La place des animaux dans la production de protéines pharmaceutiques
Protéines pharmaceutiques et bactéries
Les protéines d’intérêt pharmaceutique ont commencé à être utilisées au cours des années 1920 avec l’insuline extraite des pancréas de porc. Même si celle-ci n’a posé aucun problème pendant des années, une insuline humaine a commencé à être préparée à partir de bactéries recombinantes vers 1980. Cette protéine s’est avérée plus efficace et a été adoptée par tous les diabétiques. Plusieurs autres protéines et notamment l’hormone de croissance humaine, ont ainsi été préparées. C’est également avec cette technique de production qu’on s’est affranchi du prion à l’origine de nombreux cas de maladie Creutzfeldt-Jakob chez les patients traités avec l’hormone issue de tissus humains.
Ces premiers succès ont rapidement montré la limite des bactéries qui sont incapables de synthétiser des protéines ayant une structure complexe. En effet, pour être stables et activesin vivo, ces protéines doivent subir de multiples modifications post-traductionnelles. De plus certaines protéines sont produites en si grande quantité par la bactérie qu’elles forment des agrégats d’où il est difficile d’extraire la protéine d’intérêt sans la dénaturer.
Protéines pharmaceutiques et eucaryotes
Les principales modifications sont le repliement, le clivage, l’association des sous-unités, la g-carboxylation et la glycosylation. Certains organismes eucaryotes comme les levures les champignons et les algues unicellulaires peuvent être cultivés à grande échelle et sont capables de réaliser des modifications post-transcriptionnelles [45,52,220,85]. Cependant, ces systèmes sont rapidement limités dans la copie des modèles de protéine humaine et peuvent donner des produits recombinants possédant des propriétés indésirables, comme une protéine peu active ou immunogène (présence de sucres spécifiques aux levures et champignons). Des levures modifiées génétiquement, exprimant des gènes codants pour des enzymes responsables de glycosylation, sont capables de sécréter des protéines possédant des carbohydratessimilaires à ceux trouvés dans les protéines humaines [109]. Mais ces levures ne peuvent encore pas mimer complètement la synthèse de protéines humaines.
Des cellules d’insecte offrent une production plus adéquate [82] mais leur système de culture limite son utilisation à l’échelle du laboratoire. Ces cellules ne possèdent qu’un seul modèle de glycosylation. La culture de cellules métazoaires a aussi été utilisée comme bioréacteur mais est trop difficile à exploiter à grande échelle.
Protéines pharmaceutiques et plantes
Les plantes transgéniques offrent également d’intéressantes possibilités [98], la transgénèse étant relativement aisée chez les plantes. La culture de ces plantes est facile et permet de hauts niveaux de production. Il ne faut cependant pas oublier un facteur limitant, qui est le risque de dissémination incontrôlée de protéines. Les protéines étrangères peuvent être stockées dans les feuilles ou les graines selon le promoteur utilisé. Pour la production de protéines d’intérêt pharmaceutique il est difficile de purifier la protéine d’intérêt (présence de protéases) et de la séparer de substances mal tolérées par les patients(présence de polyphénols). Là encore, la glycosylation effectuée par la plante est différent (présence de xylose) de celle de l’homme et induit une réponse immunitaire néfaste chez l’homme.
Des expériences encourageantes [95,117] concernant la production de protéines pharmaceutiques par les plantes ont été menées, mais ces résultats ne peuvent prédire si cette technique va s’étendre au marché pharmaceutique.
Protéines pharmaceutiques et animal
Les modifications post-transcriptionnelles recherchées ne se produisent complètement que dans des cellules de mammifères. Malgré le coût de production, elles sont cultivées dans des fermenteurs à l’échelle industrielle [7]. La culture de ces cellules permet de produire quelques kilogrammes de protéines recombinantes par an avec une glycosylation aléatoire de la protéine d’intérêt.
