Caractérisation des performances du nouveau mini compteur de particules LOAC embarqué sous ballon météorologique
Dynamique atmosphérique et aérosols
La stratosphère est communément admise comme étant un milieu relativement calme et stratifié, où la distribution des espèces gazeuses et particulaires est plutôt homogène. La distribution spatiale et temporelle des aérosols est contrôlée par la dynamique stratosphérique agissant à différentes échelles. Nous présentons ci-après une vision simplifiée de la dynamique stratosphérique et sa conséquence sur la répartition des aérosols. 2.2.1 Circulation générale en stratosphère La circulation stratosphérique se compose schématiquement d’une introduction d’air troposphérique au niveau des tropiques et d’un retour des masses d’air au niveau des pôles, c’est la circulation méridienne de Brewer-Dobson (flèches noires sur la Figure 2.16 ; Butchart, 2014; SPARC, 2006). Cette circulation lente est la résultante de l’interaction entre le vent moyen et l’activité ondulatoire. Une masse d’air troposphérique injectée à plus de 20 km aux tropiques met entre 5 et 10 ans pour atteindre les pôles (Holton et al., 1995; Plumb, 2002). L’âge de l’air est un des paramètres dynamiques permettant de rendre compte de ce transport résiduel (Diallo et al., 2012; Hall et al., 1999; Waugh et Hall, 2002). L’injection des masses d’air troposphériques à l’équateur conduit à produire le réservoir tropical, qui est une zone d’accumulation des aérosols soufrés vers 30 km au niveau de l’équateur (Vernier, 2010). Ce réservoir est plus ou moins confiné en fonction des vents zonaux et des barrières dynamiques. Figure 2.16 : Schématisation de la circulation de Brewer-Dobson et du cycle des particules stratosphériques (SPARC 2006) Figure 2.17 : Vitesses de vents zonaux moyens exprimés en m.s-1 (Holton et al., 1995) 2 Les aérosols stratosphériques 28 Le transport zonal (suivant les latitudes) est plus rapide. Les masses d’air peuvent atteindre des vitesses de l’ordre de 80 m.s-1 (près de 300 km.h-1 ), ce qui leur permet de faire le tour du globe en 2 à 3 mois suivant la latitude (Figure 2.17) (Holton, 2004). Cette circulation zonale n’est pas constante dans le temps, elle peut être plus ou moins intense et son sens s’inverse avec des périodes différentes suivant les latitudes et l’altitude. L’oscillation quasi biennale (QBO) est certainement l’oscillation la plus connue. Elle se situe au niveau de l’équateur (-10°N ; 10°N) entre 15 et 35 km d’altitude, sa période est d’environ 28 à 29 mois (Holton, 2004; Randel et al., 2001; Watson, 2013) (Figure 2.18). La QBO impacte la répartition des aérosols stratosphériques suivant la phase dans laquelle elle se trouve (Plumb et Bell, 1982). En phase d’est (vent zonaux de l’ouest vers l’est) les masses d’air sont confinées à l’équateur et des mouvements plutôt de subsidence (vers le bas) y sont constatés. En phase d’ouest, les aérosols ont tendance à être dispersés vers les pôles (Trepte et Hitchman, 1992). Cependant, cette alternance quasi-biannuelle est conjuguée avec une autre oscillation possédant une période annuelle. Dans chaque hémisphère d’hiver se forme un vortex polaire. Ce vortex est une structure dynamique de plusieurs milliers de kilomètres, s’étendant de la basse stratosphère jusqu’en mésosphère. Elle résulte d’une diminution de l’énergie solaire au pôle (Waugh et Polvani, 2010). Le vortex est un tourbillon d’échelle planétaire, qui isole les masses d’air du reste de l’atmosphère et ce pour une période de 4 à 6 mois (Holton et al., 1995; Watson, 2013). Les vortex polaires ont été largement étudiés pour leur influence sur la couche d’ozone (Manney et al., 2015; Waugh et Polvani, 2010). Ces études révèlent que l’ozone est détruit par des processus chimiques hétérogènes reposant sur la présence de particules liquides et solides, les PSC (Polar stratopsheric cloud) formés à basse température (Rivière et al., 2000). Le vortex a également une influence aux moyennes latitudes car entre le réservoir tropical et le vortex se forme la zone de surf (Surf zone, Polvani et al., 1995). La zone de surf s’établit entre le réservoir tropical et le vortex