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ETATS ET ANALYSES CRITIQUES DES PRATIQUES ET OPERATIONS DE TRANSFORMATION EFFECTUEES PAR LES PRODUCTEURS
Il est important de comprendre les étapes impactant sur la qualité des produits issus du giroflier Ainsi, cette partie constitue l’analyse de lien entre les pratiques des producteurs et la qualité des produits.
Pratiques culturales du giroflier
Bien que connue des paysans, la culture du Giroflier reste encore traditionnelle. Pour le giroflier, les exploitants emploient, en priorité, la main d’œuvre familiale, mais occasionnellement le recours à une main d’œuvre salariée est possible. C’est le cas surtout pour la récolte de clous de girofle à Madagascar. Le giroflier peut être cultivé en monoculture, mais la majorité des systèmes de cultures sont en agroforesterie4 (Bisson et Brunel ; 1968). Le giroflier est alors associé à certaines plantes telles que : le riz pluviale, le manioc, le manguier, le letchi, le caféier, les ananas, etc.
Multiplication et plantation
Le giroflier est reproduit par le semis en pépinière. Il faut récolter les fruits à parfaite maturité de couleur brun violacé foncé. Puis, étant donné la faible durée de la faculté germinative des graines, il est nécessaire de les mettre en terre sans tarder dès leur récolte. Les semences sont mises en terre et protégées du soleil. L’écartement est de l’ordre de 0,30 m. Arrosées convenablement, les semences germent dans le délai normal de cinq semaines. Le jeune plant apparaît d’abord sous la forme d’un petit raide et rouge. Et lorsqu’il atteint la taille de 5 cm environ deux petites feuilles rouges se forment à son extrémité. Le giroflier supporte mal les repiquages. Les plantes passent de 9 à 12 mois dans la pépinière avant d’être mis en place définitivement. (Cf. Annexe 3.). La croissance des girofliers est lente et il arrive à sa taille définitive à vingt ans (Cf. Annexe 3.).
Entretien et conduite des cultures
Les girofliers nécessitent des arrosages, fauchages et sarclages dont la fréquence devrait être effectuée en fonction du stade végétatif de la plante. Les matériels utilisés pour cultiver les girofliers sont: les bêches, les coupe-coupe, les paniers (ou les soubiques). Concernant la protection des cultures, la lutte contre les attaques dévastatrices de l’«andretra» (Chrysotypus mabillanum) se fait par le traitement des plantes par des insecticides et le ramassage manuel des chenilles et chrysalides.
La récolte des émondes5 peuvent être récoltées tout au long de l’année afin d’obtenir des essences. L’huile essentielle de feuilles de girofle représente une source d’argent immédiate pour les producteurs. Les producteurs l’utilisent surtout pour subvenir aux besoins financiers dans les circonstances particulières (maladies, cérémonies culturelles,…).
Le sarclage des jeunes s’échelonne en quatre fois tout au long d’une année (Cf. Annexe.3.) Le travail est ainsi réparti et peut être effectué par les actifs au sein des ménages (sans recours aux mains d’œuvre extérieures). Contrairement à la récolte, qui doit être effectuée le plus rapidement possible pour éviter les pertes et la dévalorisation du produit. En effet, le clou laissé tarder sur l’arbre risque de s’épanouir provoquant sa dépréciation une fois récolté (clou sans tête). Ainsi, la plupart des ménages ont recours à des mains d’œuvres extérieures pendant la récolte.
Récolte de clous et étapes post-récolte
Récolte et transport «parcelle-domicile»
La récolte des cimes est effectuée manuellement, à l’aide d’échelles légères de bambou afin d’éviter les pertes. Plusieurs passages de récolte sont nécessaires. Un ouvrier peut récolter 25 à 30 kg de clous frais par jour. Le giroflier commence à fructifier vers la 5ème ou la 6ème année, cependant la récolte de clous ne commencera à être appréciable que vers 8 à 10 ans. La pleine production est atteinte vers 20 ans. Le rendement est de 900 à 2 000 kg de clous frais par hectare, soit 100 à 200 kg de clous secs par hectare. On obtiendrait environ 200 tonnes de griffes pour 1 000 tonnes de clous.