Il reste alors l’utilisation de l’animal entier com me support de production de protéines humaines : retour aux sources. La production par un animal transgénique laisse présager des coûts de productions bas avec une grande quantité de protéines de qualité. En contrepartie, la difficulté à séparer les protéines humaines des protéines de l’animal est un inconvénient. Une attention particulière doit être accordée à la préparation de protéines et à la présence d’éléments pathogènes actifs chez l’humain. De plus, certaines protéines recombinantes peuvent être actives et donc directement délétères pour l’animal producteur.
Les avantages de l’animal bioréacteur ne sont pas négligeables par rapport aux autres techniques évoquées (Fig.14, annexe 1). Ces animaux sont le support de nombreux espoirs.
Figure 14 Les qualités respectives des différents systèmes de production de protéines (cf annexe 1 pour plus de détails)
« vitesse » : du gène à la production, « coût/g » coût total de la marchandise, « production à grande échelle » : facilité et rapidité de production, « Réglementation » considération des produits ayant obtenu une autorisation jusqu’à présent.
Traduit de l’anglais. Source: Dyck M. K., Lacroix D ., Pothier F., Sirard M.-A. Making recombinant proteins in animals – different systems, different applications. TRENDS in Biotechnology Vol.21 No.9 September 2003
Nous allons voir comment ces animaux sont produits pour faire ensuite un tour d’horizon sur la production issue des animaux bioréacteurs.
Techniques de production d’animaux transgéniques
De multiples techniques existent pour créer des animaux transgéniques, selon les espèces, on retrouve :
La microinjection d’ADN dans les pronucléi embryonnaires
Cette méthode repose sur l’introduction d’un gène ou plus dans le pronucléus mâle d’un ovocyte fécondé. L’ADN introduit peut provoquer lasur- ou sous-expression de certains gènes. Comme l’insertion est ici aléatoire, le gène intéger a une forte probabilité de ne pas s’intégrer dans un site favorisant son expression. Le transgène peut aussi être à l’origine de « mutations par insertion » en perturbant la fonction des gènes endogènes selon le site d’intégration [68]. L’œuf fécondé et génétiquement modifié est réimplantés dans l’oviducte d’une femelle porteuse. Si le
transgène a été intégré trop tardivement, après début le de mitose des blastomères, les cellules de l’embryon ne contiennent alors pas toutes le transgène. Les animaux (souris, rat, lapin, porc, poisson) ainsi obtenus sont des animaux mosaïques ou chimères. Un transfert de gène idéal doit avoir le transgène présent dans la lignée de cellules germinales pour pouvoir assurer une descendance également transgénique. La première gération (F1) peut alors se composer de chimères. Des croisements consanguins doivent alors être effectués sur 10 à 20 générations jusqu’à ce que des animaux transgéniqueshomozygotes soient obtenus et que le transgène soit présent dans toutes les cellules de l’animal.
Malgré toutes les difficultés à surmonter, cette technique a été utilisée jusqu’à très récemment pour produire les premiers ruminants transgéniques et des ruminants « bioréacteurs » [40,73,329]. Étant donné que, seule une petite proportion d’animaux intègrent le transgène, plus de 1000 ovocytes bovins, 300 ovins et 200 caprins [222,258,310] doivent être injectés et transférés chez des receveuses pour produire un seul ruminant transgénique. Pour parvenir à un animal transgénique
« utilisable », plusieurs lignées de ruminants transgéniques sont constituées pour optimiser les chances d’obtenir au moins une lignée avec un niveau élevé d’expression du transgène. En utilisant cette technique, la production d’un troupeau entier de ruminants transgéniques nécessite au moins
deux générations, ce qui est peu efficace et très coûteux [258,310].
Faute de pouvoir fabriquer à volonté du bétail transgénique, « recopier » à l’infini l’animal transgénique obtenu à grand-peine a été envisagé. ependant, C la procédure de clonage somatique (cf. paragraphe A.2.5) ne s’avère guère plus efficace et cette approche ne s’avèrerait pas moins onéreuse, une amélioration des procédures est nécessaire.
L’usage de vecteurs lentivirus ou transposons
Cet usage a amélioré l’efficacité de la microinjection. Il a été utilisé avec succès chez le porc et les ruminants [128].
