Caractérisation d’une horloge à piégeage cohérent de population dans une vapeur thermique de césium
Horloges atomiques
L’utilisation des atomes pour les mesures de temps est devenue possible au cours du XXème siècle avec le développement de la mécanique quantique et des techniques de spectroscopie. Contrairement aux horloges à quartz, dont la fréquence absolue dépend de la géométrie du cristal et présente des irrégularités (à court et long terme) dues au vieillissement du cristal, les atomes au repos, eux, possèdent des niveaux d’énergie stables et universels (dans l’état actuel de nos connaissances). Ces niveaux d’énergie sont reliés à des fréquences par la relation de Bohr, et les atomes constituent donc les meilleures références de fréquence que l’on connaisse à ce jour. Dans ce chapitre le principe de fonctionnement d’une horloge atomique, ainsi que les outils permettant de caractériser ses performances seront décrits. A la fin du chapitre on donne des exemples des principales applications des horloges atomiques.
Principe de fonctionnement
Généralités et définitions
Un étalon de fréquence est un dispositif physique qui fournit aux utilisateurs un signal périodique, dont la fréquence est très stable et connue avec une grande précision. Un étalon de fréquence atomique est basé sur deux éléments essentiels: 1) une référence atomique correspondant à la fréquence de la transition νat entre deux niveaux d’énergie |1i et |2i du spectre de l’atome utilisé, liés par la loi de Bohr E2 −E1 = hνat, o`u h = 6.626 ·−34 J·s est la constante de Planck. 2) un oscillateur macroscopique, qui délivre un signal utile de fréquence νosc proche de νat. La référence atomique ne délivre aucun signal utilisable directement mais permet d’évaluer la fréquence de l’oscillateur de manière absolue. L’oscillateur fournit le signal périodique utilisable, mais sa fréquence νosc n’est pas bien définie en absolu et elle est susceptible de fluctuer au cours de temps. Pour minimiser les fluctuations de fréquence de l’oscillateur, on le compare périodiquement à la référence de fréquence (très stable et connue de manière absolue) afin de corriger le signal utile. C’est l’asservissement de la fréquence de l’oscillateur sur la référence. Il permet de transférer la stabilité de fréquence de la référence à l’oscillateur. L’étalon de fréquence peut être de deux types différents: – si la référence atomique est un oscillateur, l’étalon de fréquence est de type actif et la phase de l’oscillateur macroscopique est asservie à celle de l’oscillateur de référence. – si la référence est un discriminateur de fréquence, il s’agit du type passif. La fréquence de l’oscillateur est asservie à la référence atomique. 5 6 Chapitre 1. Horloges atomiques Historiquement, l’atome de césium 3 a été choisi pour définir la seconde grâce à son abondance naturelle, sa facilité de manipulation, et grâce à sa transition hyperfine dans le domaine micro-onde (quelques GHz), accessible du point de vue technologique dans les années 1950, débuts de la métrologie du temps atomique. Au fil des développements, les horloges au césium se sont imposées en terme de fiabilité. Ainsi en 1967, lors de la ème Conférence des poids et mesures, la seconde a été redéfinie comme la durée de 9 192 631 770 périodes de la radiation correspondant à la transition entre les deux niveaux hyperfins de l’état fondamental de l’atome de césium 3, faisant alors des horloges au césium des étalons primaires de fréquence. Cette redéfinition implique que la fréquence de la transition hyperfine, appelée couramment transition d’horloge, du 3Cs est connue de manière exacte, sans incertitude. Puisque c’est le césium qui est utilisé pour définir la seconde du système international, les horloges basées sur l’atome de césium peuvent constituer des étalons primaires (ils doivent réaliser l’unité de temps avec une exactitude ultime). Les horloges basées sur d’autres éléments doivent être calibrées (étalonnées) sur les étalons primaires et ils constituent des étalons secondaires. La transition d’horloge peut appartenir au domaine micro-onde (9.19 et 6.83 GHz pour le césium ou le rubidium, par exemple) ou au domaine optique (de l’ordre de 0 THz). Notons que la fréquence du signal délivrée par un oscillateur asservi sur une transition atomique constitue un étalon de fréquence, qu’on peut utiliser pour faire des mesures de fréquence. Si on associe à un étalon de fréquence un compteur capable de compter les périodes du signal d’horloge et de délivrer des tops d’horloge (tops de synchronisation) à un nombre fixé de périodes, alors on réalise une horloge atomique. Le dispositif réalise ainsi la définition de la seconde dans le cas d’une horloge basée sur le césium. On peut alors utiliser l’horloge pour construire une échelle de temps et dater des événements. Les notions d’étalon de fréquence et d’horloge sont différentes, mais dans ce manuscrit ces notions seront confondues. Par la suite on va se concentrer sur une horloge passive basée sur une transition hyperfine du Cs qui se trouve dans le domaine micro-onde. Même si le principe de fonctionnement d’une horloge est assez générale, il sera illustré sur l’exemple d’une horloge à cellule contenant la vapeur d’un alcalin et utilisant le piégeage cohérent de population.
