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INTRODUCTION GÉNÉRALE
Depuis la révolution industrielle au XIXème siècle, les émissions de gaz à effet de serre augmentent et accentuent le réchauffement climatique en cours. Cette augmentation des températures observée de manière globale a des conséquences sur les écosystèmes et notamment la phénologie des êtres vivants (Parmesan et Yohe, 2003, Root et al., 2003, Richardson et al., 2013). Cette prise de conscience de l’impact de l’homme sur l’environnement et des premiers effets du changement climatique s’est accompagnée du développement de la recherche scientifique pour quantifier les changements en cours et élaborer des scenarios de l’évolution à moyen et long terme du climat (IPCC, 2014). Ces travaux constituent une base de connaissances nécessaire pour la mise en place de stratégies d’adaptation des écosystèmes et d’atténuation du changement climatique par la réduction de l’impact de l’homme sur l’environnement.
Les effets du changement climatique sont également observés sur les cultures agricoles. Les cultures pérennes comme la vigne en constituent un excellent marqueur et sont très sensibles aux variations de températures. C’est pourquoi, de nombreux travaux ont été réalisés afin de mieux comprendre la relation climat-vigne et de déterminer les besoins des différents cépages plantés à travers le monde (Huglin, 1978, Tonietto et Carbonneau, 2004, Jones et al., 2005a, Parker et al., 2013). Ils ont abouti à la détermination des besoins thermiques des différentes variétés et des intervalles de températures moyennes de la saison végétative qui assurent un développement optimal. En effet, la vigne est sensible aux variations du climat et son cycle physiologique en est directement impacté. Sur le plan viticole et oenologique, l’augmentation des températures s’accompagne d’une avancée des stades phénologiques, d’une augmentation de la teneur en alcool des vins et d’une modification des profils sensoriels des vins (Jones et al., 2005a, Mira de Orduña, 2010, Fraga et al., 2012). C’est pourquoi de nombreux travaux ont modélisé l’évolution du climat des régions viticoles des cinquante dernières années (Aruani, 2011, Briche, 2011, Bonnefoy, 2013, Neethling, 2016). Ceci permet d’identifier, pour un contexte viticole et climatique donné, la plage thermique potentielle d’adaptation de la vigne au changement climatique. De plus, les scenarios du changement climatique ont été appliqués aux différentes régions viticoles et à plusieurs échelles afin de déterminer les évolutions probables du climat Loussert, Perrine. Caractérisation de la viticulture irriguée par télédétection en contexte de changement climatique : application aux vignobles de la province de Mendoza en Argentine – 2017 des régions viticoles mondiales actuelles (Schultz, 2000, Webb et al., 2007, Santos et al., 2011, Fraga et al., 2012, Moriondo et al., 2013, Quénol, 2014). L’analyse croisée des caractéristiques climatiques actuelles et futures d’une région viticole et des choix variétaux réalisés contribue à évaluer les stratégies possibles d’adaptation à court et moyen termes.
Cependant, toutes les régions viticoles n’ont pas la même marge d’adaptation au chan-gement climatique sur le plan thermique. L’Argentine est le 5ème producteur de vins mon-dial (Canziani et Scarel, 2010). La principale province productrice de vins, Mendoza, présente un climat continental semi-aride caractérisé par des températures élevées en été et une pluviométrie faible d’environ 200 mm par an. Sur le plan thermique, les conditions de culture correspondent déjà à la zone chaude à très chaude des classifications actuelles existantes des régions viticoles (Tonietto et Carbonneau, 2004, González et al., 2009). De plus, sans l’irrigation, le développement de la viticulture n’aurait pas été possible. Les conditions de culture dans la vigne en Argentine sont proche des extrêmes sur les plans thermiques et hydriques. Ainsi, une augmentation de 1,5°C à 3°C de la température moyenne à l’horizon 2100, estimées suivant les scenarios RCP 4.5 et 8.5 (Barros et al., 2015), n’est pas favorable à la poursuite de la culture de la vigne dans de bonnes condi-tions. De plus, avec les mêmes scenarios, les modèles prévoient une augmentation des précipitations estivales dans cette région et une diminution des précipitations hivernales dans les Andes (Chou et al., 2014, Barros et al., 2015). L’augmentation des précipita-tions peut sembler bénéfique pour l’agriculture. Cependant, à Mendoza, la majorité des précipitations estivales sont sous forme orageuse régulièrement accompagnées de grêle qui causent des dommages importants chaque année (Maldonado, 2001, Mezher et al., 2012). En viticulture, la saison estivale comprend la période de maturation des raisins pour les-quels un stress hydrique modéré est favorable pour la production de raisins et de vins de qualité. Agosta et al. (2010) ont montré que les fortes précipitations estivales à Mendoza sont associées à des rendements plus faibles. De plus, la diminution des précipitations hivernales dans les Andes signifie moins de neige en hiver et moins d’eau dans les fleuves qui constituent la source d’eau principale pour la population, l’irrigation des cultures et les activités industrielles. La gestion de l’eau est donc un enjeu majeur dans l’oasis de Mendoza (Lavie, 2009). La viticulture contribue également au dynamisme économique de la province et c’est une activité de tradition car elle s’y développe depuis le XVème siècle. Ainsi, le maintien de cette culture dans la région et son adaptation au changement climatique est nécessaire à court et moyen termes.