Des embryons sont infectés par un ou plusieurs virus recombinants. Immédiatement après l’infection, le rétrovirus produit des copies d’ADN de ses ARN, ces copies sont intégrées au hasard dans la cellule hôte généralement sans réarrangement ni délétion. Le transfert de gènes par cette méthode approche des 100% de cellules transférée [68]. Cependant, comme pour la microinjection, les inconvénients de l’insertion au hasard sont toujours présents. Pour des raisons de sécurité, les rétrovirus utilisés pour créer des animaux transgéniques, ne sont capables d’infecter que l’espèce concernée, évitant toute contamination involontaire à des lignées humaines.
L’intégration d’ADN étranger est toutefois limité en taille (<15 kb), le nombre d’intégrations est difficile à contrôler et des interférences entre l’ expression du transgène et les séquences du rétrovirus sont possibles. Là encore des chimères sont obtenues.
Le sperme comme vecteur
Le sperme, utilisé comme vecteur [10,36,88,121,159] est modifié pour être porteur d’ADN étranger. Il est utilisé ensuite pour effectuer une fécondation in vitro. L’implantation de spermatogonies transfectées peut également être envisagée comme méthode de fécondationin vivo [23].
Cette technique a été utilisée avec succès chez souris la et le porc [36,121,128].
La transgénèse dans des cellules pluripotentes
Les cellules pluripotentes (indifférenciées) sont oits des cellules souches embryonnaires soit des cellules souches germinales. La séquence d’ADN choisie est insérée par recombinaison homologue dans une culture in vitro de cellules souches embryonnaires. Ces modifications génétiques ciblées incluent le remplacement, l’invalidation et la mutation spécifique de certains gènes (un allèle ou les deux) à des sites actifs du génome, ainsi que l’addition précise de gènes étrangers au génome. Les cellules modifiées sont orsal intégrées à un embryon au stade blastocyste. L’animal obtenu est un animal chimère, possédant des cellules normales et des cellules transformées. Cette méthode est utilisée pour inactiver des gènes ciblés (méthodeknock-out). Pour une raison inconnue, les cellules pluripotentes sont impossibles à obtenir chez d’autres animaux [68,128] que la souris et récemment le poulet.
La transgenèse dans des cellules somatiques : transfert nucléaire
Cette méthode crée des animaux clonés par transfertnucléaire. Elle a été utilisée pour créer des ruminants et porcs transgéniques [68,128].
Dans l’optique de la création de lignées d’animaux transgéniques, l’intérêt de la technique de transfert de gènes par microinjection est plutôt limité. Le clonage somatique ouvre d’autres perspectives.
Des cellules issues d’un embryon, d’un fœtus ou d’u n tissu adulte sont transfectées in vitro par les techniques standard chimiques (lipides, phosphate de calcium), physiques (électroporation, injection directe, bombardement de gène) ou transfection rétrovirale. La combinaison des cultures cellulaires et de la transgenèse autorise des modifications précises du génome parrecombinaison homologue, restreintes précédemment à l’emploi de cellules ouches. Les cellules transfectées sont ensuite sélectionnées selon l’intégration du transgène, une lignée cellulaire stable est alors établie. Cette lignée cellulaire peut également provenir d’une biopsie issue d’un animal transgénique produit d’une autre façon. Comme les cellules culti vées peuvent être congelées et stockées, la source de noyaux donneurs ne constitue pas un facteur limitant, permettant la production d’un grand nombre d’individus.
Le matériel génétique d’un ovocyte est ensuite enlevé puis remplacé par celui issu des cellules transgéniques (Fig. 15). L’embryon transgénique ainsi obtenu dérive de la transplantation d’un seul noyau génétiquement modifié dans un ovocyte énucléé.Toute notion de mosaïcisme est éliminée, en même temps la transmission du transgène à la lignée germinale est obligatoirement assurée. Avec une sélection appropriée de la lignée cellulaire transgénique, la majorité des animaux transgéniques exprime le transgène correctement. Cette technique réduit significativement le nombre d’animaux requis pour produire une lignée transgénique[14,253]. Les temps de production de protéines recombinantes par ces animaux transgéniques sont réduits par l’usage du transfert nucléaire [22].
