CARACTERISATION DES CYCLES DE DIFFERENTES VARIETES DE MIL ET DE SORGHO
Photopériodisme
Selon Champagnat et al., (1996), le photopériodisme désigne la réaction de certaines plantes à un mode d’alternance de lumière et d’obscurité pour la réalisation des phases de leur développement comme la germination, la tubérisation, la formation de bulbilles et surtout la floraison. La synchronisation des organismes avec les saisons est une manifestation spectaculaire de leur interaction avec l’environnement (Salisbury et Ross, 1985). Cette synchronisation concerne souvent la reproduction : il est approprié pour les jeunes animaux de naître lorsque la nourriture est abondante, pour les plantes allogames de fleurir toutes à la même date afin que la pollinisation croisée soit assurée et pour beaucoup d’espèces de tous les règnes de former les structures reproductives à une saison précise. Mais beaucoup d’autres fonctions physiologiques des plantes ont aussi une activité rythmée par les saisons : l’élongation des tiges, la croissance des 12 feuilles, la dormance, la formation d’organes de stockage, la chute des feuilles et le développement de la résistance au froid font partie de cette liste. Beaucoup de ces variations saisonnières sont synchronisées par le photopériodisme, c’est à dire la perception et la réaction aux changements de la durée quotidienne du jour et de la nuit. Le phénomène a été compris au cours du dernier siècle. A la fin du 19ème siècle l’invention des ampoules électriques a permis la conduite d’expériences d’allongement de la durée du jour naturelle et de montrer ainsi l’accélération de la floraison des espèces annuelles estivales. La relation entre le développement des plantes et la durée du jour plutôt qu’avec la quantité de lumière reçue a été démontrée simultanément par Tournois (1912) et Klebs (1913). Garner et al., (1920) ont été les premiers à clairement comprendre que la floraison et de nombreuses réactions physiologiques étaient accélérées soit par les jours longs soit par les jours courts, en fonction des variétés considérées. On classe les plantes photopériodiques en trois grandes catégories : ¾ Chez les espèces insensibles, la floraison s’effectue quelle que soit la photophase. ¾ Chez les variétés de jour court absolu, la floraison ne peut se produire que pour des durées de jour inférieures à un seuil critique Pc et chez les variétés de jour court préférentiel le temps nécessaire à la floraison s’allonge en proportion de la photopériode. ¾ Chez les variétés de jour long absolu, la floraison ne peut se produire que pour des durées de jours supérieures au seuil critique, tandis que chez les variétés de jour long préférentiel le temps nécessaire à la floraison augmente en proportion inverse de la photopériode. Le type de réponse des variétés à la photopériode n’est pas lié à leur appartenance à un genre ni même à une espèce, mais à leur origine géographique. Les plantes originaires des hautes latitudes sont généralement de jours longs tandis que celles originaires des tropiques sont plutôt de jours courts (Vaksmann, 1996). A l’intérieur d’une même espèce peuvent exister des cultivars appartenant à chacun des groupes, lorsqu’elle a une répartition pangéographique (Bouteloua curtipendula). Mais plus régulièrement les cultivars d’une espèce appartiennent au même groupe et montrent une large variabilité de réponse à la photopériode du lieu d’expérimentation en raison de la variabilité du seuil de réponse à la Photopériode critique (coton, soja, riz, blé, sorgho
Le photopériodisme des mils et sorghos
Les sorghos et les mils photosensibles sont des plantes de jour court, dont la floraison est retardée quand la photopériode dépasse une valeur seuil, caractéristique de la variété et de la latitude d’origine. Mais la variation de la durée du jour est faible quand on se situe près de 13 l’équateur. Toutefois, les mils et les sorghos sont très photosensibles et leur cycle est influencé par de très faibles variations de la durée du jour, de l’ordre de quelques minutes (Vaksmann et al., 1996). Le signal lumineux est perçu par les plantes jusqu’à une inclinaison du soleil de -6° sous l’horizon (Aitken, 1974). L’intensité lumineuse est alors très faible, équivalente à 10 fois celle de la pleine lune (Salisbury et Ross, 1985). En fonction de la date de semis, la durée du cycle des mils et sorghos d’Afrique soudano-sahélienne peut varier pour une même variété de 90 à 190 jours. Un décalage de semis de 15 jours peut, en fin mars, c’est-à-dire en contre saison retarder la durée du cycle de plusieurs mois. La longueur du cycle des sorghos et mils photosensibles (intervalle semis maturation) est fonction de deux variables (Sapin, 1983) : ¾ La date de semis : la variété photosensible fleurissant toujours vers la même période (en une latitude donnée) quelle que soit la date de semis ; plus celle-ci est précoce plus l’intervalle semis floraison sera allongé. ¾ La latitude du lieu : le sorgho étant une plante de jours courts, une variété semée à une latitude basse fleurira plus tôt que si elle était semée à une latitude plus élevée. Elle se montrera donc plus précoce à la basse latitude, sa floraison sera accélérée, son cycle écourté. Mais l’hypothèse de Curtis (1968) montre que la date de floraison de variétés de cycles différents semées au Nigéria était indépendante de la latitude.
