Cadre historique et fondements juridiques de la prise en compte de l’insularité en Europe

Reconnaissance laborieuse de l’insularité comme caractéristique justifiant l’adoption de mesures spécifiques en droit de l’UE

Le droit supranational se concrétise à travers l’Union européenne et le droit du Conseil de l’Europe. Les deux institutions ont contribué à la recherche du rôle à donner à l’insularité, et ont successivement adopté des politiques publiques et (ou) des législations différentes pour les îles. En ce qui concerne l’UE, son regard sur les îles a évolué depuis la création des communautés européennes de l’après-guerre. Cette évolution est due à l’élargissement de l’UE et à l’adhésion des États insulaires et d’États membres comptant des îles dans leur territoire, ainsi qu’à la prise de conscience du manque de cohérence et d’effectivité de la législation européenne appliquée de manière similaire dans tous les territoires. À ce jour, la question d’un plan pour les îles au sein de l’UE est aigue, étant donné qu’elle comprend 56 régions insulaires471 qui concernent plus de 13 millions d’habitants472. Concernant le Conseil de l’Europe, il a influencé l’élaboration des principes et des concepts d e soft law, que l’on trouve ensuite appliqués dans le hard law de l’Union européenne. En adoptant une approche « douce », et en offrant un lieu d’échange entre collectivités territoriales et entre ministres de différents pays d’Europe, il a joué un rôle de think tank où les solutions pour les problèmes spécifiques des îles ont été concoctées.Ce chapitre analyse le chemin vers l’inclusion dans le Traité de fonctionnement de l’UE des dispositions spécifique aux îles du continent européen. Ce chemin long et laborieux se déroule tout au long de l’histoire de l’UE (section 1). Le cadre actuellement en vigueur procure un rôle secondaire à la protection de l’environnement (section 2).

Cadre historique et fondements juridiques de la prise en compte de l’insularité en Europe

La question de l’insularité en droit de l’Union européenne est marquée par la diversité et l’incohérence des normes. Nous sommes passés du déni de l’existence de l’île en tant qu’objet juridique à la superposition de normes contradictoires et la définition de différentes catégories d’îles. En effet, pendant près de vingt ans, aux débuts de l’Union, les îles sont restées, selon la formulation du secrétaire exécutif de la Commission des Îles473, Jean-Didier HACHE, « dans u n no man’s land politique et juridique »474. L’établissement des régions ultrapériphériques a introduit une différence parmi les îles et, à ce jour, l’Union instaure une distinction entre les îles de l’ultrapériphérie, définies comme des régions « atouts », et les îles du continent européen, considérées comme des régions « à handicaps ».Cette distinction entre les différentes catégories d’îles est traduite dans la législation de l’UE, où les îles ultrapériphériques bénéficient d’un statut spécial, alors que les îles du continent européen sont, à l’origine, assimilées au territoire continental. Cette distinction crée une contradiction au sein du droit de l’UE quant à la reconnaissance de la spécificité de l’insularité (§ 1). Les îles méditerranéennes, traitées comme des « régions insulaires », finissent néanmoins par bénéficier d’une disposition spécifique en droit primaire (§ 2).

L’Union européenne comprend plusieurs catégories et définitions instaurant une contradiction entre les législations appliquées aux îles. En premier lieu, une distinction est faite entre les îles qui appartiennent au continent européen (îles périphériques) et les îles d’outre-mer (îles ultrapériphériques). Alors que la nécessité d’établir un droit des îles du continent européen est en gestation, les îles d’outre-mer bénéficient déjà d’un régime juridique propre. Cette distinction parmi les deux catégories d’îles est incontestable, tant par le Traité que par le droit dérivé. Pourtant, le statut spécial des RUP est fondé sur l’insularité, encore que la Guyane française bénéficie du statut de RUP en n’étant pas une île, fait qui manifeste une reconnaissance partielle de la part de l’UE des spécificités des îles. En réalité, l’UE hésite à reconnaître que l’insularité des îles du continent européen doit conduire à un statut ou des politiques publiques distinctes. Ceci est démontré par la difficulté d’établir une définition de l’île en droit commun (A), qui contraste à l’évidence que constitue pour l’Union le fait que les îles de l’ultrapériphérie nécessitent une législation adaptée (B).

 

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *