Calcul exact de la probabilité de splitting 

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État de l’art

Les divers exemples évoqués ci-dessus dénotent l’importance que peut avoir la recherche de cibles, ce qui a amené diverses équipes à s’intéresser à la caractérisation de cette recherche. Nous présentons ici une liste non exhaustive des différents travaux déjà effectués, et qui nous ont inspirés. Nous nous sommes concentrés sur la recherche de cible (une ou plusieurs) par un chercheur soumis à un mouvement aléatoire, en particulier sur le temps nécessaire pour l’atteindre. Ce temps sera la quantité essentielle de cette thèse, et sera nommé temps de premier passage (abrégé FPT pour First Passage Time) : c’est en effet le temps que met le chercheur pour atteindre la première fois la cible.

Recherche de cible sur un réseau borné

Dans un premier temps, la situation la plus simple à traiter est celle d’un réseau borné exploré par un marcheur aléatoire simple. En se référant à [Condamin et al., 2005], on peut obtenir, dans un réseau tel que présenté sur la figure 1.8, le temps moyen de premier passage (MFPT pour Mean First Passage Time) d’un chercheur à une cible, en fonction de la distance les séparant. L’expression obtenue (pour un réseau carré bidimensionnel ou cubique tridimensionnel) n’est pas exacte, mais la comparaison avec des simulations numériques montre un très bon accord. On peut même obtenir la caractérisation complète de la distribution de ce temps de premier passage, en calculant les différents moments de cette distribution.
Une autre quantité centrale de cette thèse est aussi abordée dans cet article [Condamin et al., 2005] : la probabilité dite de splitting. Cette quantité met en jeu des cibles multiples (au moins deux), et représente le fait d’atteindre une cible avant toutes les autres. Dans le cas le plus simple de deux cibles, la probabilité de splitting d’atteindre la cible A avant la B est la probabilité complémentaire de celle d’atteindre la cible B avant la cible A. En se servant des mêmes outils mathématiques que pour le calcul du temps de premier passage ( les pseudo-fonctions de Green, que nous introduirons aussi), on obtient aisément l’expression approchée de ces probabilités. Figure 1.8 – Schéma représentant un réseau discret bidimensionnel de forme quelconque, où un chercheur part d’un site du réseau source (Starting site), pour atteindre un site cible (Target site). La marche aléatoire qu’effectue le chercheur consiste à passer d’un site à un autre site voisin du premier, de façon aléatoire. Les bords du réseau sont considérés comme réfléchissants.
On peut aussi bien évidemment élargir ce problème en considérant un réseau plus complexe, invariant d’échelle tel que considéré dans l’article [Condamin et al., 2007b] et sur la figure 1.9 : on obtient alors une loi d’échelle pour MFPT en fonction de la taille du domaine et de la distance entre la cible et le point de départ, selon la dimension de la marche et celle du milieu. Cette complexification permet de traiter plus précisément des cas réels, comme celui de la recherche d’une cible dans une cellule, milieu que l’on peut considérer comme complexe car très encombré. Figure 1.9 – Schéma (Issu de [Condamin et al., 2007b]) d’un réseau de Sierpinski, de type auto-similaire (les mêmes motifs se retrouvent à toutes les échelles considérées), avec une cible (T pour Target) et un point source (S pour Source).
La distribution entière du temps de premier passage sur un réseau borné a également été déterminée [Bénichou et al., 2010, Meyer et al., 2012].
En considérant un simple réseau carré ou cubique, on peut, en suivant l’article [Condamin et al., 2007c], dériver d’autres quantités, plus complexes. Par exemple, on peut s’intéresser aux sites du réseau visités avant d’atteindre la cible recherchée (qui est elle-même un site particulier du réseau). L’intérêt de cette quantité est de caractériser l’activité du chercheur avant, par exemple, d’être piégée, absorbée sur la cible. Par exemple, pour une molécule chimique, on pourra alors avoir accès à la probabilité d’une molécule de réagir avec des réactifs déposés sur des sites, avant d’être absorbée sur un site « piège ». En associant un temps de résidence sur chaque site, on peut déduire les propriétés dites de temps d’occupation de chaque site, autre que celui de la cible.
Le problème de la probabilité de survie d’un marcheur aléatoire en présence de pièges a été particulièrement étudié par Rosenstock, ainsi nous ferons référence, dans la suite, au problème de Rosenstock. Ces études permettent par exemple de calculer la probabilité de retour à l’origine du marcheur aléatoire en présence de pièges absorbants et/ou de mort du chercheur [Rosenstock, 1970].

