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Passage de l’état commensal à opportuniste
Les entérocoques sont des bactéries commensales faisant partie intégrante du microbiote intestinal humain, qui ont la faculté (en particulier E. faecalis et E. faecium) de traverser la barrière intestinale, de survivre au sein des cellules du système immunitaire, comme les macrophages, mais aussi d’adhérer aux cellules épithéliales (Arias et Murray 2012). Lors de l’apparition d’une dysbiose ou d’une perturbation de l’équilibre entre hôte et bactérie, ils peuvent devenir pathogènes en gagnant des sites anatomiques extra-intestinaux, provoquant ainsi des infections. Les situations de dysbiose peuvent apparaître en cas de déficit immunitaire de l’hôte, de contact avec des xénobiotiques mais aussi lors de certaines pathologies ou traitements, du fait de l’altération des cellules luminales au niveau intestinal. En plus de cette voie endogène d’infection, il a été largement démontré que les entérocoques étaient capables de diffuser par contamination fécale environnementale. En effet, les entérocoques sont doués d’une résistance importante aux conditions environnementales et sont même utilisés comme indicateurs de contamination d’origine fécale dans les eaux de consommation et les échantillons environnementaux (Wheeler et al. 2002). Du fait de cette grande résistance aux conditions de stress environnementaux, les entérocoques sont capables de survivre pendant plusieurs mois sur différentes surfaces comme les mains du personnel soignant, le matériel médical souillé (endoscope), ou les différentes surfaces d’une chambre de patient colonisé (poignées de porte, draps etc…), si aucun processus de décontamination n’est mis en place (Figure 5) (Arias et Murray 2012; Kramer et al. 2006; Neely et Maley 2000).
La notion d’opportunisme est la résultante de la présence au sein du génome bactérien de gènes codants pour des facteurs de pathogénicité. Ces facteurs d’opportunisme jouent un rôle essentiel dans le processus infectieux puisqu’ils participent à la résistance aux environnements hostiles, ils augmentent l’adhérence bactérienne aux cellules hôtes et aux différentes matrices, ils permettent l’efficacité du processus d’invasion bactérienne en en entraînant la lyse des cellules pariétales ou des tissus de l’hôte par l’intermédiaire de protéines sécrétées et ils permettent enfin la régulation de la leur propre transcription afin d’affiner au mieux la réponse bactérienne en fonction du stress rencontré (Jett et al. 1994). Ils ne sont généralement pas essentiels à la survie de la bactérie mais diminuent de façon importante la pathogénicité du germe en cas d’absence (Van Tyne et Gilmore 2014). Ces facteurs de virulence sont portés de manière inconstante sur le chromosome bactérien et sont le plus souvent transmis par des éléments génétiques mobiles (plasmides ou transposons par exemple) soit de façon isolée, soit regroupés sous forme d’îlots de pathogénicité (PAI), permettant ainsi une adaptation rapide aux contraintes environnementales (Van Tyne et Gilmore 2014; Lebreton et al. 2013; Arias et Murray 2012; Shankar et al. 1999). L’acquisition de traits de virulence portés sur des éléments génétiques mobiles entraînant une augmentation de la taille des génomes chez les souches hospitalières comparativement aux génomes de souches dites communautaires (Lebreton et al. 2013; K. L. Palmer et al. 2012).
Les facteurs de virulence retrouvés jusqu’ici chez les entérocoques sont répartis en 5 grandes fonctions : les facteurs permettant l’adhésion, les facteurs participants à la formation de biofilm, les régulateurs de l’expression de certains gènes, les enzymes lytiques et les facteurs antiphagocytaires (Willems et Bonten 2007).
Enterococcus hirae, « un modèle d’entérocoque »
E. hirae, tout comme les autres espèces d’entérocoques est généralement retrouvé dans divers environnements comme les sols, les eaux et fait partie intégrante du microbiote intestinal des mammifères dont l’homme (Beukers et al. 2017; Solioz et Stoyanov 2003; Klein 2003). E. hirae est largement moins retrouvé en pathologie humaine comparativement aux espèces E. faecium et E. faecalis, toutefois, plusieurs cas d’infections causées par ce germe ont été décrits dans la littérature (Pãosinho et al. 2016; Bourafa et al. 2015; Dicpinigaitis et al. 2015). Cette espèce ne présente pas de phénotype particulier de résistance, cependant des souches résistantes aux antibiotiques utilisés en dernière ligne dans les infections à les bactéries à Gram positif en pathologie humaine, comme la vancomycine ou la daptomycine ont déjà été décrites en médecine vétérinaire et dans l’industrie agro-alimentaire (Peng et al. 2016; Iweriebor et al. 2016).