Description du fonctionnement
Une horloge atomique doit délivrer un signal de fréquence connue et stable reposant sur une résonance atomique. Pour cela on fait interagir un champ électro-magnétique (un champ d’interrogation), dont la fréquence ν est générée à partir de la fréquence délivrée par un oscillateur (νosc), avec un atome présentant une résonance à la fréquence νat = (E2 − E1)/h (voir figure 1.1). Notons que généralement la fréquence ”propre” de l’oscillateur νosc (délivrée par un quartz, par exemple) est de 5, ou 0 MHz, donc, loin de la fréquence atomique, et on utilise une chaîne de fréquence pour multiplier et convertir cette fréquence jusqu’à la fréquence de la résonance. La réponse du système atomique dépend du désaccord δ = ν − νat entre la fréquence du signal issu de l’oscillateur et la résonance atomique 1 . La réponse est maximale quand le désaccord est nul. 1. Notons que pour les horloges basées sur l’effet de piégeage cohérent de population la résonance atomique est la résonance de piégeage cohérent de population. Cette résonance se traduit par une augmentation de la transmission de la cellule (contenant la vapeurs du Cs) en fonction du désaccord entre la différence de fréquences entre les deux lasers (délivrée par l’oscillateur) et la fréquence de l’écart hyperfin des niveaux fondamentaux du Cs (9.9 GHz). L’effet de piégeage cohérent de population sera décrit en détail dans le chapitre 2 et la réalisation expérimentale sera présentée dans le chapitre 3. Pour interroger le système atomique deux méthodes sont couramment utilisées: la technique de Rabi [] et la technique de Ramsey []. La première correspond à une seule interaction entre les atomes et le champ d’interrogation. La deuxième correspond à deux interactions séparées d’un temps de libre évolution de durée T. Dans ce cas le signal présente un système de franges, centré en δ=0, dont la période vaut 1/T, et qui s’atténuent lorsqu’on s’éloigne de la résonance 1 (voir figures 1.2). Pour pouvoir asservir un oscillateur sur la référence atomique, une quantité importante est la pente (δS/δν) du discriminateur de fréquence atomique, c’est à dire la sensibilité avec laquelle on est en mesure de discriminer une variation de fréquence de l’oscillateur (la sensibilité avec laquelle on est en mesure de discriminer le changement de niveau de signal en fonction du changement la fréquence de l’oscillateur). L’asservissement sur la référence atomique est fait en appliquant une modulation de fréquence (ou de phase) carrée d’une certaine profondeur ∆ν (ou ∆ϕ) sur la fréquence (ou la phase) du signal d’interrogation. On mesure alternativement le niveau de signal de part et d’autre de la résonance (voir figure 1.3). Habituellement, en cas de modulation de fréquence on choisit la profondeur de modulation ∆νm = (∆ν1/2 )/2 (o`u ∆ν1/2 est la largeur totale à mi-hauteur), car c’est proche de la mihauteur que la pente du discriminateur de fréquence est maximale. Pour la modulation en phase, la pente du discriminateur est maximale pour la différence des phases entre les deux interrogation ∆ϕm = π/2. . La différence entre les niveaux du signal δS = Sν+∆νm − Sν−∆νm, obtenue en sondant successivement les deux flancs de la résonance permet de construire le signal d’erreur et la correction δc qui sera appliqué à la fréquence de l’oscillateur. La correction de la fréquence δ (k) c à appliquer au k eme cycle est définie par la relation de récurrence suivante: δ (k) c = δ (k−1) c + (−1)kG(S (k−1) − S (k−2)), (1.1) o`u S (i) est le niveau de signal mesuré au i eme cycle, G est le gain de l’asservissement. Ce processus itératif est un asservissement proportionnel intégral et a pour le but de ramener la fréquence de l’oscillateur d’interrogation vers la fréquence de la résonance atomique. Autrement dit l’asservissement vise à équilibrer les niveaux mesurés des deux côtés de la résonance, et quand les niveaux du signal de part et d’autre de la fréquence centrale sont égaux on se trouve à résonance exacte
Introduction 1 |