Biologie et écologie du requin à museau pointu
Caractéristiques hydroclimatiques du milieu de vie du requin à museau pointu
Localisation géographique
Le Sénégal est un petit pays de l’Afrique Occidentale couvrant une superficie de 196 192 km2 , largement ouvert sur l’océan Atlantique avec environ 700 km de côtes et un plateau continental orienté N-S, couvrant une superficie estimée à 28 700 km2 (240 miles nautiques) soit 15 % de la superficie du Sénégal (Diallo, 1989). Il est situé entre les parallèles 12° 30’ N et 16° 30’ N et les méridiens 11° 30’ W et 17° 30’ W. Son littoral s’étend de l’extrême sud des côtes mauritaniennes à l’extrême nord des côtes de la Guinée Bissau. Il est subdivisé en trois grands secteurs côtiers : la côte nord (Grande côte), la Presqu’île du Cap-Vert (partie la plus avancée dans l’Océan Atlantique) et la côte sud (Petite côte et la Casamance) (BarryGérard, 1994). La République de Gambie forme une enclave de 11 295 km 2 et se situe sur le long du fleuve qui porte le même nom.
Topographie et bathymétrie
Au Sénégal, la Presqu’île du Cap-Vert sépare le domaine maritime sénégalais en deux zones aux caractéristiques topographiques bien distinctes (Roy, 1992). Au nord de la Presqu’île, le plateau est étroit et orienté N-NE. Au large de Saint-Louis (16°20’ N), l’isobathe 200 m limitant le plateau, se situe à 27 miles. Au sud le plateau continental s’élargit, l’isobathe 100 m atteint les 54 miles (12° 45’ N). Le talus est situé entre 10 et 30 milles et est orienté N puis NW-N (Roy, 1992). Dans la Presqu’île du Cap-Vert, le continent s’avance vers l’ouest, réduisant à quelques miles la largeur du plateau continental, l’isobathe 200 m ne se situe plus qu’à 5 miles de la côte. A quelques dizaines de km plus au nord, la fosse de Cayar (située en face du village du même nom) entaille le plateau continental profondément. Cette fosse traverse le plateau sur toute sa largeur. Ces obstacles bien franchissables par des espèces pélagiques comme le requin à museau pointu sont responsables de quelques particularités hydroclimatiques et écologiques de la région (Fréon, 1988). Le plateau sénégambien présente une superficie de 28 700 km2 répartis comme suit : 4 700 km2 de fonds de 0 à 10 m, 14 200 km2 de 10 à 50 m et 9 800 km2 de fonds de 50 à 200 m (Chavance et al., 2004). D’une manière générale les fonds sont peu accidentés.
Upwellings et hydroclimat
Le Sénégal se situe en dessous du tropique du Cancer. Les déplacements saisonniers de l’anticyclone des Açores, de la dépression saharienne et de la zone intertropicale de convergence (ZITC) déterminent le balancement des alizés et donc la position et l’intensité des upwellings (remontée d’eaux froides riches en éléments nutritifs) le long de la côte ouestafricaine (Wooster et al., 1976). Ces variations des saisons entrainent des changements plus ou moins forts suivant l’importance de l’upwelling dans la composition spécifique des captures et dans l’abondance des diverses espèces. En analysant la moyenne de température de surface entre 7° et 44° N, Wooster et al. (1976) ont mis en évidence une remarquable saisonnalité dans les upwellings de la zone nord ouest-africaine comprenant les côtes sénégalaises (Figure 1.1). L’hydroclimat du littoral sénégalais est de type tempéré. Pour comprendre les variations hydroclimatiques dans la zone économique exclusive (ZEE) sénégalaise, nous sommes obligés de traiter ces aspects au niveau de la sous région voire au niveau de la région (Figure 1.2). Ainsi nous notons : venant du nord, le courant des Canaries est un courant froid, permanent, dont une branche bifurque vers l’ouest au niveau du Cap Blanc (à la frontière entre la Mauritanie et le Sahara occidental) pour former le courant nord-équatorial. En saison froide, une branche suit vers le sud les côtes de la Mauritanie et du Sénégal et forme une dérive littorale d’une largeur équivalente à celle du plateau continental. Sous ce courant côtier, se trouve un contre-courant dirigé vers le nord au niveau du talus continental entre le Cap-Vert et le Cap Blanc. venant de l’ouest, le contre-courant nord-équatorial qui est un courant chaud