polaire dans l’hémisphère d’hiver (Figure 2.19). Cette zone est dynamiquement instable et reçoit des masses d’air des tropiques et du vortex polaire sous la forme de filaments également appelés intrusions polaires ou tropicales. Ces intrusions sont l’effet de la déformation des barrières dynamiques sous l’influence de la rotation de la Terre (ondes de Rossby). Afin de repérer ces phénomènes, il est courant d’utiliser un indicateur dynamique permettant de suivre les masses d’air, cet indicateur est la vorticité potentielle (PV) (Holton, 2004). Cet indicateur permet de représenter le réservoir tropical, la zone de surf et le vortex polaire limités par de forts gradients de PV. La Figure 2.20 montre comment la zone blanche (zone de surf) est peu à peu enrichie de filaments polaires et tropicaux. Curtius et al. (2005) montrent que le vortex en moyenne stratosphère est enrichi en particules réfractaires (d’origine météoritique et cométaire) provenant de la mésosphère. Le vortex est un réservoir de particules réfractaires qui est relativement confiné lorsqu’il est établi, et libère potentiellement ces particules lors de sa destruction au printemps. Figure 2.18 : Direction des vents zonaux tropicaux (-10°N ; 10°N) représentant l’oscillation quasi biannuelle (QBO) ; par convention le vent provenant de l’ouest est noté positif. (Watson 2013) 2.2 Dynamique atmosphérique et aérosols 29 Figure 2.19 : Représentation du transport méridien dans les hémisphères d’hiver et d’été (Holton 2004). Schématisation des positions du réservoir tropical, de la zone de surf, du vortex polaire et de l’hémisphère d’été. Les flèches larges et ouvertes représentent le transport à grande échelle, les flèches ondulées représentent le transport guidé par les ondes de différentes natures. Les barres grises verticales au centre représentent les barrières tropicales, la barre verticale grise à gauche représente la barrière dynamique du vortex polaire Figure 2.20 : Simulation de la déformation de la zone de surf (zone blanche), influencée par le réservoir tropical (zone grise) et le vortex polaire (zone noire) (Polvani et al., 1995). Les chiffres indiquent le nombre de jours après l’initialisation du modèle
Les aérosols stratosphériques
Dynamique méso-échelle et petite échelle
En plus de la circulation grande échelle, il existe des phénomènes de plus faibles envergures influençant la dynamique et la répartition des aérosols. Certains phénomènes sont périodiques. L’anticyclone associé à la mousson asiatique est une structure dans l’UTLS (Upper Troposhere and Lower Stratosphere) de grande échelle permettant l’injection d’air troposphérique dans la stratosphère. Cette structure est active environ du mois de mai à septembre et localisée en Asie du sud-est (Barret et al., 2016; Bergman et al., 2013; Vernier et al., 2015a). Les feux de biomasse et les mouvements de pyroconvection associés au dégagement de chaleur produit par les combustions peuvent également introduire des aérosols en stratosphère (Cammas et al., 2009; Fromm et al., 2006; Hudson et al., 2004). Ces phénomènes sont plutôt saisonniers et résultent soit de l’embrasement naturel des forêts lors des saisons sèches soit de pratiques agricoles. D’autres phénomènes dynamiques ne possèdent pas de périodicité clairement établie mais résultent de phénomènes non-linéaires dont l’influence sur les aérosols est encore peu décrite. Une grande partie de ces phénomènes est due à l’activité ondulatoire de l’atmosphère qui transporte de l’énergie et conduit à déformer les barrières dynamiques comme la tropopause (phénomène d’e-folding, Holton 2004 ; Hofmann et al., 2016). Ils peuvent également introduire un mélange sous forme de turbulences ou tourbillons (eddies) lorsque l’onde déferle (de la même manière qu’une vague fait de l’écume sur la plage). Les ondes de gravité participent à moduler la dynamique atmosphérique (Ern, 2004; Fritts et Alexander, 2003; Geller et al., 2013). L’influence des ondes de gravité sur la répartition des particules dans l’atmosphère n’est pas encore bien établie, notamment sur leur capacité à modifier les cinétiques de nucléation (Nilsson et al., 2000).