Bien que séduisant, ce protocole associant clonageet transgenèse connaît quelques limites et soulève d’autres problèmes concernant le bétail.
Le nombre de mères porteuses pleines après le transfert d’embryon est faible et la mortalité postnatale est élevée [270]. Des différences sont notées entre les espèces, chez les chèvres par exemple, des taux de réussite acceptables sont rapportés sans haute incidence d’avortement comme chez les bovins [13,145].
Certains types cellulaires paraissent être plus facilement génétiquement modifiables que d’autres ; l’efficacité du transfert nucléaire et la viabilitéde la progéniture en est modifiée [142,309,316].
Chez les bovins par exemple, le fibroblaste est considéré comme un bon candidat aux manipulations génétiques. Il possède une des caractéristiques essentielles pour utiliser cette technique : une grande durée de vie en culture primaire. En effet, les cellules doivent être maintenues en culture longtemps pour parvenir à tri er celles où l’insertion du transgène est correcte : les colonies transfectées doivent croitre afin d’obtenir une population suffisante pour envisager la sélection (testage génétique).
Ces résultats montrent qu’avec une sélection appropriée de cellules de donneurs et d’autres améliorations techniques, les problèmes associés autransfert nucléaire devraient diminuer.
Ces différentes méthodes ont été décrites dans deécentesr revues [125,126,71,303], elles sont résumées dans la figure 15 suivante.
Figure 15 Différentes méthodes pour produire des animaux transgéniques.
(1) Transfert d’ADN par micrioinjection directe dans le pronucléus ou le cytoplasme de l’embryon
(2) Transfert d’ADN par transposon : le gène d’intérêt est introduit dans le transposon qui est inject é dans un pronucléus
(3) Transfert d’ADN par un lentivirus vecteur : le gène d’intérêt est inséré dans le lentivirus vecteur qui est injecté entre la zone pellucide et la membrane de l’ovocyte ou de l’embryon
(4)Transfert d’ADN par le sperme : le sperme est incubé avec un gène étranger et injecté dans le cytoplasme de l’ovocyte pour une fécondation par ICSI (Intracytoplasmic Sperm Injection)
(5) Transfert d’ADN par des cellules pluripotentes : l’ADN est introduit dans une lignée de cellules pluripotentes (ES: embryonic stem cells ou cellules souches embryonnaires : lignée établie à partir d’un embryon jeune, EG: embryonic germ cells: lignée établie à partir des cellules germinales primaries des gonads d’un foetus). Les cellules pluripotentes contenant l’ADN sont injecté dans un embryon au stade précoce pour créerun animal chimérique portant le gène étranger;
(6) Transfert d’ADN par clonage : le gène étranger est introduit dans des cellules somatiques, leur noyau est introduit dans le cytoplasme d’un ovocyte énucléé pour créer des clones transgéniques. Les méthodes 4, 5 et 6 permettent l’addition du gène au hasard et l’intégration ciblée du gène par recombinaison homologue pour l’addition ou le remplacement de gène incluant la méthode de « knock out » ou de « knock in ».
Source : Houdebine L.-M. Production of pharmaceutical proteins by transgenic animals. Comparative Immunology, Microbiology and Infectious Diseases 32 (2009) 107– 121
Le chromosome artificiel
L’expression du transgène étant améliorée par l’ajout de séquences d’ADN spécifiques, le matériel à transférer est très long ; or les moyensde transgenèse vus précédemment, ont une longueur d’intégration du transgène limitée. C’estpourquoi le chromosome artificiel est intéressant, il peut en effet, contenir de grands fragments d’ADN de plus d’une mégabase (Mb). Contrairement aux méthodes classiques de transgenèse, le microchromosome n’est pas intégré à l’ADN hôte et se comporte comme un chromosome indépendant, porté parla cellule au cours des divisions. Les chromosomes artificiels ont été initialement dérivésdes levures, ils contiennent tout ce qui est nécessaire à leur fonctionnement : des télomères, neu région centromérique, des origines de réplication. Des essais d’intégration d’un YAC (Yeast Artificial Chromosome) chez les rongeurs ont produit des résultats encourageants [21,249] ; un YAC de 210 kb microinjecté dans des pronucléi de rats a produit des rats transgéniquesexprimant l’alphalactoglobuline ou encore le facteur de croissance humain dans leur mamelle [86,87]. Cependant les YAC s’avèrent instables avec des délétions intempestives de l’insert rajouté artificiellement. L’utilisation de BAC (Bacterial Artificial Chromosome), plus stables mais avec une possibilité d’insertion inférieure a été testée, des souris transgéniques ont ainsi été créées [326].
