Contexte global et économique
La forêt canadienne est l’une des principales ressources du pays avec environ 400 millions d’hectares de forêt dont environ 170 000 000 certifiés (2017). Cela représente 9 % des forêts mondiales et en fait la forêt la plus certifiée au monde. Sur cette superficie, 767000 hectares ont été récoltés en 20161, pour une production de bois globale d’environ 156 000 mètres cubes [2] sur l’année. Cette ressource est capitale tant au niveau économique, sociétal qu’environnemental. Compte tenu de la pression croissante en besoins énergétiques ainsi que de l’accroissement de la prise de conscience des considérations environnementales [3], la valorisation et l’exploitation durable de la forêt canadienne sont devenues incontournables afin d’approvisionner le pays à la fois en énergie renouvelable qui soit respectueuse de l’environnement, en matières premières et en produits à haute valeur ajoutée.
Un tel développement du potentiel de la forêt permettra une réduction de l’impact environnemental ainsi qu’un maintien de l’industrie tout en offrant de nouvelles opportunités d’affaires, préservant ainsi un fort taux d’emploi et d’entrepreneuriat. En effet, le secteur forestier est une industrie-clef pour le Canada, avec une contribution de 24,610 milliards de dollars au produit intérieur brut (PIB) pour environ 320 000 emplois en 2017 [4]. Ce secteur se distingue par une implantation locale ainsi qu’une importante utilisation de main d’oeuvre dans des applications traditionnelles telles que les pâtes et papiers et la fabrication de produits du bois. Bien que les statistiques de l’industrie forestière varient selon les provinces, deux constantes peuvent être observées. Premièrement, cette industrie a été profondément touchée par la récente crise économique (2008-2009) dont elle ne s’est pas encore complètement remise. Deuxièmement, il existe de nombreuses opportunités pour la bio-économie [5] qui englobe toutes les activités économiques dérivées des activités scientifiques et de recherche concentrées sur les biotechnologies et la biomasse. Ces possibilités sont notamment les panneaux de grandes particules orientées (OSB, pour l’anglais Oriented Strand Board), le bois en placage stratifié (L VL : Laminated Veneer Lumber), le bois de construction, les granulés de bois, etc.
Dans le monde entier, des pays et leurs leaders industriels et politiques ont perçu l’importance de telles opportunités. L’Europe étant actuellement en avance en termes d’investissements dans l’énergie tirée de la biomasse (Figure 1), il est crucial que le Canada poursuive ses efforts afin de devenir leader dans l’économie et les technologies basées sur l’utilisation de la biomasse. Parmi les pistes de développement, la bioraffinerie est particulièrement intéressante grâce à sa capacité à intégrer de nombreux acteurs et par la diversité des débouchés offerts. Une bioraffinerie est une installation industrielle qui intègre des procédés et des équipements de conversion de la biomasse pour foumir des carburants, de l’énergie, de la chaleur et des produits chimiques à valeur ajoutée [6]. Bien que le concept soit relativement ancien (usine de Domsjô en Suède en 1943), il est loin d’avoir été exploité de façon systématique dû à la concurrence des matériaux fossiles. L’environnement géopolitique actuel permet néanmoins un intérêt renouvelé pour la bioraffinerie et les différentes solutions qu’elle peut offrir, et ce, malgré les prix actuellement bas du baril de pétrole (1 er trimestre 2016 plus bas à 27 $US, fin 2018, maximum à 75 $US début 2019, plus bas à 42 $US/baril pour le Brent).
La Pyrolyse
La pyrolyse est un phénomène thermochimique correspondant à la décomposition thermique de matières organiques s’opérant en absence d’oxygène. La décomposition produit du gaz, des aérosols, des vapeurs condensables ainsi que du charbon. Les vapeurs et aérosols forment, une fois condensés, les liquides pyrolytiques aussi appelés bio-huiles. La pyrolyse a été utilisée sous une forme rudimentaire depuis des milliers d’années, essentiellement pour produire du charbon de bois alors que les liquides pyrolytiques ont été utilisés en Égypte antique pour la momification. Cependant, le procédé a été amélioré ces quarante dernières années, ce qui a permis d’atteindre des transferts thermiques plus élevés et donc, une meilleure efficacité de conversion: jusqu’à 1273 K.s-1 pour la pyrolyse dite rapide, et jusqu’à 1,5 K.s-1 pour la pyrolyse dite lente. L’importante différence entre les transferts thermiques spécifiques de chaque « type» de pyrolyse génère des changements significatifs dans le ratio et la qualité des produits obtenus. Ainsi, alors que la pyrolyse lente produit majoritairement du charbon, la pyrolyse rapide génère essentiellement de la bio-huile. Par conséquent, nous ciblerons davantage la pyrolyse dite rapide, bien que cette dernière possède néanmoins les contraintes technologiques les plus importantes, en particulier en ce qui concerne la conception des réacteurs utilisés [10]. Après une présentation du principe de pyrolyse rapide, les produits de la pyrolyse sont présentés.
