CADRE CONCEPTUEL ET THEORIQUE SUR LES BIDONVILLES

CADRE CONCEPTUEL ET THEORIQUE SUR LES BIDONVILLES

Ces dernières décennies, le phénomène des bidonvilles a retenu l’attention de plusieurs chercheurs et spécialistes. En effet, sociologues, économiste, urbanistes, géographes, architectes ont contribué chacun dans son domaine à apporter des éclaircissements sur cette réalité sociale complexe qu’est le bidonville. Les causes de genèse et prolifération des bidonvilles, les relations avec la ville et la campagne, le rôle économique et social des bidonvilles au sein du système urbain, les conceptions de réhabilitation et de résorption des bidonvilles ont fait l’objet de plusieurs approches. Ainsi dans la présente section, nous allons essayer d’apporter une vision historique sur la genèse et l’évolution du concept des bidonvilles ainsi que les différentes façons dont certains chercheurs ont essayé de le définir et de cerner ses divers aspects.

DEFINITIONS DES BIDONVILLES

Le mot bidonville qui veut dire ville ‘bidon’ a été employé pour la première fois à Casablanca à partir de la fin des années 20, pour désigner les quartiers de baraques construites par des ruraux dans la périphérie de la ville à l’aide de matériaux de récupération, notamment de vieux bidons découpés. L’utilisation du terme s’est ensuite généralisée et désigne tous les ensembles d’habitations construites en matériaux de récupération et rejoint le terme anglais de « slum » qui désignait, au XIXème siècle, les quartiers sales habités par des gens pauvres et criminels. Peu à peu, il a connu une évolution et a désigné tous les habitats précaires et spontanés, une zone urbaine très densément peuplée, caractérisée par un habitat inférieur aux normes et misérable. Par la suite, cette définition a été reprise en insistant sur les conditions de logement sordide, de surpeuplement, de pauvreté et de vice. L’encyclopédie Larousse, a ainsi défini le bidonville comme « une forme d’habitat précaire, dépourvu des équipements élémentaires et dont la construction est réalisée initialement avec des matériaux de récupération » Le mot « bidonville » a progressivement pris une signification plus large comme en témoigne la définition donnée par François CHOY et Pierre MERLIN dans le dictionnaire de l’urbanisme et de l’Aménagement, PUF, 3ème éd. 2010: « Le bidonville résulte d’une occupation de fait, illégale, du sol dans le secteur des périmètres urbains ou suburbains considérés comme inutilisables ou dangereux : fortes pentes, zones inondables et de décharges, anciennes carrières, et d’une façon générale, zones laissées vacantes par leurs propriétaires ou par la municipalité. Elles sont alors occupées sans qu’aucune viabilisation ne 15 soit assurée, par des populations sans emploi et sans ressource ou revenu extérieur ; souvent en provenance de régions rurales, et attirées par l’espoir d’un travail en ville. » Au fil des temps, le mot « Bidonville » reçoit une multitude d’appellations différentes dans de nombreuses langues, dialectes et argots, partout dans le monde, On trouve ainsi les favelas au Brésil, le kijiji au Kenya, le barrio au Venezuela, les campamentos au Chili, les townships d’Afrique du Sud, le precario au Costa Rica, les bastis de Calcutta, les cheries de Madras, les jhuggis-jhompris de Delhi, callampas au Mexique, Villa miserias en Argentine, invasione en Equateur, chabolas en Espagne6… Ces dénominations recouvrent à la fois des sens très divers. C’est tantôt l’aspect, tantôt la misère de l’Habitat, comme dans « villas misérias », tantôt la vitesse de croissance dans « callampas », tantôt l’installation de force dans « invasione » ou la référence à la délinquance dans « chabolas » 7 Les termes « taudis », « habitats informels », « établissements informels », « squatters » ou bien foyers à « faibles revenus » sont aussi employés de manière interchangeable dans les documents officiels par les différents organismes internationaux (FMI, Banque mondiale, AFD, UN Habitat, PNUD) et par les travaux d’experts. Cependant, cette diversité des dénominations utilisées pour désigner les bidonvilles témoigne également de la difficulté