Cancer et grossesse : stratégie de thromboprophylaxie et prise en charge anesthésique pour l’accouchement

Cancer et grossesse : stratégie de thromboprophylaxie et prise en charge anesthésique pour l’accouchement

Prévention de la pathologie thromboembolique 

Grossesse et risque thromboembolique

 La maladie thromboembolique veineuse (MTEV) regroupe la thrombose veineuse profonde (TVP) et sa complication immédiate, l’embolie pulmonaire (EP). L’incidence de la MTEV en France est estimée entre 1 et 2 pour 1000 habitants (7,8). La MTEV constitue une cause majeure de morbi-mortalité maternelle dans le monde et en particulier dans les pays à niveau de ressources élevé. Au Royaume-Uni, la première cause directe de décès maternel est la pathologie thromboembolique, avec un ratio de mortalité maternel de 1,1/100 000 naissances vivantes (9). En France, dans le dernier rapport de l’ Enquête Nationale Confidentielle sur la Mortalité Maternelle (ENCMM) regroupant les décès maternels survenus entre 2010 et 2012 (10), la MTEV se situe au 2ème rang des causes de mortalité maternelle avec 4 un ratio de 1,1/100 000 naissances vivantes (10,2% de l’ensemble des décès maternels en France). Concernant la morbidité maternelle, la fréquence de la MTEV en obstétrique est difficile à évaluer, de nombreux cas de femmes présentant cette pathologie n’étant pas recensés. Ainsi, nous ne disposons pas de données fiables et récentes concernant l’incidence de la MTEV pendant la grossesse et dans le post-partum en France. Plusieurs travaux aux Royaume-Uni et aux Etats-Unis rapportent une incidence moyenne de 2 cas pour 1000 grossesses (11–14). Les femmes ont un risque accru d’accidents thromboemboliques pendant leur grossesse et dans la période du post-partum de 4 à 5 fois supérieur par rapport à une population appariée non enceinte (14). En effet, plusieurs éléments de la classique triade de Virchow sont présents pendant la grossesse et après l’accouchement et participent à l’augmentation du risque thromboembolique veineux dans ce contexte (15) : – Tout d’abord dès le premier trimestre, une stase veineuse est observée. Elle est due initialement à une vasodilatation veineuse induite par la progestérone. Des 20 SA, la compression de la veine cave inférieure par l’utérus gravide s’ajoute ainsi qu’une compression pulsatile de la veine iliaque gauche par l’artère iliaque droite. La baisse de l’activité physique induite par la grossesse favorise également cette stase veineuse. – tout au long de la grossesse, le système hémostatique est progressivement activé pour préparer la parturiente au risque hémorragique lié à l’accouchement. L’activité intrinsèque des molécules anticoagulantes endogènes est réduite (diminution du taux de protéine S de près de 50%, résistance de la protéine C activée augmenté). L’activité procoagulante augmente également suite à une élévation des concentrations des facteurs de coagulation circulants (fibrinogène, prothrombine, facteurs V, VII, VIII, IX, X). La dissolution du thrombus est réduite par une diminution de la fibrinolyse, résultant de l’activité accrue des inhibiteurs de l’activateur du plasminogène (PAI-1, Plasminogen activator inhibitor 1). Cet état d’hypercoagulabilité physiologique pendant la grossesse diminue progressivement après l’accouchement, jusqu’à la normalisation des sécrétions hormonales à 6 semaines voire même au delà. Ce phénomène explique pourquoi la période de surisque thrombotique se poursuit dans les semaines qui suivent l’accouchement.  – la fonction endothéliale est altérée par les traumatismes liés à l’accouchement, aux manœuvres obstétricales (césarienne, manœuvres instrumentales, épisiotomies, déchirures périnéales) mais également en cas de prééclampsie. A ces modifications s’ajoutent fréquemment des facteurs de risques contextuels (césarienne en urgence, hémorragie du post partum, multiparité…) ou liés au terrain (obésité, âge maternel, thrombophilie) qui seuls ou en association peuvent majorer le risque thromboembolique. Une thromboprophylaxie médicamenteuse en cours de grossesse et dans le postpartum est donc parfois nécessaire, en fonction de la stratification du risque thromboembolique de la patiente. Concernant les stratégies de prévention thromboembolique pour la femme enceinte, de nombreuses sociétés savantes internationales et françaises ont élaboré des lignes directrices depuis le début des années 2000: l’American College of Chest Physicians (ACCP) (16), l’American Congress of Obstetricians and Gynecologists (ACOG) (17), la Société des Obstétriciens et Gynécologues du Canada (SOGC) (18), le Royal College of Obstetricians and Gynaecologists (RCOG) (19), la Haute Autorité de Santé (HAS) (20), la Société Française d’Anesthésie Réanimation (SFAR) (21), le Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF) (22). Elles fournissent des algorithmes permettant d’identifier les patientes enceintes à haut risque qui doivent bénéficier d’une anticoagulation préventive. Ces recommandations diffèrent entre elles (23), mais s’accordent cependant sur l’importance de réaliser une évaluation des facteurs de risque thromboemboliques chez la femme dès le début de sa grossesse et ce de manière répétée à chaque hospitalisation ou évènement nouveau. En France, les médecins anesthésiste-réanimateurs s’appuient notamment sur les recommandations de la SFAR publiées en 2005 pour identifier les femmes enceintes à risque thromboembolique élevé et qui nécessitent une anticoagulation préventive. (Annexe 1) 

Cancer et risque thromboembolique

 Les pathologies néoplasiques majorent également le risque de développer une MTEV et constitue la seconde cause de mortalité chez les patients atteints de néoplasie (24). L’incidence rapportée dans la littérature de la MTEV chez le patient cancéreux est considérablement variable en fonction de la population étudiée, du site de la tumeur, de la durée de suivie, de la période à laquelle a été menée l’étude et des techniques pour diagnostiquer les accidents thromboemboliques veineux. Les risques les plus élevés ont été décrits pour une population de patients nécessitant une hospitalisation et traité par chimiothérapie (6% à 8%). (25) La littérature s’accorde généralement sur la plupart des facteurs de risque de MTEV associée au cancer. Une liste complète est présentée dans le tableau 1. 

Table des matières

Abréviations
I. Introduction
I. 1. Prévention de la pathologie thromboembolique
I. 1. a. Grossesse et risque thromboembolique
I. 1. b. Cancer et risque thromboembolique
I. 2. Anesthésie de la femme enceinte atteinte d’une néoplasie
II. Matériel et méthodes
II. 1. Design de l’étude, population source et population d’étude
II. 2. Variables explorées
II. 2. a. Caractéristiques maternelles, de la grossesse et de l’accouchement
II. 2. b. Caractéristiques de la prise en charge anesthésique
II. 2. c. Caractéristiques relatives à la prévention thromboembolique
II. 3. Analyses statistiques
II. 4. Considération éthique
III. Résultats
III. 1. Incidence des pathologies néoplasiques parmi les femmes enceintes et issues de grossesse (Figure 1)
III. 2. Caractéristiques maternelles, de la grossesse et issue néonatale
III. 3. Caractéristiques oncologiques (Tableau 3)
III. 4. Prise en charge anesthésique
III. 5. Evaluation du risque, thromboprophylaxie et complications thromboemboliques
V. Discussion
VI. Conclusion
Annexe
Références bibliographiques

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