Recherche de cible en milieu continu, sans intermittence

L’extension naturelle de ces résultats obtenus sur des réseaux est de considérer dorénavant un espace continu, afin de se rapprocher le plus possible des cas réels précédemment évoqués (molécule dans une cellule, animal en quête de nourriture, . . .). Nous passons donc d’une marche aléatoire simple sur réseau à son extension en espace continu, le mouvement brownien.
Les résultats obtenus dans le cas du réseau discret sur les temps de premier passage, les probabilités de splitting et les temps d’occupation ont déjà été étendus au cas d’un mouvement brownien dans un espace confiné en deux ou trois dimensions [Condamin et al., 2007a]. L’outil utilisé est toujours les pseudo-fonctions de Green, mais cette fois en tant que fonction d’une variable continue de l’espace.
D’autres études se sont attachées à calculer des quantités de premier passage dans le cas d’espace continu, mais avec des processus plus complexes qu’un simple mouvement brownien [Bray et al., 2013]. Ces processus peuvent être Markoviens (c’est-à-dire que l’historique du mouvement n’intervient pas dans les prochaines positions, ce qui est le cas du mouvement brownien), ou non.
Le problème le plus célèbre, associé à la recherche de cibles en espace continu et confiné par un mouvement brownien est le problème du narrow escape [Schuss et al., 2007]. Ce problème consiste à calculer le temps nécessaire à une particule, confinée dans un domaine borné, pour parvenir à sortir par une ouverte étroite. Les frontières du domaine sont généralement considérées réfléchissantes, à l’exception de la sortie, qui constitue une cible absorbante. Cette situation est représentée sur la figure 1.10.
Figure 1.10 – Schéma issu de [Schuss et al., 2007], représentant le cas du problème Narrow escape. La particule est soumise à un mouvement brownien dans le domaine ⌦, délimité par une frontière réfléchissante. Dans le cas représenté, la particule a finalement pu sortir de ce domaine, en atteignant l’ouverture étroite située en bas.
Comme les auteurs de [Schuss et al., 2007] le font remarquer, ce problème possède un fort lien avec la biologie cellulaire : le domaine peut représenter une cellule, le chercheur une molécule, et la cible un récepteur membranaire quelconque (problème abordé précédemment dans la partie 1.1.2). Le temps moyen de sortie du domaine est alors une quantité critique, liée à la cinétique des réactions qui peuvent avoir lieu dans une cellule.
Une autre vision de ce problème biologique est celle donnée par l’article [Coombs et al., 2009] : dans cette étude, les auteurs essayent de caractériser le MFPT (temps moyen de premier passage) pour une particule qui diffuse sur la surface d’une sphère, en présence de plusieurs cibles partiel-lement absorbantes. Ce problème est très fortement lié à celui des synapses, évoqué dans la partie 1.1.2, où la particule est alors un neuro-transmetteur cherchant un récepteur sur la membrane d’une synapse. Une version plus mathématique et générale de ce problème est décrite dans [Ward et Keller, 1993].
Un milieu tel qu’une cellule est évidemment, et nous l’avons déjà mentionné, bien plus com-plexe qu’un simple espace libre confiné. Mais l’équipe qui m’a accueilli a déjà montré que des ré-sultats qualitatifs, pour des quantités de premier passage (MFPT, probabilité de splitting, temps d’occupation, . . .), peuvent être obtenus dans le cas de milieux continus complexes [Condamin et al., 2008]. On peut même alors utiliser ces connaissances afin de caractériser des milieux réels : par exemple, en mesurant des MFPT, on peut déduire les caractéristiques sous-diffusives d’un mouvement dans un milieu cellulaire très complexe.
De même que dans le cas discret, nous pouvons aussi nous intéresser à la probabilité de survie d’une particule brownienne en présence de cible, et même d’un grand nombre de particules [Krapivsky et Redner, 1996].
Une revue sur ces problèmes traitant des quantités de premier passage dans des milieux confinés a récemment été publiée [Bénichou et Voituriez, 2014].