de les réunir tous en une unique définition. En raison de leur complexité, de l’influence de leurs contextes d’implantation et de la rapidité avec laquelle ils évoluent, les organismes internationaux ainsi que les chercheurs insistent sur la difficulté de livrer une définition précise du phénomène. Pour autant, ces espaces ont au moins deux points communs qui suffisent à les définir : d’une part, ce sont des « quartiers » de ville, des morceaux d’un espace urbain dans lequel ils s’insèrent et, d’autre part, ils sont en bas de la hiérarchie urbaine : moins équipés, moins riches, moins attractifs… que les autres. Mais la définition officielle et opérationnelle du bidonville a été adopté en 2002 sous l’impulsion d’ONU-Habitat (l’agence onusienne en charge des établissements humains) : « Un bidonville correspond à un groupe d’individus vivant sous un même toit dans une aire urbaine et manquant d’au moins l’une des cinq caractéristiques suivantes : 1. un logement durable (une structure permanente qui assure une protection contre les conditions climatiques extrêmes) ; 2. Une surface de vie suffisante (pas plus de trois personnes par pièce) ; 3. Un accès à l’eau potable (de l’eau qui puisse être accessible en quantité suffisante, qui soit 6 WWW.wikipedia.com: Définition des bidonvilles 7 Le bidonville : histoire d’un concept par BELAADI Brahim, docteur en sociologie, centre universitaire de Guelma 16 abordable et sans effort excessif) ; 4. Un accès aux services sanitaires (toilettes privées ou publiques mais partagées par un nombre raisonnable de personnes) ; 5. une sécurité et une stabilité d’occupation (protection contre les expulsions)8 ». Aujourd’hui, cette définition est une référence internationale et a servi de base à la création d’outils d’évaluation de l’avancement des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), et plus particulièrement de la cible 11 qui vise l’amélioration de la vie de 100 millions d’habitants des bidonvilles, et de l’Objectifs de Développement Durable : Objectif n°11 : Faire en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et soutenables. En 2014, L’AFD propose une typologie qui approfondit celle mise au point par ONU-Habitat et caractérise les quartiers en croisant différents critères (statuts fonciers, types de bâti, rapport au centre, profils socio-économiques des habitants, etc.)9 . Elle distingue: •Les bidonvilles (se référant à la définition d’UN-HABITAT) •Les quartiers informels en voie de consolidation •Les quartiers aménagés en dur sans l’intervention de la puissance publique •Les quartiers anciens ou dégradés de la ville Il est à noter que Madagascar n’a pas sa propre définition des bidonvilles, la définition utilisée dans les documents officiels Malgache fait référence à celle d’ONU-HABITAT. De ce fait, il est nécessaire de préciser que la définition et le concept du « bidonville », utilisée dans ce travail de recherche, se réfère à la définition d’ONU-HABITAT, du fait que c’est la définition officielle utilisée à Madagascar mais aussi c’est le plus approprié aux contextes Malgaches. Cependant, cette définition est réduite aux caractéristiques physiques et légales des bidonvilles, mais ne prend pas en compte les dimensions sociales, plus difficiles à définir, même si ce sont elles qui correspondent, dans la majorité des cas, à la marginalité sociale et économique. Ainsi deux composantes ont été ajoutées à cette définition : le surpeuplement (promiscuité) et l’insalubrité. Ces deux composantes caractérisent non seulement la particularité des bidonvilles malgache mais constituent aussi des éléments essentiels pour traiter la dimension sociale dans le concept des bidonvilles. 8 La définition opérationnelle de l’ONU-Habitat pour un « ménage de bidonville », fut décidée lors d’une Réunion d’un Groupe d’Experts organisée en 2002 par ONU-Habitat, la Division Statistique des Nations Unies, et l’Alliance des Villes. Par extension, le terme habitant des bidonvilles est utilisé pour définir une personne vivant dans un tel ménage. 9 AFD et l’intervention en quartier précaire (2014) ; retours d’expériences et recommandations stratégiques 