Les différentes modélisations du changement climatique en Argentine ont été réalisées à l’échelle régionale (Barros et al., 2015, Cabré et al., 2016). Néanmoins, à l’échelle locale, les caractéristiques régionales du climat sont accentuées ou atténuées notamment par la topographie, l’exposition et la position des vignobles sur les pentes. Or les variations topoclimatiques peuvent être supérieures à la variabilité régionale du climat (Quénol, 2014). La compréhension de la source de variabilité des températures et des précipitations ainsi que les conséquences bioclimatiques peut permettre de définir les conditions locales Loussert, Perrine. Caractérisation de la viticulture irriguée par télédétection en contexte de changement climatique : application aux vignobles de la province de Mendoza en Argentine – 2017 en mesure d’atténuer les températures élevées et les précipitations estivales. Elle est donc un des leviers pour définir les stratégies d’adaptation à moyen terme de la viticulture mendocienne.
L’autre levier concerne l’optimisation et l’adaptation des pratiques culturales. Les évolutions de la viticulture sont réalisées à l’échelle de l’homme qui cultive la vigne. De plus, les viticulteurs adaptent constamment leurs pratiques aux caractéristiques météoro-logiques annuelles et en fonction de leurs objectifs de production. En effet, en contexte de raréfaction de la ressource en eau, l’optimisation des pratiques d’irrigation est nécessaire. En 2002, encore 91% des vignobles étaient irrigués avec la méthode traditionnelle gravi-taire (INDEC, 2002). Bien qu’étant un mode d’irrigation traditionnel des oasis argentines, ce mode d’irrigation ne permet pas une répartition optimale de l’eau sur les parcelles et l’efficacité d’application de cette méthode est de seulement 60% (Morábito et al., 2007). De plus, aucun système de suivi des besoins en eau des cultures adapté au contexte local n’est mis en place à Mendoza. Ainsi, le suivi de la croissance de la vigne et de ses besoins en eau est une perspective intéressante afin d’améliorer la gestion de l’irrigation.
Dans ce contexte d’adaptation des pratiques à l’échelle locale, la télédétection satelli-taire constitue un outil pertinent de part la variété des sources de données disponibles et de leurs résolutions spatiales, spectrales et temporelles. Les images satellitaires optiques et radar sont couramment utilisées en agriculture (McNairn et Brisco, 2004, Atzberger, 2013, Steele-Dunne et al., 2017). L’utilisation de la télédétection pour optimiser les stra-tégies d’irrigation a également été étudié (Belmonte et al., 2005, Vuolo et al., 2015). De plus, l’emploi en viticulture de la télédétection pour caractériser les vignobles se déve-loppe depuis deux décennies (Vaudour et al., 2014b, Hall, 2016). De nombreux travaux portent sur le suivi de l’expression végétative de la vigne, des rendements, et du potentiel des raisins (Johnson et al., 2003, Bramley, 2005, Cunha et al., 2010a, Fraga et al., 2014). La majorité des travaux est conduite à deux échelles : l’échelle régionale pour étudier de manière globale une région viticole et l’échelle de la parcelle pour caractériser les hétéro-généités intra-parcellaires dans le contexte de la viticulture de précision. Néanmoins, très peu d’études sont menées à une échelle intermédiaire pour spatialiser l’information sur plusieurs lots de parcelles. Or, la conduite de la vigne en rangs et la diversité des pratiques culturales possibles introduisent une source de variation importante des paramètres déri-vés des données de télédétection. L’identification de ces éléments et du biais introduit sur les données télédétectées est un champ d’investigation à aborder pour travailler à l’échelle d’un paysage viticole.