Après la récolte, la totalité des griffes est ramenée, à dos d’homme dans des entana ou dans des paniers portés sur la tête des femmes. Le trajet de la parcelle vers le domicile s’effectue à pied.
Egriffage et séchage
Le jour même de la récolte, les boutons floraux frais (ou clou de girofle) sont séparés manuellement des griffes (pédoncules ou pédicelles). Cette opération constitue l’«égriffage». Les clous frais et les griffes fraîches sont ensuite séchés séparément.
Dans la région d’Ananlajirofo, les clous sont séchés au soleil étalés sur une natte, pendant deux à trois jours, si possible continus. Le séchage doit s’effectuer au soleil car le séchage à l’ombre donne aux clous une couleur terne et provoque une perte d’essence, aboutissant à une dépréciation du produit (Richard, 1978).
Pour 100 kg d’inflorescences fraîches, on a:
78 à 80 kg de clous frais donnant 23 à 24 kg de clous secs
20 à 22 kg de griffes fraîches donnant 7 à 7,5 kg de griffes sèches
Pour une inflorescence fraîche, on obtient donc :
79% de clous frais et 21% de griffes fraîches.
23% de clous secs et 7% de griffes fraîches
Rendement: Au cours du séchage, les clous perdent entre 69 à 72% de leur poids, et les griffes perdent entre 64 à 66% de leur poids. Les rendements en clous secs moyens à Madagascar est de 450 g par arbre (soit 100 à 200 kg à l’hectare). Le rendement est faible.
En culture améliorée, le rendement peut s’élever jusqu’à 2 kg de clous secs par arbre (soit 320 kg à l’hectare) donnant plus de 109 kg de griffes sèches à l’hectare (Marty, 1992).
Vannage/triage
Le produit séché est parfois vanné par les producteurs, les plus consciencieux. Cela permet d’obtenir un produit propre, dépourvu d’impuretés végétales (feuilles, reste de griffes…).
Cette opération est effectuée à l’aide d’un lotsero, panier de forme ronde servant aussi au vannage d’autres produits comme le riz. Le triage se réalise à la main, clous par clous.
Emballages, conditionnement et stockage
A Madagascar, les clous sont conditionnés dans des sacs plastiques si la quantité est importante ou dans des paniers en fibres végétales.
Conformément à la norme ISO 2254-2004 du juillet 2004, les clous de girofle doivent être emballés dans des récipients propres et sains, fabriqué en matière qui ne puisse avoir d’action sur le produit, et qui le protège contre une reprise d’humidité ou une perte en huiles essentielles. Les indications suivantes doivent être inscrites sur chaque récipient: nom du produit et nom commercial (marque); nom de l’adresse du producteur ou de l’emballeur ; numéro du code ou de lot ; masse nette ; catégorie du produit ; pays de production ; et tout autre renseignement demandé par l’acheteur (année de récolte, date de l’emballage,…).
Le stockage est réalisé dans l’unique but d’obtenir un meilleur prix à la vente, quelques semaines voire quelques mois après la récolte des clous. Le produit est stocké au domicile du producteur, à l’abri des voleurs.
Qualité et contrôle qualité des clous
Les clous de girofle secs sont bruns, durs, et en forme de «clou» comme son nom l’indique. La couleur du clou varie du brun-rouge au brun-noir. Le clou de girofle est très riche en huile essentielle par rapport aux autres organes du giroflier (feuilles, rameaux, griffes). L’arôme du clou de girofle est décrite par une saveur chaude, sucrée et piquante, un arôme pénétrant, chaud et riche et son goût fort, âcre et piquant.
Les différentes normes mondiales de qualité sont :
Le Codex alimentarius a édicté un « Code d’usage en matière d’hygiène pour les épices et les plantes aromatiques séchées » (CAC/RCP 42). Cette norme s’attarde sur la qualité hygiénique et sanitaire des épices mais n’aborde pas les critères qualité du clou de girofle.
L’ESA (European Spice Association soit Association Européenne des Epices) donne des spécifications minimales de qualité (19/11/2004). (Cf. Annexe 4.).
La norme ISO 2254 :2004 fixe les spécifications des clous de girofle entiers et en poudre et donne des recommandations quant aux conditions d’entreposage et de transport. (Cf. Annexe 5.)
