CARACTÉRISATION ET MODÉLISATION HYDROGÉOLOGIQUE DES AQUIFÈRES
GÉNÉRALITÉS EN HYDROGÉOLOGIE
Étymologiquement, un aquifère est composé par le préfixe « aqu » qui vient du latin aqua, eau et du suffixe « fère » qui vient du latin fer, porter. Littéralement, le terme aquifère signifie « qui porte l’eau ». Selon le Glossaire international d’hydrogéologie (1978), un aquifère est définit par une formation réservoir qui contient de l’eau mobilisable et qui est suffisamment conductrice pour permettre un écoulement souterrain significatif et le captage d’une quantité appréciable d’eau souterraine. Cette définition met en exergue l’importance de comprendre, d’une part, les flux souterrains (circulation des fluides) et d’autre part, le système géologique (réservoir) pour gérer les ressources souterraines disponibles.
La connaissance de la structure physique de l’aquifère est donc primordiale afin de comprendre les vitesses et les directions d’écoulement. Selon que l’eau circule à travers une porosité d’interstices (également appelée porosité de pores, ou porosité primaire) ou circule à travers une porosité de fissures (communément appelée porosité secondaire), les vitesses et les chemins d’écoulement seront différents , Dans le cas du milieu poreux, l’eau circule à travers les pores interconnectés du milieu, alors que dans le cas d’un milieu fissuré, l’eau s’écoule à travers un réseau de fissures, de fractures ou de failles interconnectées et ouvertes en plus de circuler avec une moindre facilité dans le milieu matriciel poreux.
Le terme milieu discontinu regroupe des milieux dont le comportement hydrodynamique peut-être très différent. En effet, dans le cas d’aquifères fracturés, les discontinuités sont d’échelle mésoscopique (fractures). Lorsque la répartition spatiale de ces fractures est uniforme et interconnecté, l’aquifère est assimilable à un milieu homogène équivalent ou un milieu à double porosité. Les failles sont quant à elles des structures macroscopiques qui génèrent une forte anisotropie hydraulique (Bense et Person 2006) et peuvent avoir une forte influence sur les écoulements souterrains. En effet, selon Caine et al. (1996) les failles peuvent agir comme des conduits, comme des barrières ou comme une combinaison conduit-barrière. La modélisation de ces structures nécessite donc une approche discrète, c’est-à-dire de les représenter explicitement.
LES DIFFÉRENTES APPROCHES POUR MODÉLISER UN AQUIFÈRE
L’hydrogéologie dispose de nombreux types de modèles pour représenter les aquifères.
– Les modèles analogiques qui se basent, sur une étude expérimentale en laboratoire afin de décrire des phénomènes hydrauliques.
– Les modèles analytiques, qui consistent à déterminer des solutions mathématiques à l’équation de diffusivité. Ceux-ci peuvent être déterministes ou stochastiques.
– Les modèles numériques qui permettent de modéliser les écoulements souterrains en discrétisant dans le temps et l’espace, l’équation de la diffusivité (aux dérivées partielles). En hydrogéologie, la description des transferts de pression au sein d’un aquifère (il en va de même pour les transferts de masse et de chaleur), se basent, le plus souvent, sur des modèles fondés sur des équations mathématiques et des hypothèses simplificatrices. Il existe plusieurs approches pour aborder la modélisation d’un aquifère.
– L’approche discrète : pour les aquifères fracturés ou faillés, l’approche discrète repose sur une représentation précise et explicite du réseau de discontinuités, tel qu’il est observé in situ ou conceptualisé fictivement, et considère l’écoulement dans chaque fracture prise en compte. On suppose dans cette approche que la réponse hydraulique de l’aquifère peut être expliquée par la géométrie du réseau de discontinuités (hypothèse non vérifiée actuellement (Rafini 2008)) ainsi que les propriétés hydrauliques de chaque fracture. On dénombre actuellement de nombreux modèles discrets, à savoir, le modèle en plaques parallèles, le modèle à fracture verticale isotrope, le modèle à fracture horizontale isotrope, les modèles à fracture pseudo-anisotrope et anisotrope ainsi que des modèles considérant plusieurs fractures (Dewandel et al. 2018). Pour plus de détails sur ces modèles, il est possible de se référer aux thèses de De Dreuzy (1999) et de Rafini (2008). Dans cette approche, l’échelle modélisée est limitée face à l’ampleur du travail et la difficulté à caractériser les fractures (De Dreuzy 1999). Dans la zone concentrée autour d’un puits, il est possible de décrire le réseau de fractures de façon déterministe, par des méthodes diagraphiques ou hydrauliques.
– L’approche stochastique : les fractures qui ne sont pas directement observées sont couramment représentées par une approche stochastique (ou probabiliste). Celle-ci est basée sur une représentation statistique des propriétés du milieu (distributions statistiques de la forme, la longueur, l’orientation, la position, la densité et d‘ouverture des fractures ainsi que la dimensionnalité du réseau d’écoulement) (Long et al., 1982, Dverstop et Andersson, 1989; Cacas et al., 1990b, cités par De Dreuzy (1999). Utilisant le logiciel décrit par Rouleau (1988), Rouleau et Gale (1987) ont présenté la première application sur un cas réel de l’approche de modélisation de l’écoulement dans un réseau stochastique de fractures. Leur étude a porté sur un tunnel excavé au site de Stripa en Suède, ce site qui semble avoir servi aussi à une application du modèle « GRF » proposé par Barker (1988). Cette approche est cependant, très simplifiée, en termes de géométrie et de propriétés hydrauliques des fractures et nécessite de connaître de nombreux paramètres.
– L’approche hydraulique : une autre approche, consiste à imposer une perturbation dans un aquifère, au moyen d’un pompage (ou d’une injection), et d’en observer la réponse hydraulique. En général, les essais hydrauliques sont réalisés car dans la plupart des cas, les connaissances sur le milieu ne sont pas suffisantes pour engager une modélisation avec les modèles déterministes. L’interprétation des essais hydrauliques a l’avantage de déterminer les paramètres hydrauliques in situ. Elle est d’ailleurs la méthode la plus communément adoptée par les hydrogéologues, afin de déterminer les propriétés hydrauliques d’un aquifère (e.g. Kruseman et al. 1973, Renard et al. 2009) et par les pétroliers, afin de caractériser un réservoir géologique (Mattar, 1994; Mattar, 2004; Anisur Rahman et Mattar, 2007; Anderson et al., 2006). Cette méthode permet notamment de déduire des informations sur les propriétés macroscopiques du réservoir géologique (transmissivité, emmagasinement, limites, géométrie, hétérogénéité, etc.) et les propriétés hydrauliques du puits de pompage (efficacité du puits, défaut de scellement, captage partiel, etc.).
Introduction |