Dynamique propre des particules
Au-delà de la dynamique atmosphérique, les particules possèdent leur propre dynamique (phorèse) comme par exemple la sédimentation des particules, mouvement vertical vers le bas des particules sous l’action de la pesanteur (Renoux et Boulaud, 1998; Seinfeld et Pandis, 2006). Ces auteurs décrivent également d’autres phorèses : la diffusiophorèse est le déplacement de particules sous l’action de leur gradient de concentration, vers les plus faibles concentrations. La thermophorèse est le déplacement des particules vers les zones plus froides. Il existe également la photophorèse, déplacement d’une particule dans le champ d’un rayonnement électromagnétique. Rohatschek (1996) décrit un certain type de photophorèse appelé gravito-photophorèse comme étant le déplacement théorique des particules absorbantes sous l’action du rayonnement solaire. Cet auteur montre que cette phorèse particulière conduit les particules absorbantes à avoir leur propre dynamique et à s’élever jusqu’à certaines couches d’accumulations vers 30 km dans l’atmosphère en plus de subir toutes les autres dynamiques de plus ou moins grandes échelles. L’existence de ces couches d’accumulations est théorique et n’a pas été confirmée par l’observation. Comprendre comment la dynamique stratosphérique module la répartition des aérosols est complexe puisque les processus microphysiques tels que la nucléation (English et al., 2011; Kirkby et al., 2016; Sander et Friedl, 2011; Sheng et al., 2015; Steele et Hamill, 1981), la coagulation et la condensation (Friberg et al., 2014; Gettelman et al., 2011; Lee et al., 2011; Murphy et al., 2014) qui font évoluer les caractéristiques physiques des aérosols se produisent en même temps que la dynamique les transporte.
Interactions des aérosols avec la physico-chimie de l’atmosphère
Implication des aérosols sur le climat
Les particules, à l’instar des gaz à effet de serre, influencent le climat. Cependant, leur rôle est ambivalent. Dans certaines situations les particules agissent en renforçant l’effet de serre et dans d’autres situations elles agissent en diminuant la quantité d’énergie entrant dans l’atmosphère. Les particules possèdent 3 types d’effets sur le rayonnement : l’effet direct, l’effet indirect et l’effet semi direct. L’effet direct est lié à l’interaction entre des particules et le rayonnement solaire et/ou tellurique (rayonnement terrestre). La quantité d’énergie lumineuse réfléchie par un aérosol par rapport à la quantité 2.3 Interactions des aérosols avec la physico-chimie de l’atmosphère 31 d’énergie lumineuse incidente est définie comme étant l’albédo. Les aérosols atmosphériques ont la capacité de moduler la quantité de rayonnement solaire atteignant la surface planétaire, mais également l’énergie tellurique émise par la planète. Les aérosols diminuent le forçage radiatif en agissant comme des parasols renvoyant l’énergie solaire vers l’espace et limitant ainsi la quantité d’énergie atteignant le sol ce qui tend à diminuer la température globale au sol. Parallèlement, les aérosols augmentent le forçage radiatif en envoyant l’énergie tellurique vers le sol et tendent à augmenter la température globale au sol. Les aérosols possèdent donc un rôle ambivalent sur le climat suivant leur composition et leur distribution verticale dans l’atmosphère. Les aérosols impactent également le climat de façon indirecte par leur rôle sur la formation des nuages. Deux effets sont distingués, l’effet Twomey et l’effet Albrecht (Kaufman, 2006; Penner et al., 2006; Ramanathan, 2001). Ces deux effets sont la conséquence de l’augmentation du nombre de noyaux de nucléation. Typiquement, plus il y a de particules de petites tailles, plus le nuage a une forte capacité à interagir avec le rayonnement par l’augmentation de son albédo (effet Twomey) et par l’allongement de son temps de vie (effet Albrecht).
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