Caractérisation et intégration fonctionnelle de nanohélices inorganiques et métalliques
Hélices et nanohélices
Avant-propos
Le procédé de fabrication des nanohélices de dioxyde de silicium présentées dans ce chapitre a été mis en place par les équipes de Reiko Oda et Marie-Hélène Delville, en particulier Emilie Pouget et Dmytro Dedovets. Ces derniers nous ont fourni la matière première utilisée dans les chapitres suivants.
Hélicité et chiralité 1
Définition et origine
Une hélice est une structure tridimensionnelle suivant une courbe hélicoïdale, c’est-à dire une courbe présentant un angle constant par rapport à un axe. Dans le cas de l’hélicoïde à section circulaire, la plus courante que ce soit naturellement ou artificiellement, elle suit dans le plan cartésien l’équation paramétrique suivante : x(t) = a.cos(2πt) y(t) = a.sin(2πt) z(t) = b.t Ici, a est le rayon du cercle parcouru par le point, et b le pas de l’hélice. Un exemple d’hélicoïde à section circulaire est représenté en figure 1.1. FIGURE 1.1 – Exemple d’hélicoïde à section circulaire en 3D, d’équation {cos(2t),sin(2t),t}, où t varie entre 0 et 5π. L’hélicité observée dans la nature est expliquée par plusieurs phénomènes : • optimisation et gain de place[1] • maximisation des interactions moléculaires tout en minimisant l’énergie • présence d’une anisotropie dans les contraintes internes au matériau (mécanique, électrostatique, énergie de surface)
Dans la nature
La forme hélicoïdale est omniprésente dans les structures naturelles, à toutes les échelles de taille. Quelques exemples sont illustrés par la figure 1.2. On peut citer les cornes, cheveux, coquillages, cosses de Bauhinia variegata, organes de canards, à l’échelle macroscopique. Pour l’échelle microscopique, on trouve les flagelles de locomotion d’E. Coli ou d’autres micro-organismes[6], des bactéries telles que les spirochaetae, les filaments présents dans le cytosquelette, les xylèmes permettant le transport de nutriments dans les végétaux[7]. A l’échelle nano et moléculaire, l’exemple le plus célèbre est la double-hélice d’ADN, mais les protéines s’organisent également souvent en super-structures hélicoïdales telles que les hélices α et les feuillets β, comme l’insuline[8], la tropoélastine[9], le collagène en triple hélice ou encore les capsides de virus. Pauling a été le premier à décrire que tout assemblage régulier d’éléments identiques dans les biomolécules est hélicoïdal. Il s’est appuyé sur la structure chimique des chaînes de polypeptides, en particulier les angles entre les liaisons chimiques[10]. Une preuve algébrique de ce phénomène a depuis été donnée par Cahill pour tout assemblage linéaire d’éléments entre lesquels il existe un angle de rotation constant.
Dans l’ingénierie
Les structures hélicoïdales se retrouvent également dans de nombreux objets artificiels, comme illustré par la figure 1.3, que ce soit par mimétisme face à la nature ou pour profiter des propriétés physiques associées à cette forme. Historiquement, l’un des premiers exemples en ingénierie est la vis d’Archimède, dont l’asymétrie permet la transduction des mouvements de rotation en translation, ou les structures en colimaçon, qui minimisent le volume occupé. L’exemple le plus connu reste le ressort. Par définition, il s’agit d’un corps élastique qui reprend sa position initiale après avoir été dévié ou déformé par de l’énergie mécanique. Les utilisations principales sont l’absorption d’énergie, la mesure ou le contrôle précis de force (par exemple en horlogerie). Les ressorts les plus courants sont hélicoïdaux à section circulaire, mais d’autres formes existent telles que disques, cônes, spirales, anneaux, volutes. Dans l’électronique, un exemple courant est celui des fils torsadés en hélice, inventés au XIXe siècle par Bell[14], qui permettent de réduire le bruit dû à la diaphonie et équipent les téléphones filaires.
Chiralité
L’hélice est un exemple courant d’une propriété plus générale, la chiralité. On définit comme chirale une structure non superposable avec son image miroir, telle une main[15]. Cette notion a d’abord été évoquée au niveau macroscopique dès Platon et Aristote[16]. Elle a ensuite été mise en évidence pour les molécules par Pasteur en 1848, qui remarqua les propriétés optiques particulières des ions tartrate, un résidu de la distillation du vin; il utilisa le mot dissymétrie pour décrire ce phénomène[17]. Ce fut Lord Kelvin qui inventa le terme de chiralité, provenant du mot grec χ²ιρ signifiant main[18]. La chiralité est d’une importance capitale en biochimie et chimie organique. En effet, le cas d’école de la molécule chirale, extrêmement répandu dans les molécules naturelles comme artificielles, est celle contenant au moins un carbone asymétrique – lié de façon covalente à 4 groupements différents. Chacune des images miroir est nommée énantiomère, L ou D selon l’arrangement de ses groupements. La particularité la plus facilement observable d’une solution de chiralité homogène est le dichroïsme circulaire, c’est-à dire la propension à modifier le plan de polarisation de la lumière. D’autre part, la chiralité de toutes les biomolécules naturelles connues est remarquablement cohérente – toujours L pour les acides aminés, et D pour les sucres et l’ADN[15]. Ainsi, la chiralité influe sur la réactivité et donc la reconnaissance des biomolécules[19] ou l’adhésion des cellules[20]. Son contrôle est donc d’un intérêt stratégique pour l’industrie pharmaceutique et les biotechnologies
Résumé |