hirae comme modèle pour l’étude de l’homéostasie du cuivre
Parmi les bactéries à Gram positif, certaines sont dites bactéries lactiques. Les entérocoques font partie de ce groupe. Ce groupe bactérien a fait l’attention de nombreuses études du fait de son importante utilisation dans l’agro-alimentaire et dans la préservation de certains aliments. Le caractère éponyme essentiel de ces bactéries est la production d’acide à partir de la fermentation des hydrates de carbones et par conséquent l’acidification importante de l’environnement direct de la bactérie (Gálvez et al. 2007). Ce caractère fermentaire est généralement accompagné de la production par ces bactéries de bactériocines, substances toxiniques qui inhibent la croissance des bactéries voisines empêchant ainsi une quelconque compétition concernant l’utilisation des substrats nutritifs environnants. La lyse bactérienne accompagnée de la production d’acide par fermentation des sucres entraîne la formation d’un milieu fortement acide autour de ces bactéries engendrant la solubilisation de complexes ioniques métalliques. Cette solubilisation d’ions métalliques entraîne généralement une forte augmentation de la concentration en ions métalliques, dont fait partie le cuivre. Le cuivre est un ion métallique bien connu dont l’excès à un effet toxique sur les bactéries mais aussi sur différents organismes dont l’homme, en se fixant fortement sur diverses molécules biologiques tels que les acides nucléiques, les protéines ou les lipides, générant ainsi un stress oxydatif généralement létal pour la cellule (Williams et al. 1993). Toutefois, contrairement à d’autres ions métalliques toxiques comme l’argent ou le plomb, le cuivre est un élément essentiel à la physiologie cellulaire puisqu’il est utilisé comme co-facteur par une trentaine de métalloenzymes d’organismes supérieurs comme la superoxyde dismutase chez les entérocoques (Kakinuma 1998; Karlin 1993). E. hirae a largement servi de modèle afin de mieux appréhender le contrôle de l’homéostasie du cuivre chez les procaryotes. En effet, E. hirae possède un système de régulation dont l’élément principal est un opéron composé de 4 gènes copY, copZ, copA et copB. Les gènes copA et copB codant pour une ATPase permettant le transport du cuivre, copY codant pour un répresseur cuivre-dépendant, permettant la dérepression de la transcription de l’opéron cop en cas d’excès de cuivre dans le milieu. Enfin, le gène copZ code pour une protéine chaperone servant dans le transport intracellulaire du cuivre (Figure 8). La présence de l’opéron cop permet la croissance de E. hirae dans un milieu extrêmement riche (> 8 mM), mais aussi dans un milieu pauvre en cuivre (Solioz et al. 2010; Magnani et Solioz 2005).
Table des matières
ABBREVIATIONS UTILES
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
AVANTPROPOS
I. ANALYSE BIBLIOGRAPHIQUE
1. Les bactéries du genre Enterococcus
1.1. Généralités
1.2. Rappels taxonomiques
1.3. Caractères biochimiques et culturaux des bactéries du genre Enterococcus
2. Les entérocoques en pathologie humaine
2.1. Epidémiologie des infections à entérocoques
2.2. Place de E. faecium en pathologie humaine
2.3. E. faecium : un pathogène nosocomial émergent – Epidémiologie moléculaire
2.4. Passage de l’état commensal à opportuniste
3. Enterococcus hirae, « un modèle d’entérocoque »
3.1. E. hirae comme modèle pour l’étude de l’homéostasie du cuivre
4. Xénobiotiques antimicrobiens et résistance chez les entérocoques
4.1. Généralités
4.2. Résistance bactérienne aux antibiotiques
4.3. E. faecium et évolution de la résistance aux antibiotiques
4.4. La résistance aux βlactamines chez les entérocoques
4.5. Résistance acquise aux aminosides
4.6. Résistance aux glycopeptides
4.7. Résistance au linézolide et à la daptomycine
4.8. Résistance aux antibiotiques de la classe des quinolones
4.9. Les macrolideslincosamidesstreptogramines et pleuromutilines (MLSP)
4.10. Résistance aux tétracyclines et aux glycylcyclines
5. Les « ATPBinding Cassette » protéines
5.1. Structure et fonctions des protéines ABC
5.2. Les protéines ABC de classe II ayant un rôle dans l’antibiorésistance
6. Impact des xénobiotiques nonantibiotiques sur la physiologie bactérienne
7. Cancer et Microbiote intestinal : un lien inattendu
7.1. Le microbiote intestinal
7.2. Microbiote et chimiothérapies anticancéreuses
II. OBJECTIFS DU TRAVAIL
III. RESULTATS ET DISCUSSION
1. Résistance aux antibiotiques chez E. faecium
1.1. Publication 1 : Etude de la résistance aux lincosamides, streptogramines A et pleuromutilines (phénotype LSAP) chez E. faecium.
1.2. Publication 2 : Etude génomique de la baisse de sensibilité à la Tigécycline chez E. faecium.
2. Impact des xénobiotiques nonantibiotiques sur E. faecium
2.1. Publication 3 : Etude de l’impact des xénobiotiques a priori nonantibiotiques sur physiologie de E. faecium..
3. Rôle de Enterococcus hirae dans la réponse antitumorale médiée par le cyclophosphamide
3.1. Publication 4 : Rôle de E. hirae dans les effets immunologiques et anticancéreux induits
par le cyclophosphamide : vers l’utilisation d’ « oncobiotiques » ?.
IV. CONCLUSIONS.
V. PERSPECTIVES
1. Résistance et phénotype LSAP
2. Résistance à la tigécycline
3. Impact des xénobiotiques non antibiotiques sur E. faecium
4. Utilisation de E. hirae comme oncobiotique
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES
1. Annexe 1. Communication affichée aux JRC 2013
2. Annexe 2. Communication affichée lors de l’ECCMID 2016 (Amsterdam)
RESUME / ABSTRACT