A Madagascar, les règles concernant l’exportation des clous de girofle sont définies dans l’arrêté n° 212-GG datant du 7 janvier 1950. Le tableau ci-dessous montre les caractéristiques des différentes qualités de clous de girofle à Madagascar:
Tableau II: Caractéristiques des qualités de clous de girofle à Madagascar
[Source : (Demangel, 2011 ; Marty, 1992)]
Cependant, cette norme n’est pas appliquée par les exportateurs présents à Madagascar. En effet, ils s’y référent rarement même si la norme est toujours en vigueur. Les critères imposés (notamment le taux d’humidité) dans cette norme restent largement au-dessus du seuil des exigences du marché mondial (et donc en dessous du seuil pour la qualité).
Un clou de girofle de qualité supérieure, à l’état de matière première doit alors avoir les caractéristiques suivantes : présence de la tête du clou (forme de dôme); sec; de grande taille ; de couleur rouge brune.
Un lot de qualité supérieure est composé de clous de girofle de qualité supérieure (dont les caractéristiques sont précisées ci-dessus) et des caractéristiques suivantes :
Absence de matières étrangères
Absence d’impuretés végétales (griffes, feuilles, fruit…)
Absence de clous fermentés (appelés khoker)
La notoriété du clou de girofle se caractérise visuellement car la caractérisation organoleptique n’est pas pratiquée.
Pratique actuelle de la distillation de feuilles de girofle
Matières premières
Les matières premières sont composées d’eau, de combustible et les feuilles de giroflier :
Eau
L’eau est nécessaire dans la cucurbite et le réfrigérant. La qualité de l’eau n’a aucune importance, à condition qu’elle soit suffisamment limpide. Par contre une grande quantité d’eau est nécessaire à la réfrigération. C’est la présence d’un ruisseau ou d’une source abondante qui conditionne d’ailleurs l’emplacement de l’alambic dans la zone à girofliers.
Bois de chauffe
Le chauffage de l’alambic est assuré par la combustion du bois. Les bois de chauffes sont transportés le plus souvent à dos d’homme d’une distance variant de 1 à 2 km de l’alambic. Environ 2m3 de bois avec des gros diamètres (10 à 20 cm) sont nécessaires afin de maintenir le feu pendant 24h pour recueillir à la fin 5 à 6 litres d’essence (Andriamanantena, 2013).
Les espèces utilisées sont: le jacquier, litchi, le manguier, l’albizia, l’eucalyptus, le bambou, etc. (Rakotoarison, 2013).
Feuilles de giroflier
La collecte des feuilles s’effectue à l’aide d’une sorte de coupe-coupe appelée localement « boriziny ». Les opérations avant la distillat ion s’effectuent selon la figure suivante :
Figure 4 : Opérations avant la distillation des feuilles de girofliers
Source : auteur
Les matières premières distillées sont en réalité, des rameaux avec des branchettes formant les « émondes ». Les parties sectionnées sont les branchages de la cime des girofliers. Les rameaux sont assemblés en fagots de 15 à 20 kg à l’aide d’une ficelle. Les fagots sont amenés à proximité de l’alambic, disposés sur une aire découverte, et attendent leur tour d’être distillés.
Rendement : Un arbre donne environ 80 kg de jeunes feuilles. Pratiquement à Madagascar, la fréquence de coupe peut atteindre jusqu’à 3 fois par an selon le besoin financier des producteurs (Rakotoarison, 2013).Il faut environ 60 kg d’émondes (feuilles plus rameaux) pour obtenir 1 kg d’huile essentielle.
Alambic traditionnel
Les huiles Essentielles produites à Madagascar sont obtenues par distillation6 à la vapeur d’eau (ou hydrodistillation) dans un alambic. Les alambics sont perfectionnés en fonction des moyens de leurs propriétaires, mais en général les alambics utilisés sont simples. Le modèle le plus courant est du type « Deroy », à feu nu, à cucurbite reliée par un col de cygne au refroidisseur cylindrique. La base de la cucurbite est placée dans un fourneau de pierres liées à la glaise. Le refroidisseur est suffisamment surélevé pour permettre le retour par gravitation des eaux florales à la cucurbite. La capacité de la cucurbite varie de 900 litres jusqu’à 1500 litres, la dimension la plus rependue étant voisine de 1000 litres.