Intermittence

Avant mon arrivée, dans l’équipe, une autre classe de stratégie de recherche a été étudiée : les stratégies intermittentes. Ces processus de recherches sont inspirés de stratégies facilement observables dans la nature ; par exemple la figure 1.11 montre l’exemple du comportement de recherche d’un chien.
Ces processus de recherche mettent en jeu au moins deux phases distinctes de recherche [Bé-nichou et al., 2005c] :
1. la phase de recherche elle-même, où le chercheur explore activement l’espace proche à la recherche de la cible. Dans le cas d’un animal quelconque, le chercheur va utiliser ses organes sensoriels de courte portée (odorat, touché) afin de repérer la cible dans ce petit périmètre. Dans les cas qui vont nous intéresser, cette phase de recherche, dite « active » est une phase lente (et est souvent assimilée à un mouvement aléatoire, brownien).
2. l’autre phase est une phase de déplacement, pendant laquelle le chercheur avance plus rapidement et ne peut pas repérer la cible (dans notre modélisation ; en réalité, le chercheur peut simplement avoir une probabilité moindre de la trouver que dans une phase active). Souvent, et c’est bien vérifié dans le cas des animaux, on considère cette phase constituée de mouvements balistiques, dans une direction aléatoire.
Figure 1.11 – Schéma issu de [Bénichou et al., 2005c], montrant une stratégie de recherche chez un chien. Celui-ci alterne des phases 2 (Move state 2 ), avec une vitesse de déplacement balistique v, pendant lesquelles il ne peut repérer sa cible par l’odorat, mais se déplace efficacement ; et des phases 1 (Search state 1 ), dans lesquelles il recherche activement, en reniflant le sol. Dans notre modélisation, le chien ne peut trouver sa cible que dans une telle phase.
Le principal intérêt de cette classe de mouvements intermittents réside dans le fait que cette recherche peut être plus efficace et donc plus rapide qu’un simple processus à une seule phase. En effet, grâce aux phases 2 de déplacements rapides, le chercheur parvient plus facilement à explorer de nouveaux espaces, et à ne pas ré-explorer activement toujours la même zone. De plus, comme ces phases 1 dites de recherche active sont en général plus lentes, le mouvement global du chercheur est plus rapide.
En étudiant cette stratégie issue du monde animal, nous pouvons immédiatement nous interro-ger : est-il vraiment plus efficace, pour rechercher une cible, d’utiliser cette stratégie de recherche intermittente, plutôt que d’utiliser un processus uniquement basé sur une phase de type 1 (re-cherche active lente) ?
Cette stratégie intermittente étant observée dans la nature, on imagine qu’elle peut se révéler plus efficace qu’un processus à une seule phase. Nous pouvons alors nous intéresser à l’optimisation du rapport temporel passé dans chacune de ces deux phases, afin de rendre la recherche de cible la plus efficace possible [Bénichou et al., 2005a, Bénichou et al., 2006, Bénichou et al., 2007].
Nous pouvons appliquer cette même idée dans le cadre de la biologie cellulaire : en effet, nous avons déjà qualifié d’intermittent, dans la figure 1.2, le mouvement d’une protéine à la recherche d’une cible sur l’ADN. Ce mouvement comporte lui aussi deux phases distinctes :
1. une phase de diffusion le long de l’ADN (mouvement brownien unidimensionnel), pendant laquelle la protéine examine les séquences de nucléotides de l’ADN à la recherche de la cible.
2. une phase de diffusion dans le volume du noyau (mouvement brownien tridimensionnel), pendant laquelle la protéine ne peut repérer la séquence cible, mais pourra se ré-adsorber sur l’ADN à la prochaine rencontre avec le brin.
Si cette stratégie est effectivement comparable à celle précédemment décrite, nous insistons sur le fait qu’ici, les deux phases ne se distinguent pas par un choix (recherche active ou non), mais par un changement d’espace (adsorption/éjection du brin d’ADN vers le volume de noyau). Cette stratégie est illustrée sur la figure 1.12.
Figure 1.12 – Gauche : Illustration de la recherche d’une cible (portion de l’ADN en jaune) par une protéine, dessin de Virginie Denis/Pour la Science n˚352, Février 2007. Droite : Schéma issu de [Bénichou et al., 2008] simplifié de ce même processus, la protéine étant ici un facteur de transcription (TF) à la recherche de la cible (Target).
Dans l’article [Bénichou et al., 2008], on trouve une proposition de modèle simplifié de cette stratégie de recherche sur l’ADN. Pour ne pas tenir compte de la forme prise par le brin d’ADN, les auteurs considèrent que lors de chaque éjection de la protéine de ce brin, celle-ci va diffuser dans le volume, puis se ré-adsorber après une certaine durée sur le brin, mais à un emplacement complètement dé-corrélé de l’emplacement précédent. Grâce à cette hypothèse de travail, des calculs théoriques sont possibles et montrent la possibilité d’optimiser cette stratégie en fonction des répartitions temporelles des deux phases.
L’hypothèse de dé-corrélation est importante, mais cependant bien justifiée dans le cas d’un ADN replié : en effet, une fois éjectée de cette ADN, la protéine peut facilement, même dans le cas d’une excursion volumique de petite distance, se retrouver dans un lieu de l’ADN très éloigné du précédent.
D’autres équipes ont procédé de même, avec cependant d’autres hypothèses sur les excursions volumiques [Eliazar et al., 2007, Lomholt et al., 2008]. Nous pouvons aussi citer un autre travail [Oshanin et al., 2007] reposant sur un modèle entièrement calculable : il s’agit d’un modèle avec plusieurs chercheurs réalisant des marches aléatoires unidimensionnelles.
Cette stratégie de mouvements intermittents peut se retrouver à d’autres niveaux dans la cellule. Par exemple, le déplacement des molécules à l’intérieur d’une cellule est contraint par ce milieu encombré. Cependant, comme illustré sur la figure 1.13, l’encombrement généré par le cytosquelette peut être utile aux déplacements de ces molécules, via les moteurs moléculaires. Figure 1.13 – Issu de [Bénichou et al., 2008], transport intra-cellulaire actif, alternant phases de diffusion libre dans le volume de la cellule, et phases de mouvement balistique le long de filament du cytosquelette, grâce aux moteurs moléculaires.
Une revue complète des différents cas de mouvements intermittents, et leur efficacité, a été publiée par l’équipe [Bénichou et al., 2011a].

