue d’eau (en 2006). Ces types d’ouvrages modifient toujours le comportement hydrologique d’un bassin et entrainent par la même occasion des mutations dans la dynamique socioéconomique de la zone concernée. Au-delà des aménagements, les perceptions et les formes d’exploitation sont tout aussi important dans le cadre de la recherche d’un environnement économique prospère. Qu’en est-il dans ce bassin ? Dans un contexte de développement de l’agriculture qui passe par la diversification et l’étalement des activités agricoles sur toute l’année, ces zones de bas-fond constituent un enjeu important. La gestion optimale des ressources en eau qui s’y trouvent, devient dès lors un impératif. La connaissance de l’état de la ressource étant un préalable à toute gestion (PAGIRE, 2007), il s’avère donc important de faire une évaluation exhaustive des caractéristiques et du fonctionnement hydrologique de ces lieux. Le manque ou l’insuffisance d’observations est un handicap à la prédétermination des écoulements, à la maitrise des flux et des stocks d’eau résultants : à la ressource disponible. La maitrise de l’eau passe aussi par l’amélioration des conditions de son usage. L’utilisation économique efficiente de l’eau est même un des principes de base recommandés pour le réexamen des politiques de développement par la FAO (1995). Toutes ces préoccupations se résument dans les défis majeurs de la GIRE4 à savoir satisfaire les besoins fondamentaux, assurer la sécurité alimentaire, protéger les écosystèmes en évaluant les ressources en eau, en les partageant, en les gérant rationnellement en même temps que les risques (Déclaration ministérielle La Haye, 2000). Aujourd’hui, au Sénégal, les autorités ont élaboré un nouveau référentiel de la politique économique et sociale : le Plan Sénégal Emergent (PSE)5 . Ce modèle de développement vise entre autres objectifs la création de richesse et d’emploi par la transformation de la structure de l’économie et l’élargissement de l’accès aux services sociaux. Au niveau du monde rural, le 3 La Caritas est une Organisation Non Gouvernementale Catholique 4 Le GWP (partenariat mondial de l’eau) définit la GIRE (Gestion Intégrée des Ressources en Eau) comme un « processus qui encourage la mise en valeur et la gestion coordonnées de l’eau, des terres et des ressources associées en vue de maximiser le bien-être économique et social qui en résulte d’une manière équitable sans compromettre la durabilité d’écosystèmes vitaux ». 5 République du Sénégal,  PSE envisage de s’appuyer sur le développement intégré de l’agriculture familiale par la diversification et l’intensification de la production. Une telle option de modernisation de l’agriculture nécessite une bonne maitrise, une utilisation efficace et efficiente des ressources en eau.

 JUSTIFICATION 

La maitrise de l’eau est une condition essentielle de développement des activités du secteur primaire qui occupe une part importante dans l’économie du monde rural. La première étape dans une démarche de maitrise d’une ressource reste sa connaissance. Le bassin de Senghor, zone de bas-fonds, est encore peu étudié ou suivi. L’intrusion marine, le déficit hydrique, la forte évaporation, entre autres contraintes constituent une menace certaine sur ses ressources en eau et par conséquent sur les activités humaines qui s’y déroulent. Pourtant, les aménagements hydro-agricoles mis en place dans le bassin entre 2000 et 2006 ont permis d’avoir de l’eau de surface pendant presque toute l’année dans une bonne partie de la vallée de Senghor. Mais quel est l’état de cet écoulement? Quels en sont ses usages ? L’épanouissement socioéconomique des populations dépend en grande partie des activités agricoles dominées par les exploitations familiales et les cultures pluviales. Ces activités sont encore tributaires d’un bon hivernage et ne permettent pas un travail à plein temps. La pluie, comme le souligne Roudier P. (2012) en parlant de la sous-région ouest-africaine, apparaît encore comme un des facteurs déterminants de la variation interannuelle des rendements. Pour réduire les écarts de développement, l’organisation de l’espace et la gestion optimale des ressources ont toujours été préconisées. Ainsi, la valorisation des ressources en eau ne peut-elle pas constituer une panacée pour le développement économique et social dans ces terroirs? Une large proportion des populations de la zone reste désœuvrée pendant la saison sèche malgré un grand potentiel hydrique. Dans le cadre d’un développement intégré, inclusive et durable, la mise en valeur des ressources en eau constitue un impératif et un enjeu. Cette politique s’inscrit dans la « dynamique de valorisation des ressources et potentialités agro-écologique des différentes zones du pays » préconisée par le PSE. Ces orientations sont aussi relevées dans les stratégies de développement élaborées au niveau local (PLD Toubacouta, PLD Nioro Alassane Tall, 2009). Dès lors la sous-exploitation des ressources en eau ne laisse-t-elle pas entrevoir d’autres contraintes d’ordre technique, financier, social ou structurel ?