Récemment, des chromosomes artificiels de mammifères (MAC) ont été créés avec soit des éléments chromosomiques endogènes des YAC, soit deséléments extrachromosomiques de virus ou de BACs et chromosome artificiel P1 (PAC) [308]. Diverses approches ont été utilisées pour créer des MAC avec les composants nécessaires à une réplication correcte [81,112,116,288]. Des chromosomes artificiels humains (HAC) portant les loci des chaînes lourdes et légères des immunoglobulines, ont été créées par plusieurs équipes de recherche[134,135,152,153,297,298].
Après le succès de l’introduction des HAC chez les souris pour produire des anticorps monoclonaux humains, la technique est développée chez le bétail qui a des capacités de production plus grandes. Ainsi, en créant une lignée de cellules possédant un chromosome artificiel puis en utilisant la méthode du transfert nucléaire, des animaux transgéniques plus complexes peuvent être créés [154].
A.2.7 La production d’oiseaux transgéniques
L’obtention de poules transgéniques s’est heurtée à de nombreuses difficultés pendant 15 ans, cependant des anticorps et un interféron ont té récemment obtenus dans le blanc d’œuf [7, 126].
La physiologie de la reproduction des oiseaux, différente par rapport aux mammifères, rend les techniques classiques difficiles à mettre en œu vre. L’embryon aviaire se développe à partir d’un œuf jaune assez grand, enveloppé d’une coquille dur e après la fécondation. L’embryon se développe ensuite dans l’œuf couvé ou incubé. Lorsque l’œuf fécondé est pondu, son stade de développement dans le jaune d’œuf est d’environ 600 00 cellules. La plupart des modifications génétiques des mammifères nécessitent la manipulation d’ovocytes fécondés ou d’embryons à un stade précoce, issus de femelles donneuses. Une nouvelle manipulation est nécessaire pour transférer l’embryon modifié à une femelle receveuse. La grande taille et la fragilité du jaune d’œuf ne permettent pas ces manipulations chez l’oiseau. L’injection de transgène ou le transfert nucléaire à des stades précoces n’est donc pas envisageable.
Les trois stades clés utilisés sont les suivants :l’œuf juste fécondé, l’embryon dans les œufs juste pondus, des embryons après 2 jours d’incubation lorsque les cellules germinales primaires (précurseur des gamètes) sont accessibles [165]. Comme pour créer les mammifères transgéniques, des virus vecteurs ont été utilisés. Les premiers ecteursv viraux, dérivés de rétrovirus aviaires, avaient un taux de production d’oiseaux transgénique faible (10%). L’usage d’un lentivirus dérivé du virus de l’anémie infectieuse équine a été développé, avec une obtention de 100% d’animaux chimériques et une transmission à la lignée germinale plus fréquente. Concrètement, le virus porteur du transgène est « emballé » dans une enveloppe protéique provenant du virus de la stomatite vésiculaire, après culture sur cellules, les vecteurs sont injectés dans les œufs juste pondus qui son t ensuite incubés. L’embryon en développement est ainsi transfecté et de l’œuf naît une chimère (Fig.16).