Hydrodistillation
L’hydrodistillation est effectuée de façon artisanale au niveau des zones productrices. Après la coupe, le transport et le stockage des rameaux ; les jeunes feuilles sont placées dans le panier amovible de la cucurbite d’un alambic avec de l’eau et on chauffe. Au bout de 24h en général, on arrête la distillation. (Rafalimanana, 1995)
Rendement : En moyenne 100 kg de feuilles fraîches donnent 2,8 l d’essence de girofles à environ 80% d’eugénol au bout de 24 heures de distillation. Un hectare de girofliers fournit 1 800 à 3 000 kg de branchettes feuillées donnant entre 36 à 60 litres d’essence. Un ménage produit en moyenne 10 à 20 l d’essence de girofle tous les 3 à 4 ans. (Rakotoarison, 2013)
Emballages et conditionnement
L’essence de girofle est exportée dans les fûts métalliques en fer, d’une contenance de 220 kg (ou de 330 m2) chacun. L’emballage pour l’essence de feuilles de girofle est produit localement. Pour l’essence de clous et de griffes, par contre, les fûts sont importés ; car ils doivent être vernissés ou vitrifiés à l’intérieur afin d’éviter tout contact du produit avec le fer, ceci dans le but de garder la couleur limpide de l’essence. En effet, le contact de l’essence avec le fer rend la couleur du produit noirâtre, due à une précipitation d’eugénate de fer. (Flavie, 1986).
Qualité et contrôle qualité des huiles essentielles
La qualité de l’essence de girofle de Madagascar est très appréciée. Le contrôle de la qualité de l’essence de girofle à l’exportation est strict. Il est effectué au laboratoire de Service de conditionnement et du contrôle de la qualité des produits, après prélèvement d’un échantillon de chaque fût. Chaque échantillon doit être limpide, exempt d’eau décantée et de corps étrangers. Le pourcentage d’eugénol est ensuite testé. Un certificat attestant la qualité de l’essence est délivrée après le contrôle, et est valide pendant 3 mois.
Table des matières
INTRODUCTION
Partie I : CADRE CONCEPTUEL DE L’ETUDE ET LES ETATS DES CONNAISSANCES SUR LE GIROFLIER
I.1. Cadre conceptuel de l’étude
I.1.1 Contexte
I.1.2 Énoncé de la problématique
I.1.3 Objectifs de l’étude
I.1.4 Hypothèses
I.2. États des connaissances sur le giroflier
I.2.1 L’introduction du giroflier à Madagascar
I.2.2 Description botanique
I.2.3 Ecologie
I.2.4 Ennemis de la plante
I.2.5 Distribution géographique
I.2.6 Le girofle : un arbre, deux produits
I.2.7 Production de girofle à Madagascar
I.2.8 Exportation de girofle à Madagascar
Conclusion partielle I
Partie II. ETATS ET ANALYSES CRITIQUES DES PRATIQUES ET OPERATIONS DE TRANSFORMATION EFFECTUEES PAR LES PRODUCTEURS
II.1. Pratiques culturales du giroflier
II.1.1. Multiplication et plantation
II.1.2. Entretien et conduite des cultures
II.1.3. Récolte de clous et étapes post-récolte
II.2. Pratique actuelle de la distillation de feuilles de girofle
II.2.1. Matières premières
II.2.2. Alambic traditionnel
II.2.3. Hydrodistillation
II.2.4. Emballages et conditionnement
II.2.5. Qualité et contrôle qualité des huiles essentielles
II.3. Lien entre les pratiques des producteurs et la qualité des produits
II.3.1. Qualité des clous
II.3.2. Qualité des essences
Conclusion partielle 2
Partie III. RECOMMANDATIONS GENERALES
III.1. Menaces de la filière girofle
III.2. Améliorer la qualité en maitrisant les pratiques post-récolte des clous et les opérations de distillation des feuilles
III.2.1. Clous de girofle
III.2.2. Essence de feuille de girofle
III.3. Réputation des « clous de Madagascar »
CONCLUSION GENERALE
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
REFERENCES WEBOGRAPHIQUES
ANNEXES
PARTIE EXPERIMENTALE : Hydrodistillation de l’huile essentielle de girofle
TABLE DES MATIERES