Bornes minimales en traitement statistique du signal
Le but de ce chapitre est d’illustrer l’utilité des bornes minimales d’estimation et de les exploiter dans le cadre du traitement du signal. Dans le contexte déterministe, les bornes mini- males présentées au chapitre précédent sont utilisées pour prédire la zone de décrochement des estimateurs, en particulier la borne de Chapman-Robbins et la borne de Barankin. En effet, ces bornes explorent le support du paramètre dans sa globalité et sont donc à même de représenter le phénomène de décrochement dû aux outliers. La borne de Cramér-Rao restant dans un voisinage très localisé du paramètre ne peut pas prendre en compte ce phénomène car les outliers de part leur nature peuvent apparaître n’importe où. La borne de Bhattacharyya peut également, en théorie, prendre en compte ce phénomène. Néanmoins ceci nécessiterait de la calculer à un ordre très élevé. La borne de Chapman-Robbins et la borne de Barankin ont été appliquées avec suc- cès à plusieurs problèmes d’estimation [MS69] [Bag69] [MH71] [RM95] [Kno97] [TK97] [Mar97] [RM99] [TK99] [FT03] [CGFL05] [CFL04] [ABL04b] [ABL04a] [QCL06]. L’utilisation de la borne d’Abel en traitement du signal est restée très marginale. Les bornes bayésiennes, du fait de la prise en compte du support du paramètre au travers de sa densité a priori p (θ), donnent les performances ultimes d’un estimateur sur les trois zones de l’EQM globale. Ces bornes permettent non seulement de connaître les performances des estimateurs bayésiens tels que l’estimateur au sens du Maximum A Posteriori ou l’estimateur de la moyenne conditionnelle, mais elles sont également utilisées pour connaître les performances globales d’estimateurs déterministes puisque.
On peut citer l’exemple des travaux de Wen Xu [Xu01] [XBB04] [XBR04], où les performancesde l’estimateur du maximum de vraisemblance sont analysées dans le contexte de l’acoustique sous-marine à l’aide des bornes de Ziv-Zakaï et Weiss-Weinstein. Dans ce chapitre, nous sui- vrons cette philosophie dans le contexte de l’analyse spectrale et de l’estimation d’une porteuse en communication numérique avec symboles pilotes. Les bornes de la famille Ziv-Zakaï ont été appliquées dans plusieurs autres domaines du traitement du signal : principalement pour l’esti- mation d’un retard [WW83] et pour l’estimation de directions d’arrivées [BET96] [BET95]. A notre connaissance, les bornes de la famille Weiss-Weinstein ont en revanche été très peu utilisées mis à part les travaux de Wen Xu susmentionnés. De plus, les bornes les plus pertinentes (Barankin, Abel, Ziv-Zakaï et Weiss-Weinstein) s’ap- puient sur un jeu de points tests pour lequel elles sont optimisées. Plus le nombre de points tests est grand, plus les bornes déterministes se rapprochent de la vraie borne de Barankin et plus les bornes bayésiennes se rapprochent de l’EQM de l’estimateur de la moyenne condition- nelle. Ceci conduit généralement à une lourde charge de calcul. C’est pour cette raison que la communauté utilise généralement ces bornes avec un seul point test (par exemple la borne de Chapman-Robbins) afin de limiter cette charge de calcul. Nous pensons que c’est également pour cette raison que la borne d’Abel n’a pas été utilisée en traitement du signal alors qu’elle est plus pertinente que la borne de Bhattacharyya ou la borne de Barankin. En effet, la forme générale de la borne d’Abel est donnée dans le papier original pour un nombre quelconque de points test et un nombre quelconque de dérivées successives de la fonction score ce qui a pu faire peur aux chercheurs désirant l’utiliser.
Dans ce chapitre, nous montrons que pour un seul point test et une seule dérivée de la fonc- tion score, la borne d’Abel (déterministe et bayésienne) se met sous une forme particulièrement intéressante. Puis, nous proposons différentes formes analytiques de bornes minimales pour un modèle d’observations gaussiennes à moyenne paramétrée. Ensuite, dans le contexte de l’esti- mation d’une fréquence porteuse en communications numériques utilisant des symboles pilotes (une extension de l’analyse spectrale) nous appliquons les différentes bornes pour les comparer aux performances de l’estimateur du maximum de vraisemblance. Enfin, nous étudions le com- portement du point test optimal, c’est-à-dire celui qui maximise les bornes, pour en déduire un prédicteur de la zone de décrochement des estimateurs et des bornes dont la charge de calcul reste proche de celle de Cramér-Rao.Dans cette section, nous étudions la borne d’Abel (4.6) dans le cas où M = R = 1, c’est- à-dire pour un point test et une seule dérivée de la fonction score. La borne ainsi obtenue dépend directement de la borne de Cramér-Rao et de la borne de Chapman-Robbins. La version bayésienne de cette borne est également proposée. Ce sont ces bornes qui seront utilisées dans la suite.