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Un nouveau modèle d’intermittence

Dans cette thèse, nous étudierons des quantités de premier passage pour des stratégies intermit-tentes particulières. En nous inspirant des stratégies de recherche en biologie cellulaire (recherche sur l’ADN pour la figure 1.12, transport intra-cellulaire pour la figure 1.13 ), nous avons défini un nouveau modèle minimal, dans lequel une particule peut diffuser librement dans un volume, mais aussi sur la surface le délimitant. Il s’agit donc bien d’un processus intermittent avec deux phases de diffusion distinctes, reposant sur deux supports d’espace distincts (une modélisation numérique d’un tel système est décrite dans [Levitz, 2005]). La spécificité réside ici dans le fait que la phase dite de diffusion surfacique a lieu sur la frontière du domaine. Ce système est ainsi fondamentalement différent des précédents car il lie l’intermittence au confinement.

Système et mouvement intermittent

Pour ce faire, nous allons nous inspirer du travail effectué dans l’article [Bénichou et al., 2011b] . Cette étude considère un modèle « minimal », présenté sur la figure 1.14, que nous allons conserver . Ce modèle est constitué d’un domaine, noté D (en général un disque ou une sphère), dans lequel une particule (en général ponctuelle, hormis mention contraire) diffuse librement.
Nous noterons r le vecteur position de la particule en dimension d, en général pris dans le système de coordonnées polaires (dans le cas du disque, d = 2) ou sphériques (dans le cas de la sphère, d = 3), qui respectent la symétrie du domaine. La particule étant soumise à un mouvement brownien, sa position obéit à une équation de Langevin sur-amortie : r˙ = ⌘(t), où ⌘(t) est un vecteur d-dimensionnel représentant un bruit blanc Gaussien , avec une moyenne nulle et les corrélations suivantes : < ⌘i(t)⌘j(t0) >= 2Dδi,jδ(t t0) Ces équations décrivent bien un processus de Markov, car x(t + dt) est entièrement déterminé par x(t) et une quantité (⌘(t)) aléatoire indépendante du temps et de la position. Nous rappelons encore une fois une des caractéristiques primordiales de ce type de mouvement, qui est la dépendance linéaire du déplacement quadratique moyen avec le temps : ⌦r2(t) ↵ = 2dDt , où D est le coefficient de diffusion.
Figure 1.14 – Schéma de notre modèle minimal, représentant une trajectoire de la particule du point S jusqu’à la cible T . Cette trajectoire présente à la fois des phases de diffusion volumique, et des phases de diffusion surfacique, dans lesquelles la particule est absorbée sur le cercle @D. Naturellement, ce modèle doit présenter un mouvement intermittent, tel que présenté précé-demment 1.2.3. Dans ce cas précis, nous considérons que la particule diffuse librement à l’intérieur
du domaine, que nous noterons ˚, avec un coefficient de diffusion . Cette phase de diffusion à D D2 l’intérieur du domaine D sera nommée diffusion volumique (même si, dans le cas bidimensionnel, ce domaine sera une surface).
Une fois que la particule atteint le bord du domaine, noté @D, elle n’est désormais plus réflé-chie, mais parfaitement absorbée sur cette frontière. Tout se passe comme si la particule changeait de phase (comme dans le cas de la catalyse hétérogène), ou de milieu (comme l’adsorption de mo-lécules sur la membrane cellulaire). Notons que le temps passé dans cette phase de diffusion volumique n’est pas contrôlé par une « horloge interne », mais par la dynamique même du proces-sus. Une fois absorbée, la particule peut ensuite diffuser toujours librement, mais sur le bord @D, avec un coefficient de diffusion D1. Par opposition à la diffusion volumique, nous nommerons cette phase diffusion surfacique (même si, dans le cas bidimensionnel, D est une ligne). Cette diffusion le long de la frontière du domaine rappelle fortement les mouvements de robots ou d’animaux avec territoire borné entrevus précédemment (notamment le thigmotactisme des insectes), 1.1.3 et 1.1.4.
