Caractérisation et prédiction probabiliste des variations brusques et importantes de la production éolienne

Caractérisation et prédiction probabiliste des variations brusques et importantes de la production éolienne

Les différents aspects de la variabilité de la production éolienne

La vitesse du vent et la production éolienne changent constamment. Si le qualificatif d’ »intermittent » est aussi employé dans le but de décrire le caractère partiellement contrôlable de la production éolienne, il est davantage fait référence au terme de « variabilité » dès lors qu’il s’agit de décrire son caractère changeant et la nature aléatoire de ses variations. Il existe bien des moyens de caractériser la variabilité de la production. L’écart-type en donne par exemple une estimation « globale ». L’analyse spectrale offre une information plus détaillée, dans le sens où elle permet l’estimation des différentes composantes fréquentielles des signaux de production. Cependant, les aspects de la variabilité ainsi quantifiés ne constituent pas nécessairement une information pertinente au regard d’un opérateur responsable du réseau. Un opérateur en charge de l’équilibre entre l’offre et la demande en électricité doit 25 Caractérisation et prédiction des variations brusques et importantes de la production éolienne pouvoir évaluer de combien et à quelle vitesse la production intermittente (resp. la demande) varie d’un instant à l’autre. Dans cette section, nous donnons une synthèse critique des différentes formes de caractérisation de la variabilité de la production les plus fréquemment rencontrées dans la littérature. Nous insistons sur quels aspects de la variabilité elles quantifient ainsi que sur les limitations de ces approches, vis-à-vis de la caractérisation d’une variation nécessaire à la description des variations les plus brusques et les plus importantes de la production.

Variabilité, écart-type, distribution et non-stationnarité du processus de production éolienne

