Cadre légal de l’infiltration civile

Cadre légal de l’infiltration civile

Dans ce contexte, le législateur a adopté la loi du 22 juillet 2018 modifiant le Code d’instruction criminelle et le titre préliminaire du Code d’instruction criminelle en vue d’introduire la méthode particulière de recherche d’infiltration civile (ci-après : loi du 22 juillet 2018). Cette loi s’inspire des mécanismes déjà mis en place pour l’infiltration classique ainsi que des arrêts de la Cour Constitutionnelle et de la Cour européenne des droits de l’homme. Le législateur a choisi de faire de l’infiltration civile une quatrième méthode particulière de recherche à part entière et non une extension de la méthode du recours aux indicateurs. Il a opté pour cette solution afin de pouvoir mettre en place un contrôle et « des garanties supplémentaires spécifiques, ce qui serait impossible si elle était considérée comme un complément au recours aux indicateurs »34. En conséquence, la loi prévoit de nombreuses limitations et contrôles afin d’encadrer, de façon stricte, cette nouvelle méthode particulière de recherche qui présente des risques particuliers, tels que « le risque de manque de fiabilité de l’infiltrant civil, de “double jeu”, de violation du secret de l’instruction, de provocation rendant l’action publique irrecevable… »35. Afin d’établir le cadre légal de l’infiltration civile, nous allons la définir, analyser dans quel contexte elle peut être mise en œuvre, essayer de déterminer quelles personnes peuvent devenir des infiltrants civils, étudier les contrôles établis afin d’encadrer l’infiltration civile et enfin détailler l’interdiction de principe de commettre des infractions.

« le fait pour une personne majeure qui n’est pas un fonctionnaire de police, appelée infiltrant civil, d’entretenir, le cas échéant sous une identité fictive, des relations durables et dirigées avec une ou plusieurs personnes concernant lesquelles il existe des indices sérieux qu’elles commettent ou commettraient une des infractions visées à l’article 90ter, §§ 2 à 4, à l’exception de l’article 90ter, § 2, 11°, à la condition qu’elles soient ou seraient commises dans le cadre d’une organisation criminelle visée à l’article 324bis du Code pénal, ou une des infractions visées au livre 2, titre Iter du Code pénal ». En effet, la loi prévoit deux hypothèses particulières qui permettent d’envisager une infiltration civile. La première hypothèse concerne les infractions commises dans le cadre d’une organisation criminelle visée à l’article 324bis du Code pénal. Néanmoins, elle ne vise pas toutes les infractions commises dans le cadre de cette organisation. Elle concerne uniquement les infractions prévues à l’article 90ter, §§2 à 4, à l’exception de l’article 90ter, §2, 11°36.  Cette précision a été ajoutée afin de tenir compte de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, dans son arrêt n°105/2007 du 19 juillet 2007, portant sur les recours en annulation totale ou partielle de la loi du 27 décembre 2005 « portant des modifications diverses au Code d’instruction criminelle et au Code judiciaire en vue d’améliorer les modes d’investigation dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité grave et organisée ». Dans cet arrêt, la Cour jugeait, relativement au recours aux indicateurs, « qu’en renvoyant de manière générale aux faits punissables qui constitueraient une infraction “au sens de l’article 324bis” du Code pénal, la disposition attaquée se donne un champ d’application insuffisamment déterminé (…) »37. Le législateur a donc tenu compte cet arrêt, bien qu’il porte sur le recours aux indicateurs, pour délimiter le champ d’application de l’infiltration civile.

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Deuxièmement, le recours à l’infiltrant civil est autorisé uniquement s’il existe des indices sérieux de la commission d’infractions. Les travaux parlementaires considèrent que les indices sérieux « signifient que ces critères doivent être établis dans une certaine mesure, qu’ils doivent figurer dans le dossier et qu’ils peuvent faire l’objet de contradictions »38. « Il ne suffit donc pas d’avoir de simples soupçons »39. Ils précisent, en outre, que la notion d’indices sérieux ne doit pas être interprété comme « preuve »40. Enfin, la méthode de l’infiltration civile ne pourra être envisagée que si elle respecte les principes de subsidiarité et de proportionnalité42. Le critère de proportionnalité veut que la méthode de l’infiltration civile ne soit utilisée que pour les infractions les plus graves, partant elle ne pourra se faire que pour les infractions prévues à l’article 47 novies/1 C.I.cr. Le critère de subsidiarité, établis par l’article 47novies/1 §§ 2 et 4, signifie que « l’infiltration civile ne peut s’appliquer que si l’enquête l’exige et si les autres moyens d’investigation ne semblent pas suffisants à la manifestation de la vérité »43. Il faut particulièrement être attentif à l’infiltration policière et s’assurer qu’elle ne sera pas suffisante dans le cas d’espèce. Néanmoins, les autres mesures ne doivent pas être nécessairement impossibles ; en effet, il est parfois possible de recourir à un infiltrant policier en plus de l’infiltrant civil44.

 

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