Pour que le mouvement alterne entre les deux phases de diffusion distinctes, il faut qu’il puisse se désorber de la surface @D. Ainsi, nous considérerons que cet évènement de désorption intervient selon une loi exponentielle avec taux λ. Cette loi repose sur une modélisation Markovienne de la liaison chimique entre deux éléments (ici notre particule et la surface @D). La densité de probabilité de se désorber après une durée t est alors donnée par λ exp( λt), et le temps moyen que la particule passe sur la surface est exactement donné par l’inverse du taux de désorption 1/λ.
Figure 1.15 – Figure issue de [Levitz et al., 2013], traçant le profil de densité des atomes d’oxygène (de molécule d’eau) en fonction de leur distance à la surface. Ces données sont issues de simulation de Monte-Carlo. On voit clairement la présence d’une couche d’épaisseur approximative 6nm, dans laquelle les molécules d’eau sont ordonnées : les propriétés de diffusion ne seront alors pas comparables à celles dans le volume.
La désorption elle-même doit être choisie de façon attentive : en effet, si on se contente de faire passer la particule de la phase surfacique à la phase volumique, sans changer sa position, la particule sera alors immédiatement ré-absorbée. Il faut donc lui faire subir un déplacement. Dans le cas de notre modèle minimal, nous avons alors choisi d’éjecter la particule radialement, de façon centripète, à une distance a. Introduire cette distance nous oblige à ajouter une variable de plus dans ce modèle, mais dans la majorité des cas, nous nous contenterons de la situation où a sera petit devant la taille caractéristique du domaine, et sa valeur exacte n’aura alors que peu d’influence sur nos résultats. On peut trouver à cette distance a une signification (et une justification) physique : on peut en effet voir la couche située entre la surface @D et la surface d’éjection (notée @Da) comme une couche limite, dans laquelle les propriétés de diffusion de la particule sont radicalement différentes de celle dans le volume intérieur ˚ (ce qu’on peut voir  sur la figure 1.15). Un article récent [Levitz et al., 2013] évoque la possibilité de définir clairement cette couche délimitant le volume intérieur ˚ et la région d’adsorption. L’intermittence de notre modèle minimal correspond dans cette approche à un échange de particules entre cette couche limite, et le volume.
Ce mécanisme de diffusion, composé de deux phases distinctes, sera désigné sous l’abrévia-tion SMD, pour Surface-Mediated Diffusion. L’une des questions centrales, à laquelle nous allons essayer de répondre, est de savoir si l’alternance de ces phases de diffusions distinctes peuvent rendre plus efficace des processus de recherche. Pour une (ou des) cible(s) située(s) dans le volume ˚, peut-il être avantageux pour la particule de faire des phases d’excursion surfacique sur @D, alors que la cible ne peut être trouvée dans cette phase ? Et inversement, pour une (ou des) cible(s) située(s) sur la surface @D, peut-il être avantageux pour la particule de faire des phases d’excursion volumique dans ˚, alors que la cible ne peut être trouvée dans cette phase ?
Nous pouvons voir notre problème d’une autre façon : il peut être intéressant pour la particule d’explorer la surface @D. En gardant à l’esprit l’exemple de la catalyse hétérogène, on peut imaginer des sites actifs sur cette surface. Il est important alors de savoir si des excursions dans le volume ˚ peuvent améliorer la cinétique d’une réaction qui a lieu sur . En d’autres termes, est-ce que la probabilité de réaction de la particule est optimisable vis-à-vis de la durée de ces excursions ? Et vis-à-vis de la valeur des différents coefficients de diffusion ?
Alors que les modèles précédents, notamment celui de l’ADN, ne prenaient pas en compte les corrélations entre les deux phases de diffusion distinctes, nous pourrons dans ce modèle minimal étudier leur influence.