Par variabilité, on entend souvent écart-type d’une variable aléatoire. L’écart-type d’une variable aléatoire réelle mesure l’écart moyen à la valeur moyenne de cette variable. Il quantifie, et par là même résume à un simple nombre, la dispersion (autour de la valeur moyenne) des valeurs que peut prendre cette dernière. Sous certaines hypothèses paramétriques (e.g. de normalité), l’écart-type avec la valeur moyenne caractérisent la distribution statistique d’une variable aléatoire. L’estimation de cette distribution se ramène alors à l’estimation de la valeur moyenne et de l’écart-type de la variable en question. Comme pour la vitesse du vent, l’asymétrie, la nature bornée et mixte 3 de la distribution de la production, font qu’une simple hypothèse de normalité n’est généralement pas adaptée à des fins d’estimation de la ressource ou de prédiction de la production. Il est possible d’opérer une transformation (e.g. logistique) préalable des données de production, rendant l’hypothèse de normalité plus appropriée [19, 20]. Le vent confère au processus de production éolienne sa nature non-stationnaire. Un processus aléatoire est dit stationnaire si ses propriétés statistiques persistent dans le temps. Plus précisément un processus (Pt)t , où t désigne le temps, est dit stationnaire si pour tout vecteur de dimension finie quelconque n : (Pt1 , . . . , Ptn ), la distribution de ce dernier reste invariante par translation dans le temps [21], i.e ∀h, f(Pt1 ,…,Ptn ) = f(Pt1+h,…,Ptn+h) , où fX désigne la distribution d’une variable aléatoire X. En particulier, le niveau moyen et l’écart-type d’un processus stationnaire restent constants au cours du temps. Le processus de production éolienne est non-stationnaire notamment dans le sens où son niveau moyen et son écart-type varient au cours du temps. Dès lors, sa non-stationnarité peut se manifester de bien des manières : lors d’un épisode de forte volatilité caractérisé par une importante dispersion des mesures de production autour d’une valeur tendancielle, ou lors d’un changement brusque et important du niveau moyen du processus par exemples. On peut aisément se convaincre de la non-stationnarité du processus de production en visualisant les variations de son niveau moyen et de son écart-type, à partir du résultat d’estimations empiriques reposant sur un calcul de moyennes mobiles. Des estimations trimestrielles réalisées (ici sans moyennes mobiles) sur des données de 3. i.e. continue-discrète. La distribution statistique de la production d’une turbine ou d’une ferme présente généralement une masse atomique en 0 (production nulle), et au niveau de la capacité maximale de production 26 Caractérisation de la variabilité de la production éolienne production agrégée du Danemark entre janvier 2006 et septembre 2009 (échantillonnées au 1/4 h), sont représentées Figure 2.1 (graphique de gauche). Ces données de production proviennent de 212 stations de transformation 4 réparties sur la péninsule du Jutland et l’île de Funen. La hausse, observée ici, du niveau moyen de production et de son écart-type durant les saisons hivernales, concorde avec les observations faites dans [22]. A cette échelle, les variations du niveau de production moyen n’excèdent pas ici 30% de la capacité de production installée. Les variations brusques dont l’amplitude représente une part importante de la capacité totale de production, s’observent généralement à des échelles de temps et d’espace plus petites. mars 2006 mars 2007 mars 2008 mars 2009 0 10 20 30 40 50 60 70 power [% of total capacity] mean production standard deviation 0 50 100 150 200 250 300 23 24 25 26 27 28 distance [km] production stand. dev. [ % capacity] average stand. dev. ave. stand. dev. +/− 1 sd FIGURE 2.1 – Ecart-type de la production : variations temporelles et effet de foisonnement – A gauche : moyennes trimestrielles et écarts-types de la production de la partie ouest du Danemark entre janvier 2006 et septembre 2009. Leurs variations saisonnières montrent la non-stationnarité du processus de production à l’échelle d’un pays. A droite : effet de foisonnement illustré par la diminution de l’écart-type de la production agrégée, lorsqu’augmente la superficie du territoire couvert par des fermes éoliennes. La dispersion géographique des fermes éoliennes et la diversité des régimes de vent qui y sont associés font que leur production agrégée bénéficie d’un effet dit de foisonnement. Ce dernier se caractérise par une production agrégée plus « lisse » que celle de chaque ferme prise indépendamment. Typiquement, la production agrégée tend à ne jamais être nulle, ni à hauteur de sa capacité maximale, et sa distribution voit sa masse se concentrer autour de sa valeur moyenne, à mesure que croît la superficie couverte par des fermes éoliennes. Cette concentration se traduit notamment par une diminution de l’écart-type de la production. En ceci, l’écart-type de la production est souvent étudié afin d’évaluer cet effet de foisonnement [22, 23, 24]. Ce phénomène, montré ici dans le cas de la production Danoise, est illustré Fi4. A chacune des stations de transformation auxquelles il est fait référence peut être connectée une ou plusieurs fermes éoliennes. Ces stations sont dorénavant identifiées à des fermes éoliennes. 27 Caractérisation et prédiction des variations brusques et importantes de la production éolienne gure 2.1 (graphique de droite). Les estimations montrées dans cette figure proviennent d’un échantillon de 30 fermes de référence sélectionnées aléatoirement. Dans un premier temps, l’écart-type de la production agrégée des fermes situées dans un rayon allant de 0 à 300 km (par pas de 10 km) d’une ferme de référence a été estimé. Les estimations provenant des différentes fermes de référence ont ensuite été agrégées. De par sa définition, l’écart-type constitue une mesure appropriée de la volatilité d’un processus comme celui de la production éolienne. Son utilisation a été récemment proposée dans la caractérisation d’épisodes de forte volatilité de la vitesse du vent [25]. L’écart-type quantifie l’intensité avec laquelle un processus fluctue autour de sa valeur moyenne à un instant donné. Il ne permet pas d’évaluer l’intensité ni même la direction avec lesquelles le niveau (moyen) d’un processus varie entre deux instants précis.

