Méthodologies d’évaluation de l’efficience
Une bonne évaluation de la sécurité routière doit permettre de choisir les meilleures mesures en la matière. Cela peut se faire à l’aide de deux outils d’évaluation de l’efficience couramment utilisés et qui facilitent la prise de décision et permettent de choisir la politique qui engendrera le meilleur retour financier sur investissement : l’analyse coût-bénéfice (ACB) et l’analyse de rentabilité. Les analyses de rentabilité évaluent séquentiellement l’efficacité en termes de sécurité des mesures mises en œuvre alors que les analyses coût-bénéfice comprennent aussi une évaluation de la rentabilité économique de ces mesures. Une évaluation de la sécurité routière permet de classer les problèmes par ordre de priorité et d’améliorer les mécanismes de financement des mesures de sécurité routière tout en garantissant une meilleure allocation des fonds publics. En outre, elle permet de définir, dans le cadre d’un programme national ou local de sécurité routière, des objectifs quantifiés. De plus les analyses coût-bénéfice et les analyses de rentabilité permettent d’évaluer les résultats du suivi et du contrôle systématique des activités de sécurité routière, étape importante dans la mise en œuvre d’un système d’évaluation systématique. Dans le cadre du suivi des plans et des programmes de sécurité, toutes les activités et actions devraient en effet être enregistrées de façon systématique afin de fournir aux décideurs les informations dont ils ont besoin et de permettre l’ajustement des plans, la réorganisation et la maîtrise des activités de sécurité routière.
Ratio de rentabilité et rapport coût-bénéfice
Les analyses de rentabilité et coût-bénéfice sont des outils standard dont on se sert pour évaluer les investissements de sécurité routière. Le ratio de rentabilité d’une mesure de sécurité routière correspond au nombre d’accidents évités grâce à ladite mesure par unité de coût de mise en œuvre (ROSEBUD, 2005) :
Rentabilité = nombre d’accidents évités grâce à une mesure donnée
coût unitaire de mise en œuvre de la mesure
Le rapport coût-bénéfice d’une mesure de sécurité routière correspond à la valeur actuelle de tous les avantages conférés par ladite mesure divisée par la valeur de son coût de mise en œuvre (ROSEBUD, 2005) :
Rapport coût-bénéfice = Valeur actuelle de tous les avantages
Valeur actuelle des coûts de mise en œuvre
Par conséquent, dans une analyse coût-bénéfice, les effets d’une mesure sont comparés en termes monétaires. Notons, par ailleurs, qu’une analyse coût-bénéfice requiert un calcul des diverses composantes de la rentabilité et le calcul d’éléments supplémentaires. Les aspects monétaires comprennent les coûts associés aux accidents et d’autres facteurs qui dépendent du type et de la portée des autres effets pris en compte, tels que les coûts associés aux temps de trajet, les coûts d’exploitation d’un véhicule, les coûts liés à la pollution de l’air, aux nuisances sonores etc. Le calcul de ces différents éléments est présenté en détail dans les paragraphes suivants. Pour pouvoir comparer les coûts et les avantages, il est nécessaire de convertir leurs valeurs dans à un référentiel temporel donné. Pour ce faire, il faut définir un cadre économique, c.-à-d. la durée de l’effet (durée de vie de l’investissement) et les taux d’intérêt (ceux généralement utilisés pour évaluer les performances économiques du pays).
Dans une situation de base, lorsque les avantages traduisent uniquement le nombre d’accidents évités (sans influence sur la mobilité ou sur l’environnement), le numérateur du rapport coût-bénéfice est estimé comme suit :
Valeur actuelle des avantages = (nombre d’accidents évités) (coût moyen d’un accident) (coefficient d’actualisation cumulé)
Dans cette formule, le coefficient d’actualisation cumulé dépend du taux d’intérêt et de la durée de vie de la mesure.