Quantités considérées

Afin de répondre aux questions précédemment posées, nous chercherons à calculer différentes quantités, en nous inspirant de l’article [Chevalier et al., 2011], qui liste ces quantités pour un mouvement de diffusion non intermittent :
— la quantité de premier passage la plus évidente est bien sûr le temps moyen de premier passage MFPT, qui caractérise le temps nécessaire pour atteindre une cible. Pour un mou-vement SMD et une cible située sur la surface @D de notre modèle minimal, le résultat est déjà connu [Bénichou et al., 2011b], et une optimisation de ce temps est possible en fonction des paramètres du problème. De même, pour une cible intérieure (située dans le volume ˚), le résultat est connu [Chevalier et al., 2011] pour un mouvement de diffusion simple, non intermittent. Il nous reste donc à traiter le cas d’une cible intérieure, pour un mouvement SMD : est-ce que l’optimisation obtenue dans [Bénichou et al., 2011b] est tou-jours possible ? Et est-ce que ce temps peut-être inférieur à celui obtenu dans le cas sans intermittence ? Autrement dit, peut-on gagner du temps en suivant une frontière, pour rechercher une cible dans le volume ?
— d’autres quantités de premier passage sont toutes aussi intéressantes : nous calculerons, dans le cadre de notre modèle minimal et d’un mouvement SMD, la probabilité d’atteindre une cible avant une autre (ou même plusieurs autres), c’est-à-dire la probabilité de splitting. En partant de cette quantité, nous verrons que nous pouvons déduire le territoire exploré sur la surface @D par la particule avant de rencontrer une cible. Ce territoire pourra aussi nous amener à exprimer la probabilité de survie de la particule, si la surface est couverte de pièges ou de sites actifs. Comme pour le MFPT, nous examinerons la question de savoir si toutes ces quantités peuvent être optimisées par rapport au temps passé dans chaque phase, ainsi que par rapport aux coefficients de diffusion.

Plan

Voici le plan que nous allons suivre :
1. dans un premier temps, dans le chapitre 2, nous calculerons la probabilité de splitting exacte, dans notre modèle minimal bidimensionnel (D est alors un disque). Les cibles seront ponctuelles et la particule sera soumise à un mouvement SMD (Surface-Mediated Diffusion). Ce calcul direct permettra aussi d’exprimer le territoire moyen exploré MCT (pour Mean Covered Territory).
2. dans un second temps, pour étendre ces résultats à des cas plus généraux, nous développe-rons au chapitre 3 de nouveaux outils mathématiques, les pseudo-fonctions de Green, pour ce modèle minimal.
3. ensuite, aux chapitres 4 et 5, nous utiliserons ces outils pour obtenir analytiquement toutes les quantités de premier passage mentionnées précédemment (MFPT, probabilité de split-ting, MCT et probabilité de survie). Nous aurons toujours en tête la question de l’optimi-sation de la stratégie SMD, et de son gain par rapport à un simple mouvement de diffusion sans intermittence. Nous essaierons d’étendre nos résultats à des géométries plus générales que notre seul modèle minimal.
4. enfin, au chapitre 6, nous étudierons une application un peu à part : nous modéliserons un milieu poreux par un réseau de disques ou de sphères (comme notre modèle minimal), et nous en déduirons le coefficient de diffusion dans ce milieu complexe pour un mouvement SMD. Cette extension des travaux précédents aura naturellement comme but de modéliser des systèmes industriels de catalyse hétérogène.
Notons que les résultats analytiques de cette thèse seront comparés à des simulations numé-riques, qui, sauf mention explicite du contraire, seront de type Monte-Carlo. Ces méthodes de simulation sont décrites dans l’annexe H.