Modélisation du photopériodisme
Chez les sorghos et les mils la réponse à la photopériode peut-être représentée par deux modèles. ¾ Un modèle linéaire (Major, 1980 ; Ritchie et Agarswarmy, 1989) correspondant aux plantes dites quantitatives qui voient leur cycle végétatif augmenter proportionnellement à la longueur du jour, au-delà de la valeur seuil. ¾ Un modèle hyperbolique (Franquin, 1974), correspondant aux plantes photopériodiques dites qualitatives ou absolues qui voient leur cycle végétatif s’allonger très rapidement au dessus de la valeur seuil et ne peuvent pas fleurir tant que la photopériode est supérieur à une deuxième valeur seuil, limite de l’hyperbole.
Rôle du photopériodisme
En Afrique soudano-sahélienne, la variabilité interannuelle de la durée de la saison de culture peut être considérable et dépend essentiellement de la date de semis. Le photopériodisme des céréales africaines leur permet d’éviter les risques climatiques tels que la sécheresse ou l’excès d’eau. Il permet notamment de faire coïncider la floraison des céréales avec la fin probable de la saison des pluies. Cette particularité est très importante car le rendement et la qualité du grain 14 dépendent étroitement de la date de semis. Les grains des variétés qui fleurissent trop précocement sont altérés par les moisissures, les oiseaux, les insectes, et surtout aux lessivages des pollens par les dernières pluies. Les variétés qui fleurissent trop tardivement épuisent les réserves en eau du sol avant que le remplissage des graines ne soit terminé, provoquant ainsi l’échaudage en cas de sécheresse post florale (Curtis, 1968 ; Andrews, 1973 ; Kassam et Andrews, 1975 : Franquin, 1984 ; Vaksmann et al., 1996 : Clerget et al., 2004 ; Folliard et al., 2004 ; Sissoko et al., 2008 ; Kouressy et al., 2008). Le photopériodisme permet de donner plus de souplesse au calendrier cultural et notamment de permettre de semer très tôt après les premières pluies. Le semis précoce améliore la maîtrise de l’enherbement car la culture se développe avant les adventices. Le semis précoce permet aussi à la culture de s’installer avant les fortes pluies du mois d’août, les jeunes plants évitent les orages les plus agressifs. Pour une espèce sauvage déhiscente, synchroniser la floraison avec la fin de saison des pluies est important, les semences tombent sur le sol peu après leur maturité et leur germination intervient lors de la pluie suivante, en l’absence d’un mécanisme de dormance. Pour la survie des espèces annuelles les semences ne doivent donc pas tomber sur le sol avant que la saison sèche n’ait commencé, ce qui est assuré avec une date de floraison suffisamment tardive. Mais cette floraison doit aussi intervenir avant la pleine saison sèche, défavorable à la pollinisation et à la maturation des grains. La période charnière entre les saisons humides et sèches apparaît donc comme un bon compromis. 1.6.4. Les phases de développement des plantes photopériodiques Le développement d’une plante correspond à la succession des étapes qualitatives qui se produisent durant la vie d’une plante du semis à la récolte. Selon Belliard (1982), le cycle de développement des plantes photopériodiques peut être divisé en 3 grandes phases comprises entre les 4 événements physiologiques majeurs que sont la levée, l’initiation paniculaire (IP), la floraison et la maturité (figure : 1). ¾ La phase végétative, période comprise entre la levée et l’initiation paniculaire, comporte deux sous phases physiologiques distinctes : • La sous phase juvénile qui concerne les premiers jours du développement. La photopériode régnante pendant cette phase n’a pas d’influence sur la durée de la période végétative (Ellis et al., 1997 ; Alagarswamy et al., 1998). La durée de la sous phase juvénile est variable au sein de l’espèce mais elle est fixe pour une variété. Cette phase correspond à une 15 période pendant laquelle la jeune plante n’est pas apte à fleurir quelles que soient les conditions extérieures inductrices ou non de la floraison. • La sous phase d’attente pendant laquelle la plante reste à l’état végétatif si les conditions ne sont pas favorables à la floraison (photopériode trop longue pour les plantes de jours courts), mais pourrait initier la panicule dans le cas contraire. Cette sous phase est inexistante chez les plantes insensibles et, pour les plantes photopériodiques, sa durée peut varier de quelques jours à plusieurs mois en fonction de la date de semis. La durée minimale de la phase végétative (BVP pour Basic Vegetative Phase) est constituée de l’addition de la phase juvénile et de la durée minimale observée de la phase d’attente, tandis que la période restante jusqu’à l’initiation paniculaire est appelée phase induite par la photopériode. ¾ La phase de reproduction débute à l’induction florale. Le méristème apical végétatif qui produisait les feuilles se transforme en méristème floral et forme la panicule comme on peut l’observer dans la photo ci-dessous. Cette phase dure en moyenne de 20 à 30 jours. ¾ La phase de floraison et maturation des graines correspond à l’apparition de l’inflorescence jusqu’à la maturation des grains. Sitôt la pollinisation opérée, le grain commence son développement pour atteindre sa maturité physiologique en passant par les stades laiteux et pâteux. Cette phase dure en moyenne de 30 à 40 jours.
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