Calcul de l’impact sur la sécurité
Les accidents visés par une mesure de sécurité routière sont appelés «accidents cibles». En fonction du type et de la portée d’un investissement de sécurité routière, on peut aussi définir « un groupe cible de victimes », une « population de conducteurs cible » etc. Notons qu’il n’existe aucune règle stricte à ce sujet. Pour les investissements globaux ou portant sur l’ensemble d’une zone, tels que la gestion des points dangereux, l’apaisement de la circulation ou la limitation de la vitesse, le groupe des accidents cibles inclut généralement tous les accidents corporels. Toutefois, pour les aménagements piétonniers, par exemple, le groupe des accidents cibles inclut les accidents corporels dont sont victimes les piétons. Pour l’étude d’un groupe spécifique (plutôt que général) d’accidents, il ne faut pas oublier d’ajuster en conséquence les coûts relatifs aux accidents. Pour pouvoir estimer le nombre d’accidents que l’on espère éviter grâce à la mise en œuvre d’un investissement de sécurité (par unité), il faut calculer deux éléments : le nombre d’accidents cibles que l’on prévoit annuellement pour une unité normale de mise en œuvre dudit investissement, et l’impact, en termes de sécurité, de cet investissement sur les accidents cibles.
Nombre d’accidents que l’on prévoit d’éviter = (Nombre d’accidents prévus par an) (impact sur la sécurité de la mesure)
Le principal format d’impact sur la sécurité est le pourcentage de réduction du nombre d’accidents suite à la mise en œuvre de la mesure. Les principales sources d’information pour le constat de cet impact sur la sécurité sont des études de type avant/après (Hauer, 1997). Cependant, du fait de la nature fort diversifiée des investissements de sécurité routière et des limites des études empiriques, on fait aussi appel à d’autres méthodes pour quantifier l’impact sur la sécurité. Celles-ci fournissent des valeurs essentiellement théoriques de ces impacts basées sur leur corrélation aux facteurs de risque.
Pour être plus précis, il existe un certain nombre de facteurs cachés qui ont une influence sur le nombre d’accidents de la route et de morts et, par conséquents qui doivent être pris en compte dans les estimations de l’impact réel sur la sécurité d’une mesure. Ces facteurs sont (Hauer, 1997) :
– Biais de sélection : les accidents de la route ont un comportement aléatoire, pour lequel il est possible de faire des hypothèses en termes de répartition de la fréquence (par ex. Poisson). Donc, à certains moments, la valeur mesurée en un point donné du réseau peut être supérieure (ou inférieure) à la valeur moyenne escomptée pour ce point. Si, du fait de ces mesures, on décide d’intervenir sur ce point, le choix sera biaisé (biais de sélection) tant et si bien que les mesures faites après la mise en œuvre de la mesure montreront une réduction du nombre de collisions (phénomène aussi appelé « régression vers la moyenne »), indépendamment du traitement mis en œuvre.
– Environnement non contrôlé : les accidents de la route ont lieu dans un environnement qui, contrairement à celui du laboratoire, n’est pas contrôlé. Donc pour certains types d’accidents, on peut observer une évolution à moyen-long terme du fait de nouveaux équipements de sécurité des véhicules ou d’un changement des habitudes des automobilistes. Par conséquent, lorsque l’on observe une évolution globale à la baisse du nombre d’accidents au cours des douze mois précédents, la même réduction, suite à la mise en œuvre d’une mesure de sécurité, aurait certainement été constatée de toute façon.
– Autres facteurs externes : ils peuvent eux aussi avoir une incidence sur le nombre d’accidents enregistrés après la mise en œuvre d’une mesure; par exemple, une réduction ou une augmentation du flux de circulation peut modifier le nombre d’accidents indépendamment des mesures adoptées.
Pour quantifier correctement les effets d’une mesure, une simple étude du type avant/après n’est donc pas suffisante, car il faut comparer la situation post-mesure (après) avec la situation qui aurait prévalu sans cette mesure. Cette dernière situation étant une valeur corrigée de la situation observée antérieurement (avant).
Déterminer ce qui se serait passé sur un site sans la mesure en question est une des phases critiques du processus qui s’effectue en deux temps : premièrement, il faut déterminer la valeur correcte de «l’avant-mesure», et donc tenir compte du biais de sélection et ensuite, il faut déterminer la valeur correcte de «l’après» sans application de la mesure en question en tenant compte des aspects non contrôlés de l’environnement.
La méthode empirique de Bayes est un instrument efficace pour la première étape. Une correction de l’impact sur la sécurité avant la mise en œuvre de la mesure est effectuée grâce à des statistiques provenant d’un groupe de référence, et ce, pour chaque site concerné par la mesure de sécurité routière en question. On pourra trouver une description détaillée de ces techniques dans ROSEBUD (2004).