CONCEPTS DE LA DÉFINITION DE « MÉNAGE DE BIDONVILLE »

La définition du bidonville, par ONU-Habitat se concentre sur les caractères physiques (mauvaise qualité des logements, absence d’accès à l’eau et à l’assainissement,) et juridiques (illégalité de l’occupation du sol et de la construction). Elle regroupe les caractéristiques les plus critiques des quartiers en décrochage et cumulent généralement les trois formes d’exclusion sociale, urbaine et foncière : logement précaire, manque voire absence d’infrastructures et de services, grande pauvreté des habitants, foncier non sécurisé, vulnérabilité de la localisation (zones à risques, interstices urbains impropres à l’habitat). Cette définition met aussi l’accent sur la disparité des bidonvilles et confirme que tous les habitants des bidonvilles n’ont pas le même degré de privation. Le degré de privation est fonction du nombre de ces cinq conditions qui définissent les bidonvilles10 : Durabilité des logements: une maison est considérée comme « durable » si elle est construite sur un emplacement non dangereux et a une structure permanente et suffisamment adéquate pour protéger ses habitants contre les conditions climatiques extrêmes, telles que la pluie, la chaleur, le froid et l’humidité. Les matériaux de construction (toit, murs et / ou le sol) déterminent la durabilité du logement. Accès à une source d’eau potable améliorée: une source d’eau potable améliorée est une installation qui est à l’abri de la contamination par un agent extérieur, en particulier la contamination par les matières fécales. Les sources d’eau potable améliorées comprennent: l’eau courante à domicile, sur une parcelle ou dans la cour, les fontaines et robinets publics, les puits creusés protégés, une source protégée, la collecte des eaux pluviales et l’eau en bouteille, si une source secondaire disponible est également améliorée. Les sources d’eau potable améliorées excluent : les puits non protégés, les sources non protégées, l’eau fournie par des chariots avec de petits réservoirs, l’eau fournie par les camions citernes, et l’eau de surface directement collectée à partir de rivières, d’étangs, de ruisseaux, de lacs, de barrages ou de canaux d’irrigation. L’accès à des installations sanitaires améliorées: une installation sanitaire améliorée est celle qui sépare hygiéniquement les déchets humains de tout contact humain. Les installations améliorées incluent : les toilettes avec chasse d’eau ou toilettes à la turque, ou les latrines reliées à un égout, une fosse septique, ou à une fosse, les toilettes sèches améliorées ventilées, les latrines à fosse avec une dalle ou une plateforme qui couvre entièrement la fosse, et les toilettes sèches à compost. Les installations non améliorées incluent : les installations 10 ONU-HABITAT, Almanach des bidonvilles 2015/2016, édition UNON, section service d’édition, Nairobi 18 publiques ou partagées d’une catégorie de toilettes par ailleurs acceptable, les toilettes/latrines avec chasse d’eau ou toilettes à la turque qui se déversent directement dans un égout ou un fossé à ciel ouvert, les latrines sèches sans dalle, les latrines à seau, les toilettes ou latrines qui se déversent directement dans les cours d’eau ou à l’air libre et suspendues, et la pratique de la défécation en plein air dans la brousse, les champs ou les plans d’eau. Espace de vie suffisant: une maison est considérée comme ayant un espace de vie suffisant pour les membres du ménage, si pas plus de trois personnes partagent la même pièce habitable, pièce qui doit faire un minimum de quatre mètres carrés de superficie. Sécurité foncière: la sécurité foncière est le droit de tous les individus et de tous les groupes à la protection effective de l’Etat contre les expulsions arbitraires illégales. Les gens bénéficient de la sécurité foncière lorsqu’il existe des preuves des documentations qui peuvent être utilisées comme preuve de l’état de la sécurité foncière, ou quand il existe une protection de facto ou perçue, contre les expulsions forcées.

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