Variabilité et analyse spectrale de la production

La description des variations de la production éolienne nécessite la détermination d’échelles de temps (resp. d’espace) caractéristiques. Dans le cas du vent, la disponibilité des mesures a permis depuis longtemps déjà, de mieux comprendre quelles étaient ces échelles. Van der Hoven [26] fut ainsi l’un des premiers à révéler l’existence d’échelles caractéristiques dans la périodicité des variations de la vitesse horizontale du vent. A partir de signaux de mesures réalisées à une altitude de 100m, et pour des fréquences comprises entre 0.25 et 1.95 × 10−7 Hz, il a constaté la présence de variations caractéristiques pour des périodes égales à 1 minute et 4 jours. A chacune de ces variations (i.e. périodes) caractéristiques correspond un « pic significatif » dans la distribution en fréquence de la puissance des signaux de mesures du vent. La distribution en fréquence S[v] de la puissance d’un signal v, est définie par le carré du module de la transformée de Fourier F[v] du signal, et est parfois appelée densité spectrale de puissance : F[v](f) = Z +∞ −∞ v(t)e −2iπf tdt, S[v] = |F[v]| 2 , où f désigne la fréquence d’une variation. En pratique, il existe différentes méthodes pour estimer la densité spectrale de puissance à partir d’un nombre fini de mesures. Une approche classique (dite du périodogramme, et notamment utilisée dans [26]) repose sur le calcul de la transformée de Fourier discrète du signal. La combinaison des estimations réalisées sur différents segments issus du découpage d’un signal permet d’en réduire la variabilité (pour plus de détails on pourra voir notamment [27] et [28]). Dans ses travaux, Van der Hoven [26] a également observé l’existence d’un « trou spectral » caractérisé par une faible puissance du signal, pour des variations de la vitesse du vent dont la période était comprise entre 1 minute et 10 heures environ. Les conclusions d’études plus récentes nous amènent toutefois à penser qu’il ne convient pas de généraliser l’existence de 28 Caractérisation de la variabilité de la production éolienne ce dernier [29, 30, 31]. L’étude du spectre de signaux de production éolienne a fait l’objet de récents travaux de recherche [1, 13, 32, 33]. Dans [1], le spectre des signaux de production observée à l’échelle d’une turbine ou d’une ferme ne présente pas de trou spectral, mais fait apparaître une relation exponentielle entre la puissance du signal et les fréquences. Plus précisément, il y est constaté que pour des périodes comprises entre 30 secondes et 2.6 jours, la densité spectrale de puissance suit une exponentielle de la forme : S[v](f) ∝ f −5/3 , f désignant la fréquence. Ces observations corroborent certains résultats théoriques établis par Kolmogorov [34], dans l’étude de l’énergie contenue dans les turbulences d’un fluide (auquel peut être identifiée l’atmosphère). L’adéquation entre ces résultats conduit à identifier le spectre de la production éolienne (d’une ferme) à ce que l’on appelle parfois un spectre de Kolmogorov [1]. Dans la continuité de ces travaux, [13] et [32] ont étudié l’effet de foisonnement à travers l’analyse spectrale de signaux représentant la production agrégée de fermes interconnectées.

Table des matières

1 Introduction
1.1 Contexte général
1.2 Prédire la production éolienne et ses extrêmes : le cas des variations brusques et importantes
1.3 Objectifs et démarche de la thèse
1.4 Structure du manuscrit
Bibliographie
2 Caractérisation de la variabilité de la production éolienne
2.1 Introduction
2.2 Les différents aspects de la variabilité de la production éolienne
2.2.1 Variabilité, écart-type, distribution et non-stationnarité du processus de production éolienne
2.2.2 Variabilité et analyse spectrale de la production
2.2.3 Variabilité et différences finies de la production
2.3 Caractérisation et détection des ruptures d’un signal numérique
2.3.1 Quelques notions de base dans la détection des ruptures d’un signal numérique unidimensionnel
2.3.2 Caractérisation multi-échelle et détection des ruptures d’un signal
2.4 Conclusions
Bibliographie
3 Modélisation des variations brusques et importantes de la production éolienne et étude paramétrique d’approches de détection
3.1 Introduction
Caractérisation et prédiction des variations brusques et importantes de la production éolienne
3.2 Proposition d’un cadre d’évaluation des approches de détection des variations
brusques et importantes de la production éolienne
3.2.1 Définition d’un modèle de rupture
3.2.2 Conditions expérimentales et simulations
3.2.3 Critères d’évaluation
3.3 Etude paramétrique du comportement de différents filtres de détection .
3.3.1 Choix de filtre
3.3.2 Evaluation des performances de détection à partir des critères de Canny
3.4 Etude paramétrique d’approches de détection multi-échelles
3.4.1 Approches multi-échelles
3.4.2 Evaluation des performances de détection et de localisation
3.5 Conclusions
Bibliographie
4 Estimation de l’incertitude temporelle dans la prédiction des variations brusques et importantes de la production éolienne
Première partie : Introduction
Deuxième partie : Forecasting ramps of wind power production with numerical weather prediction ensembles
4.1 Introduction
4.2 Definition and characterization of a ramp event
4.2.1 Measuring time variations of wind power
4.2.2 Ramp detection and characterization
4.3 Forecasting ramp events using ensemble wind power forecasts
4.3.1 Forecasting an ensemble of ramp characteristics
4.3.2 Clustering an ensemble of ramp characteristics
4.3.3 Making probabilistic forecasts of ramp occurrence using ensembles
4.4 Evaluation framework and results
4.4.1 The Case-Study
4.4.2 Evaluating the capture of ramp events from ensemble-based forecasts
4.4.3 Evaluating ensemble-based probability forecasts of ramp occurrence
4.5 Conclusions and Perspectives
Troisième partie : Résultats complémentaires
Bibliographie
5 Conclusions générales
5.1 Retour sur les contributions et conclusions
5.2 Perspectives
Bibliographie

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