Figure 16 Un aperçu schématique des étapes de la production de poules transgéniques
(A) Une construction virale efficace pour l’expression du transgène est développée puis transférée dans une lignée cellulaire appropriée. (B) Un haut titre de virus est injecté sous le blastoderme d’un oeuf non incubé (C) Les embryons injectés sont cultivés pendant 21 jours dans une couveuse. (D) Les poulets chimériques (G0) sont élevés jusqu’à la maturité sexuelle (E) les fondateurs (avec une semence positive au transgène) sont accouplés avec des poules de type sauvage, la présence du transgène est recherchée dans la descendance G1. (illustration par Jennifer Petitte).
Source : Pettite JN, Mozdziak PE. The incredible, edible, and therapeutic egg. Proc Natl Acad Sci USA 2007;104:1739–40.
Quelle que soit la technique utilisée, le taux de réussite mesuré en nombre de naissances d’animaux vivants porteurs du transgène est très faible. Il n’en reste pas moins que les chercheurs persistent et que les animaux transgéniques ont denombreux usages aujourd’hui.
Production de « bioproduits »
Optimisation de l’expression du transgène
Pour être exprimé d’une manière correcte, le transgène doit contenir un promoteur (éléments de séquence dispersés sur lesquels se fixent des facteurs de transcription), des enhancers (plusieurs éléments de séquence très proches sur lesquels seixentf des facteurs de transcription), des isolateurs (limitant les interactions entre les promoteurs et leurs éléments régulateurs tels que les enhancers, Ces séquences pourraient agir sur la transcription, soit comme de simples barrières en bloquant la progression de protéines régulatrices le long de lachromatine, soit en modifiant l’organisation ou la structure des fibres de chromatine), des introns et un terminateur de transcription [126]. Ainsi des constructions moléculaires permettent de piloter le fonctionnement d’un transgène dans l’espace (dans un tissu donné), et dans le temps (à certains moments de la vie fœtale ou adulte). Pour la majorité des animaux réacteurs, c’est dans le laitque les protéines d’intérêt pharmaceutique sont produites. Une expression maximale dans la mamelle est alors recherchée, l’expression dans le lait est effective avec les promoteurs de gènes des protéines du lait [97,239]. Il est possible de transfecter de façon stable les cellules somatiques bovines avec une construction contenant un gène humain lié à un promoteur (connu pour fournir une expression élevée du transgène dans la glande mammaire). L’expression dans le blanc d’œuf est pos sible en utilisant un promoteur du gène de l’ovalbumine. L’utilisation de longs fragments d’AD N contenant le promoteur spécifique stimule encore plus l’expression du transgène étranger (Fig.17). Cette stimulation a été démontrée pour le promoteur du gène d’une protéine du lait : WAP gène(Whey Acidic Protein) [235]. Des éléments de ce long fragment d’ADN devraient être identifiéspour construire prochainement des vecteurs compacts exprimant le transgène plus efficacement. [94].
Figure 17 Exemple schématique de séquence d’un transgène utilisé par BioProtein Technologies pour produire une protéine d’intérêt dans le lait de lapine
Source : BioProtein Technologies, services>intellectual property, Site de BioProtein Technologies [en ligne] http://www.bioprotein.com/gb/services.htm#ip (page consultée le 31 octobre 2009)
Construire un vecteur d’expression efficace pour produire une protéine thérapeutique n’est pas une opération standard comme le montrent les deux exemples suivants de production de vaccins recombinants.
Des vaccins recombinants contre la malaria sont actuellement en étude [92]. Une des protéines initialement obtenue dans le lait de souris [283] est maintenant en cours de production dans le lait de chèvre. D’une façon inat tendue l’antigène produit dans le lait de souris avait perdu ses propriétés de vaccination parce qu’il était glycosylé.
Le second exemple est la production de protéines VP2 et VP6 d’un rotavirus chez un lapin transgénique [271]. Le génome du rotavirus est formé de quelques fragment d’ARN indépendants. Le virus est répliqué dans le cytoplasme et ses protéines ne sont pas sécrétées individuellement. Les modifications suivantes des séquences nucléotidiques de VP2 et VP6 ont été réalisées : élimination des sites d’épissageet de quelques sites de glycosylation, addition d’un peptide signal et adaptation des codons pour optimiser l’expression des deux ADNc dans la mamelle de l’animal. Les ADNc modifiés ont été introduits dans un vecteur adapté [126]. Cette construction a rendu possible la co-sécrétion dans le lait des deux protéines virales jusqu’à une concentration de 500 mg/ml. Ces protéines produites par le lapin sont capables de protéger la souris contre levirus [272].
