Cadre de l’étude et contexte scientifique
Le travail présenté ici a pour origine une problématique dérivant du projet MAAXIMUS (More Affordable Aircraft structure through eXtended, Integrated, & Mature nUmerical Sizing). Ce projet est d’une très grande envergure : d’une part, il fait collaborer 57 partenaires provenant de 18 pays européens avec un budget de 67M¤ pour 5 ans ; d’autre part, il cherche à réaliser une avancée majeure dans les capacités de simulation numérique et ainsi démontrer l’efficacité et la validité de ces simulations dans la conception de structures aéronautiques optimisées. Il a comme point de départ l’expertise et les développements acquis par des projets précédents (APRICOS, TANGO, ALCAS, BOJCAS, parmi d’autres). Le but spécifique de MAAXIMUS est de démontrer la faisabilité de la conception rapide et de la validation le plus tôt possible d’un fuselage en composites hautement optimisé (voir Fig. 1.1). Pour ce faire, le projet coordonne deux aires de développe- ment : une plate-forme physique qui conçoit et valide des technologies de fabrication et une plate-forme virtuelle pour identifier et valider rapidement les meilleures so- lutions. Une démarche de travail simultanée a été mise en place pour développer ces deux plate-formes avec ses propres besoins spécifiques et pour valider mutuelle- ment leurs réalisations respectives. Ce travail conjoint est la clé pour introduire le changement culturel vers le développement virtuel dans l’aéronautique européenne. Le fuselage qui fait l’objet d’étude du projet doit être conçu dans sa totalitéen matériaux composites et dans un minimum de parties (deux sections de fuselage uniques, sans joints longitudinaux) pour réduire le nombre d’assemblages et favoriser les taux de production élevés (voir Fig. 1.1). Par rapport aux meilleures solutions disponibles en fuselages (F7X, A320, TANGO, ALCAS), les buts spécifiques du Le projet compte 59 work-packages organisés en 6 sous projets représentatifs des étapes de la conception d’un fuselage : 1. Exigences, 2. Design, 3. Analyse, 4. Fabrication, 5. Monitorage et 6. Validation. Chacun de ces sous projets est organisé en 5 hubs interdisciplinaires. Nous nous intéressons au work-package d’analyse WP3.12 (Advanced computa- tional mechanics strategy for aircraft sub-components and structures) qui a comme but de développer des solveurs numériques pour traiter des problèmes non linéaires à grand nombre de degrés de liberté avec de l’endommagement, du contact et du flambage. Plus précisément, l’objectif de ce travail de thèse fait partie de la tâche WP3.12.8.
Les matériaux composites qui nous intéressent sont des stratifiés constitués par un empilement de plis élémentaires unidirectionnels (voir Fig. 1.2). Chaque pli, d’une épaisseur de l’ordre de 0, 1 mm, est composé de fibres continues, d’un diamètre compris entre 2 et 200 µm, orientées dans une direction déterminée. Ces renforts sont noyés dans une matrice de rigidité moindre qui répartit les contraintes et qui diminue la fragilité de l’ensemble. L’interface interlaminaire est une zone riche en matrice qui assure la cohésion et la transmission des efforts entre les plis. Finalement, un stratifié est défini par la séquence d’empilement des plis. Ces matériaux sont aujourd’hui très utilisés dans différents secteurs industriels, notamment grâce à leur bonne tenue mécanique par rapport aux matériaux homo- gènes comme l’acier, leur faible masse volumique et la possibilité d’adapter leurs propriétés mécaniques au chargement appliqué à la structure. Néanmoins, la des- cription fine des composites reste complexe du point de vue mécanique et pose des problèmes de prédiction. Les démarches imposant à la structure de ne subir aucune dégradation en service sont encore largement employées et elles conduisent, bien entendu, à un surdimensionnement des pièces.
Les modes de dégradation des stratifiés ont donc fait l’objet de nombreuses études expérimentales et sont aujourd’hui bien compris. On peut distinguer les dégrada- tions concernant les plis (dégradations intralaminaires) et celles concernant les inter- faces entre les plis (dégradations interlaminaires). Pour les dégradations intralami- naires on observe de la décohésion fibre-matrice, la rupture de fibres et la fissuration transverse (des fissures parallèles aux fibres traversent le pli dans toute l’épaisseur). Concernant les dégradations interlaminaires, des phénomènes de décohésion, appe- lés délaminages, se développent dû principalement aux contraintes d’arrachement hors plan. Une distinction est faite entre les délaminages interlaminaires liés à la micromécanique du pli (délaminage diffus) ; et les macrodélaminages induits par la propagation de microdélaminages ou par la présence d’un bord libre, par exemple. Parmi les modes de dégradation, le macrodélaminage interlaminaire (voir Fig. 1.3) est l’un des mécanismes de ruine le plus craints. Le délaminage conduit rapidement à une chute des propriétés mécaniques de la structure : les charges critiques à rup- ture et les charges critiques de flambage sont réduites, de même que la durée de vie en fatigue. En plus, les aires délaminées peuvent facilement dépasser l’épaisseur des plis d’un facteur 100, voir plus, ce qui peut induire, en cas de chargement de com- pression, le flambage local de plis et accélérer le délaminage. La capacité à prédire son apparition et sa propagation est donc indispensable pour vérifier la tenue de structures stratifiées.