La problématique de cette thèse porte sur l’évaluation des images satellitaires optiques et radar pour la caractérisation des vignobles de Mendoza dans le contexte de la définition de stratégies d’adaptation au changement climatique à court et moyen termes. Cette thèse s’inscrit dans le cadre du programme LIFE ADVICLIM qui vise à améliorer la gestion locale des vignobles dans un objectif d’adaptation à moyen-terme au changement clima-tique. Elle s’inscrit également d’un partenariat scientifique avec le CNES (Centre National Loussert, Perrine. Caractérisation de la viticulture irriguée par télédétection en contexte de changement climatique : application aux vignobles de la province de Mendoza en Argentine – 2017 d’Etudes Spatiales) et la DLR (Agence Spatiale Allemande). Les principales questions de recherche auxquelles elle vise à répondre sont les suivantes : Quelles sont les trajectoires d’évolution du climat en Argentine et les facteurs d’atténuation à l’échelle locale ? Dans ce contexte, quel est le potentiel des images satellitaires optiques et radar pour la carto-graphie et le suivi de la croissance de la vigne et des pratiques culturales d’intérêt ? Ces pratiques culturales concernent la protection des vignobles contre la grêle et la moderni-sation des systèmes d’irrigation. Enfin, les données satellitaires peuvent-elles contribuer à évaluer les besoins en eau de la vigne et aboutir à une meilleure gestion de l’eau en viticulture ? L’objectif principal de cette thèse vise ainsi à évaluer les données satellitaires
à haute et très haute résolution spatiale en optique et radar pour une caractérisation fine des vignobles de Mendoza dans le contexte du changement climatique.
Afin de répondre à ces questions, cette thèse s’organise en trois parties et le travail est mené à trois échelles (Figure 1). La première partie présente le cadre général de l’étude à travers un état de l’art sur la physiologie de la vigne, les données de télédétection et le contexte de leur utilisation en viticulture. Puis, une présentation du site d’étude ainsi que des données de la thèse y sont détaillés. Ensuite, la deuxième partie concerne les évolutions du climat régional en Argentine et sa variabilité intra-régionale. Elle est divisée en deux chapitres :
• Le chapitre 4 analyse l’évolution du climat dans les principales régions viticoles d’Argentine sur les cinquante dernières années. Ces évolutions sont confrontées aux choix culturaux réalisés dans chacune des régions et leur possibilités d’adaptation.
• Le chapitre 5 détermine les sources de variabilités intra-régionales des indices biocli-matiques à Mendoza. Ce chapitre détermine les conditions agroclimatiques locales de la production vitivinicole dans la principale province productrice d’Argentine. Il vise à déterminer les conditions topographiques et géographiques qui optimisent le potentiel qualitatif de la production dans la province.
Les travaux de la troisième partie sont menés à l’échelle locale d’un district viticole de la province de Mendoza. Elle est divisée en quatre chapitres :
• Le chapitre 6 concerne l’évaluation des données Pléiades pour la détermination de l’orientation des rangées de vignes. Les travaux sont menés à deux résolutions spatiales afin de déterminer le niveau de résolution nécessaire à une estimation précise de l’orientation des rangs.
• Le chapitre 7 évalue les séries temporelles d’images optiques et radar pour le suivi de la croissance végétative des parcelles de vigne. Comme l’analyse est menée sur plusieurs vignobles, les signatures temporelles des vignobles sont tout d’abord analysé au regard des pratiques culturales pouvant bruiter le plus les variables de télédétection.
Table des matières
Introduction générale
I Télédétection et viticulture : concepts et cadre de l’étude
1 La physiologie de la vigne et son contrôle
2 La télédétection et ses applications en viticulture
3 Site d’étude et données
II Analyse multi-échelle du climat des régions viticoles d’Argentine
Introduction
4 Caractérisation et évolution du climat des régions vitivinicoles d’Argentine
5 Variabilité spatiale des conditions agroclimatiques dans la province de
Mendoza
III Caractérisation des vignobles de Mendoza par télédétection optique et radar
Introduction
6 Evaluation des images Pléiades en mode multispectral et panchromatique pour la détermination de l’orientation des rangs des vignobles
7 Potentiel des séries temporelles d’images optiques et radar pour le suivi de la croissance végétative
8 Potentiel des images optiques et radar pour la classification des pratiques culturales des vignobles
9 Estimation de l’évapotranspiration des vignobles à partir des séries d’images satellitaires optiques
Conclusion générale et perspectives
Bibliographie
Annexes
A Indices Bioclimatiques
B Calibration de l’équation de Hargreaves
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