Les différents systèmes animaux transgéniques
Les animaux traditionnels d’élevage comme les bovins, moutons, chèvres, porcs et même lapins ont des avantages significatifs pour la production de protéines recombinantes par rapport aux systèmes classiques de production de protéines recombinantes (cf. § plus haut, A.1.la place des animaux dans la production de protéines pharmaceutiques). Le site de production le plus prometteur pour les protéines recombinantes, est la glande mammaire. Des fluides corporels sont également explorés comme le sang, l’urine (l’épithélium de lavessie secrète la protéine recombinante mais les concentrations obtenues sont très basses [146,241,328]), le liquide séminal [70], l’hémolymphe de larve d’insecte [176].
Récemment le blanc d’œuf [166,330] a été utilisé ouencore les glandes à soie [237].
Isoler de l’hémoglobine humaine recombinante produite par le porc dans son propre système circulatoire a été essayé, mais la tâche est diffilec en raison de la grande similitude entre l’hémoglobine humaine et l’hémoglobine porcine [290]. Le sang n’est pas utilisable la majorité du temps, il ne peut pas stocker de hauts nivaux de protéines recombinantes. De plus, les protéines recombinantes dans le sang peuvent altérer la santédes animaux alors que la production dans le lait évite tous ces problèmes. La production de protéines recombinantes a été étudiée chez plusieurs espèces dont voici un aperçu des avantages et inconvénients de chacune :
Lapins
Cette espèce offre de nombreux avantages. Le lapin est phylogénétiquement plus proche des primates que ne le sont les rongeurs et les ruminants. La glande mammaire des lapins possède des capacités post-transcriptionnelles plus proches de celles de l’Homme comparées aux capacités des ruminants. La glande mammaire produit des protéines hypo-fucosylées ce qui présente un intérêt pour la production d’anticorps monoclonaux à mécanisme d’action ADCC. Des sialilations avec un mélange de formes NANA (N-Acétyl Neuraminic Acid) teNGNA (N-Glucolyl Neurmaninic Acid) sont réalisées. La plupart des lignées CHO utiliséeen bioproduction génèrent des protéines hautement fucosylées et avec 100% de formes NGNA sialilées, alors que les protéines humaines sont NANA sialilées. C’est donc un animal de choix pour produire des glycoprotéines humaines et des vaccins recombinants.
Un temps de gestation très court (1 mois) et une maturation sexuelle rapide (4 mois pour les femelles et 5 mois pour les mâles), 8 à 10 portées par an de 8 laperaux en moyenne, permettent de générer rapidement (Fig.18 et Tabl.8) une lignée d’animaux transgéniques avec un faible coût de revient. La première lactation des femelles fondatrices est obtenue 6 mois après l’étape de micro-injection du transgène dans les embryons. En parallèle, les mâles fondateurs sont croisés avec des femelles non-transgéniques pour donner naissance à la deuxième génération de lapines transgéniques qui permettra une rapide montée en puissance industrielle. Le délai nécessaire pour pouvoir commencer la traite des lapins de deuxième génération est approximativement de 12 mois après les premières micro-injections.
Insensible au prion et n’étant pas la cible de maladies sévères transmissibles à l’homme, l’exploitation dans un statut sanitaire contrôlé est facile.
La production de lait est relativement élevée jusqu’à 250 ml de lait par jour de lactation, soit un volume de 10 à 15 l de lait par an et par femelle. En fonction du niveau d’expression du transgène, la concentration en protéine recombinante et comprise entre 0.1 et 10 g par litre de lait. La majorité des protéines thérapeutiques actuellement sur le marché ont des indications qui nécessitent une production mondiale annuelle inférieure à 10 kg de protéines, ce qui reste adapté pour le lapin.