LA NOTION D’A.S.B.L. EN DROIT BELGE
Afin de cerner la notion d’A.S.B.L. en droit Belge, nous allons partir de sa définition légale donnée par l’article 1er de la loi du 27 juin 1921 (1). Nous examinerons ensuite les conditions imposées à l’A.S.B.L. de ne pas se livrer à des activités industrielles ou commerciales (2) et de ne pas chercher à procurer à ses membres un gain matériel (3). Enfin, nous verrons quelles sanctions sont prévues en cas de violation de ces conditions (4).
Définition de l’A.S.B.L. (article 1er de la loi du 27 juin 1921)
Bref historique
Historiquement, sous le régime hollandais, les associations étaient soumises à un contrôle préalable du gouvernement et le Code pénal réprimait certaines associations . Après la révolution, la liberté d’association prend place dans la Constitution dont se dote la Belgique, sous une formule se détachant clairement du régime précédent (« Les Belges ont le droit de s’associer ; ce droit ne peut être soumis à aucune mesure préventive ») . Entre la révolution belge et la loi de 1921, la doctrine était tiraillée entre ceux qui niaient toute existence à l’association et ceux qui considéraient le contrat d’association comme un contrat innommé, mais valide . Si ce deuxième courant a fini par l’emporter, les associations ne pouvaient pas, de manière générale à tout le moins, revêtir un habit juridique. En effet, « seules certaines associations bien déterminées s’étaient vues attribuer la personnalité juridique par des lois spéciales. Pour les autres, leur statut était celui de l’association de fait » , ce qui les empêchait notamment d’agir en justice.
Jusqu’au début du 20e siècle, l’inaction législative était justifiée par « la crainte de voir des groupements poursuivant une fin désintéressée […] se retrouver à la tête d’opulents patrimoines ; leurs possesseurs ayant une existence potentiellement illimitée, ils échappent perpétuellement aux règles de mutations par décès » (c’est le phénomène dit « de la mainmorte »). Dans ce contexte, le législateur a finalement pris soin de définir l’A.S.B.L. par la loi du 27 juin 1921 comme étant « celle qui ne se livre pas à des opérations industrielles ou commerciales ou qui ne cherche pas à procurer à ses membres un gain matériel ». Par cette loi, le législateur souhaitait répondre « aux besoins de groupements et d’activités collectives qui poussent les hommes à associer leurs efforts […] pour atteindre plus sûrement des buts élevés, placés au-dessus des intérêts personnels » .
Controverse et interprétation de la définition légale posée par la loi du 27 juin1921
Pour être qualifiée d’A.S.B.L., l’association ne devait pas se livrer à des opérations industrielles ou commerciales ou ne devait pas chercher à procurer à ses membres un gain matériel. Une controverse est rapidement apparue au sujet de l’utilisation de la conjonction « ou » employée dans l’article 1er. Une doctrine minoritaire estimait que les deux conditions de l’article étaient alternatives et qu’il suffisait donc de remplir l’une d’entre elles pour être une A.S.B.L. Un autre courant doctrinal, nettement majoritaire, estimait au contraire que ces deux conditions étaient cumulatives et « qu’il [fallait] donc à la fois que l’association n’ait pas pour but de retirer un profit matériel pour ses membres et qu’elle s’abstienne […] d’exercer une activité lucrative » . La controverse a été tranchée par le législateur via une loi du 2 mai 2002 en remplaçant le « ou » par un « et », consacrant ainsi la thèse majoritaire. Il est donc maintenant établi que l’association qui se prétend A.S.B.L. doit à la fois ne pas se livrer à des opérations industrielles ou commerciales et ne pas chercher à procurer à ses membres un gain matériel.
L’A.S.B.L. ne se livre pas à des opérations industrielles ou commerciales
La loi parle d’« opérations », ce qui « suppose […] une certaine continuité ou répétition d’actes », donc des activités qui doivent être commerciales ou industrielles. Nous allons maintenant tenter de déterminer l’étendue de cette première interdiction faite aux A.S.B.L. en distinguant l’exercice d’une activité commerciale à titre principal et l’exercice d’une activité commerciale à titre accessoire.
Les activités commerciales à titre principal
Les actes de commerce
Pour les A.S.B.L., on peut effectuer une distinction entre les actes de commerce par la cause ou l’objet et les actes de commerce par la forme . Les premiers – les actes de commerce par la cause ou l’objet – sont énumérés par les articles 2 (alinéas 2 à 9) et 3 du Code de commerce, certains sont réputés commerciaux même s’ils sont accomplis isolément alors que d’autres nécessitent une activité régulière et continue. Puisque l’article 1er de la loi sur les A.S.B.L. prohibe les opérations (ce qui suppose, nous l’avons dit, une répétition ou une continuité), « une association est libre de réaliser ponctuellement tout acte qui, même isolément, est réputé commercial », et seule une répétition dans les opérations pourrait entraîner une violation de l’article 1er de la loi de 1921 . Les seconds – les actes de commerce par la forme – sont énumérés par l’article 2 alinéa 10 du Code de commerce et sont commerciaux dans tous les cas. Seuls eux sont donc strictement interdits pour les A.S.B.L. « quand bien même ils seraient accomplis sans but de lucre ou à titre accessoire » .
Les actes accomplis sans but de lucre commercial
Dans un arrêt du 19 janvier 1973, la Cour de cassation estime qu’« un acte de commerce peut perdre son caractère commercial lorsqu’il est accompli sans but de lucre et de spéculation » . Dans cette affaire, un curé avait fait construire une piscine afin de l’exploiter dans le cadre de ses activités religieuses. Peu de temps après sa construction, celle-ci a présenté de nombreuses malfaçons qui ont poussé l’homme de foi à assigner l’entrepreneur en justice. Ce dernier a essayé de soutenir que l’action n’était pas recevable car le demandeur était, en tant qu’exploitant d’une piscine, commerçant et devait donc indiquer son numéro d’immatriculation au registre du commerce dans sa citation, ce que le curé n’avait pas fait. La Cour de cassation a finalement jugé que le curé n’était pas un commerçant (alors qu’il posait pourtant des actes de commerce) puisqu’il n’exploitait pas la piscine dans un but de lucre, l’action était donc recevable.
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