LES OBJECTIFS DE LA RECHERCHE

 Objectif général 

L’objectif de notre étude est de dégager des stratégies de valorisation optimale des ressources en eau dans le bassin versant à travers leur évaluation, la définition des enjeux, l’analyse de l’impact des ouvrages hydro agricoles, des modes de gestion et de la perception des populations. 2.2. Objectifs spécifiques Notre travail consistera donc à :  Déterminer les caractéristiques du bassin versant de Senghor,  Evaluer le potentiel hydrique actuel du bassin,  Dégager des stratégies pertinentes d’optimisation de la mise en valeur des ressources en eau du bassin à partir des contraintes notées. Cela nous amène à poser les hypothèses suivantes : 

 HYPOTHESES

  Le bassin versant de Senghor dispose d’un milieu naturel favorable à l’essor socioéconomique, mais aussi très vulnérable ;  Les ouvrages hydro agricoles mis en place dans le bassin ont renforcé le potentiel hydrique qui reste encore sous-exploité ;  Des stratégies de valorisation des ressources en eau adéquates peuvent permettre d’améliorer les conditions de vie des populations de la zone. 

METHODOLOGIE DE RECHERCHE 

Pour accomplir notre travail de recherche, nous avons adopté une démarche articulée sur trois étapes principales:  La recherche documentaire  Les travaux de terrain  Le traitement des données et informations 

 La recherche documentaire

 Elle a consisté à parcourir et à exploiter un certain nombre de documents (manuels, thèses, mémoires, documents officiels, articles et rapports, cartes et images satellites) liés à notre cadre d’étude ou à notre thème d’étude. Ce travail nous a amené à fréquenter principalement la Bibliothèque Universitaire de l’UCAD et celle du département de géographie, de l’Agence Universitaire Francophone (AUF), du Centre de Suivi Ecologique (CSE). Des structures nationales et internationales, publiques ou privées ont été visitées. Il s’agit principalement de la CARITAS, de la DGRPE et de l’IRD. Une importante documentation électronique, tirée de divers sites d’organismes et d’institutions nationales et internationales, nous a été utile.

 Le travail de terrain 

Le travail de terrain a consisté à :  Collecter des données : climatiques, hydrologiques, agricoles, économiques auprès d’agences nationales, régionales ou locales. Il s’agit, entre autres, de l’Agence Nationale de la Météorologie du Sénégal (ANAMS) et de ses services déconcentrés, de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD), de la DGPRE, de l’IRD, de la DPV de Sokone, de la CARITAS, du Centre de Formation Agricole de Keur Babou DIOUF,  Effectuer plusieurs visites de terrain : dans le bassin, ses localités (en particulier ceux de la vallée), dans les exploitations agricoles du terroir inter-villageois de Senghor,  Mener des entretiens et des enquêtes : in situ, auprès des principaux acteurs intervenant dans la zone notamment les populations locales, les producteurs, les autorités publiques, les structures de gestion ou d’encadrement, les associations de développement etc. Le questionnaire a été administré à 72 exploitants (dont 38 femmes) du terroir inter-villageois de Senghor composé de onze villages : Senghor, Ndiop Thiarène, Ndiop Ndienguène, Daga Berra, Keur Babou Diouf, Sadio Sala, Batamare, Santhie Mbaye Sy, Keur Mama Lamine, Simon Diène, Keur Ibra Mbery. Ce choix s’est fait en tenant compte de la répartition spatiale et de l’importance des activités autour de la vallée. 

Le traitement des données et l’analyse des résultats 

Cette étape a permis d’analyser, de synthétiser et d’exploiter les différentes données et informations tirées de nos travaux de recherche. L’outil informatique à travers divers logiciels (Word, Excel, Sphinx…) a été très usité. – La délimitation du bassin versant, l’extraction du réseau hydrographique, le calcul des caractéristiques morphométriques et la cartographie, le traitement des images satellites et le calcul du NDVI ont été faits à l’aide d’Arc Gis. – Le modèle numérique de terrain MNT 3D a été réalisé à partir du logiciel Surf – er 8. – Les images Landsat ont été obtenues à partir du site http://glovis.usgs.gov/. – La mise en forme des données pluviométriques et climatiques, les calculs statistiques et l’élaboration des graphiques et tableaux sont effectués sous Excel et Hydraccess. Notre travail est articulé autour de deux grandes parties : La première consiste à caractériser le bassin au point de vue physique d’abord (localisation, morphométrie, géologie et hydrogéologie, les sols, le réseau hydrographique, l’occupation du sol et les éléments du climat), au point de vue humain ensuite (caractéristiques sociodémographiques et économiques) ; La deuxième partie est consacrée à la valorisation des ressources en eau. Il s’agit ici d’étudier les ressources en eau, d’analyser l’évolution des systèmes de production, des usages et des perceptions afin de dégager des stratégies d’optimisation de la mise en valeur des ressources à partir des contraintes relevées.