Présentation de la pyrolyse rapide
La pyrolyse rapide s’opère théoriquement en absence d’oxygène mais pratiquement avec moins de 2 % d’oxygène à une température d’environ 500 oC. Le procédé permet une décomposition rapide de la biomasse, générant un mélange de vapeurs, d’aérosols, de char (charbon) et de gaz (Figure 4). La condensation des vapeurs et des aérosols par refroidissement produit un liquide brun foncé relativement homogène appelé, par simplification, « bio-huile». La biohuile peut ensuite être utilisée directement, essentiellement pour la production d’énergie, ou, une fois transformée, pour des applications spécifiques telles que biocarburants ou produits chimiques [12]. La pyrolyse implique un transfert de chaleur, des phénomènes de transition de phases ainsi que de nombreuses réactions chimiques entre les différents constituants. À noter que notre thèse ne traite pas de la pyrolyse catalytique, non retenue pour le projet en raison de son coût trop important, principalement. La pyrolyse catalytique mériterait une étude spécifique mais elle n’est pas dans l’objectif de nos travaux. Même si la majorité des études en pyrolyse catalytique ont lieu à l’échelle laboratoire, la technologie TCR du Fraunhofer Institute en Allemagne se trouve à l’étape pré-commerciale. Le choix de la pyrolyse rapide vise à favoriser le rendement en huile. Les principaux paramètres pour optimiser le rendement en huile sont :
En règle générale, pour obtenir un rendement de 75 % en bio-huile, un temps de séjour d’à peu près 1 seconde est nécessaire, et ce, à une température d’environ 500 oC, pour une biomasse possédant un taux d’humidité d’environ 10 % et réduite à une taille de particules de l’ordre du millimètre (1 à 10 mm) [11]. De tels paramètres peuvent être ajustés selon les types de réacteurs et les technologies employés. Les rendements obtenus selon le processus employé sont présentés à la Figure 5. La figure montre que la pyrolyse rapide fournit un rendement en biohuile d’au moins 60 % alors qu’à l’opposé du spectre, la torréfaction ne produit que du char et du gaz. À l’échelle industrielle, des temps de séjour aussi courts sont délicats à obtenir en raison de difficultés de mise à l’échelle, de traitement de débits en biomasse importants et de coûts. Ainsi, il est fréquent que les conditions opératoires correspondent à une pyrolyse dite « intermédiaire» avec des temps de séjours supérieurs, mais en ciblant toujours un fort rendement en bio-huile.
Ajustement de la teneur en eau de la biomasse (séchage) La pyrolyse produit intrinsèquement de l’eau, et ce, même avec une biomasse entièrement sèche. En effet, la déshydratation des hydrates de carbone et d’autres réactions similaires surviennent au cours du processus, en particulier à haute température (500 OC). La quantité d’eau minimale produite est de 12-15 %. Par conséquent, l’humidité déjà présente dans la biomasse s’y ajoutera pour former le total d’eau théorique en sortie. L’énergie nécessaire à la vaporisation de cette eau supplémentaire entre en compétition avec la chaleur disponible pour la pyrolyse. Des considérations économiques montrent qu’il n’est pas réaliste de vouloir entièrement sécher la biomasse. Néanmoins, un niveau d’humidité de 5-10 % m est acceptable [16]. Les déchets forestiers sont récoltés avec environ 45 % m d’humidité. Un séchage est donc nécessaire. Petry et al. ont proposé une technique mixte afin d’optimiser le coût de séchage [20]. Ce processus consiste en un séchage naturel de la biomasse par mise en andains [21], suivi d’un broyage subséquent et enfin d’un séchage forcé. Le séchage en andains consiste à laisser sécher naturellement la biomasse sur site pendant trois mois. Le temps requis et l’impossibilité d’aller au-dessous de 20 % m d’humidité constituent les limitations principales de la technique de séchage naturel. Cependant, elle possède des avantages évidents en termes de coût. La biomasse est ensuite broyée à la taille désirée pour minimiser les dépenses liées au broyage2 avant d’être placée dans un séchoir afin d’atteindre les 10 % m d’humidité recommandée pour le processus de pyrolyse. Une fois la taille des particules réduite à environ 2 mm et la quantité d’eau présente proche de 10 % m, la biomasse est prête à être chargée dans le pyrolyseur
Avant-Propos |