Table des matières

1 Introduction générale 
1.1 Introduction générale et contexte
1.1.1 Recherche de cibles et mouvement brownien
1.1.2 Recherche de cibles en Biologie
1.1.3 Thigmotactisme dans le monde animal
1.1.4 Robots
1.1.5 Catalyse hétérogène
1.2 État de l’art
1.2.1 Recherche de cible sur un réseau borné
1.2.2 Recherche de cible en milieu continu, sans intermittence
1.2.3 Intermittence
1.3 Un nouveau modèle d’intermittence
1.3.1 Système et mouvement intermittent
1.3.2 Quantités considérées
1.3.3 Plan
Résumé des notations et abréviations
2 Calcul exact de la probabilité de splitting 
2.1 Introduction
2.2 Système et Quantités considérées
2.2.1 Définition du système
2.2.2 Probabilité de splitting dans un disque
2.2.3 Territoire exploré
2.3 Conclusion
3 Pseudo-fonctionsdeGreen: étude théorique 
3.1 Introduction
3.2 Définition des pseudo-fonctions de Green et des quantités associées
3.2.1 Densité de probabilité de présence W
3.2.2 Temps de premier passage
3.2.3 Probabilité de splitting
3.3 Calcul des pseudo-fonctions de Green dans un disque avec mouvement SMD
3.3.1 Équations pour les pseudo-fonctions de Green
3.3.2 Probabilités stationnaires
3.3.3 Calcul exact de la pseudo fonction de Green
3.4 Conclusion
4 Calcul du temps de premier passage pour une cible volumique 
4.1 Introduction
4.2 MFPT dans notre modèle minimal
4.2.1 Équations et résolution
4.2.2 Cible centrée
4.2.3 GMFPT
4.2.4 Optimisation
4.3 Autres géométries
4.4 Conclusion
5 Probabilitéde splitting et territoire exploré 
5.1 Introduction
5.2 Probabilités de splitting pour des cibles étendues
5.2.1 Disque
5.2.2 Sphère
5.3 Retour au cas ponctuel : territoire exploré et probabilité de réaction
5.3.1 Fluctuations du territoire exploré
5.3.2 Probabilité de Réaction
5.4 Territoire exploré avec cibles étendues
5.4.1 Disque
5.4.2 Sphère
5.5 Conclusion
6 Diffusion dans un milieu poreux ordonné 
6.1 Introduction
6.2 Modèle de marche aléatoire en temps continu
6.2.1 Réseau de cavités
6.2.2 Diffusion à l’intérieur d’une cavité
6.2.3 Résultat
6.3 Modèle de marche aléatoire persistante
6.3.1 Marche aléatoire persistante
6.3.2 Diffusion à l’intérieur d’une cavité
6.4 Résultats et Simulations
6.4.1 Simulations
6.4.2 Mouvement brownien avec bords réfléchissants
6.4.3 Modèle de marche aléatoire persistante bidimensionnelle
6.5 Conclusion
Synthèse des principaux résultats
Conclusion et perspectives 
A Disque : Calcul exact de la probabilité de splitting pour une cible ponctuelle
B Liens entre les pseudo-fonctions de Green, le MFPT et les probabilités de splitting
C Disque : calcul exact de la pseudo-fonction deGreen H
D Distribution du temps de premier passage
E Temps de premier passage : géométries diverses
E.1 Ellipses
E.2 Triangles
E.3 Cas d’une sphère 3d
F Cas du vrai retour dans le disque
F.1 Analyse de la monotonie : croissance du MCT
F.2 Analyse de la monotonie : décroissance du MCT
F.3 Cas d’une autre géométrie
G Milieux Poreux : démonstration de l’équivalence des deuxmodèles proposés
H Méthodes numériques
H.1 Simulations de Monte-Carlo
H.2 Résolution numérique des équations
Bibliographie 

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