qui transporte sur le plateau continental les eaux chaudes et salées. Il s’infléchit vers le sud-est pour former le courant de Guinée. Figure 1.2. Circulation superficielle théorique. Les flèches blanches indiquent le sens des courants dominants. Source : Mittelstaedt (1983). Le Sénégal se situe d’un point de vue météorologique dans la zone de balancement du Front Inter-Tropical (FIT) au nord duquel est établi un régime d’alizés de secteur nord. La zone d’action de ces vents s’étend jusque vers 10° N en saison froide et remonte jusqu’à 21° N en saison chaude suivant l’oscillation des systèmes anticycloniques de l’Atlantique. Les eaux profondes de remontée sont l’une des principales sources d’enrichissement de la ZEE sénégalaise. Dans le domaine marin sénégalais, l’écosystème le plus important est constitué par l’ensemble du plateau continental marqué par l’alternance entre une saison froide avec régime d’alizés (de novembre à avril) qui provoque un « upwelling » côtier et une saison chaude (de mai à octobre) avec les vents de mousson (Rossignol, 1973). La période de l’upwelling côtier est caractérisée par une forte variabilité spatio-temporelle du signal thermique (novembre à avril) des remontées d’eaux froides, riches en éléments nutritifs ce qui provoque l’apparition de beaucoup d’espèces migrantes comme les requins et de leurs proies. La saison chaude correspond à l’arrivée d’eaux chaudes sur le plateau (Barry-Gérard, 1994) et des précipitations qui dessalent les couches de surface. La saison chaude est caractérisée par des amplitudes thermiques faibles (Dème-Gning et al., 1990). Ces caractéristiques hydroclimatiques font que les eaux sénégalaises sont parmi les plus poissonneuses du globe parce que favorisant d’une part une production importante de plancton, base de la chaîne alimentaire et d’autre part des conditions de reproduction très favorables pour beaucoup de poissons y compris les élasmobranches. Les requins sont ainsi très fréquents dans les débarquements comme prises accessoires surtout Rhizoprionodon acutus, qui constitue une espèce très débarquée au Sénégal (Capapé et al., 2006). Les températures notées dans la zone sud du Sénégal sont en général plus basses que celles qui sont notées au nord. Ainsi, on peut distinguer suivant la température de l’eau, deux saisons séparées par deux périodes de transition où la température de l’eau change très rapidement. À l’inverse, les quantités de pluies sont plus importantes dans le sud comparées à la zone nord. Sur l’ensemble du plateau continental, les dates d’apparition de ces saisons et leur durée dépendent essentiellement de l’installation plus ou moins tardive du régime d’alizés. Ainsi, les changements climatiques marqués par la hausse généralisée des températures et la péjoration significative des pluviosités mensuelles et annuelles ont installé depuis 40 années (1968 à 2008) la sécheresse météorologique sur le Sahel en général et le territoire sénégambienen en particulier. Ces changements climatiques ont des conséquences dramatiques sur l’équilibre écologique, les productions végétales et animales et sur l’ensemble des activités humaines, plus particulièrement sur les activités de pêche car la pluviométrie 8 influence aussi les caractéristiques marines du littoral sénégalais. La spatialisation de cette moyenne pluviométrique récente sur la carte des zones éco-géographiques confirme le gradient nord-sud (Figure 1.3). La variabilité interannuelle de la période est soldée par des années excédentaires causant des inondations, comme en 1999, 2005, 2010 et 2012 et par des années déficitaires, cas de 2002 et 2007. Ces disparités de la pluviométrie en fonction de la latitude et du temps influencent grandement sur les conditions écologiques du requin à museau pointu et peuvent entraîner des changements d’habitats et de comportements pour beaucoup d’espèces pélagiques. Figure 1.3. Température à la surface de la mer et pluviométrie moyenne mensuelle (1997-2005) au nord (a) et au sud (b) du Sénégal. Source : Thiaw (2010). Température de surface de la mer ( C) Pluviométrie (mm) Température de surface de la mer Pluviométrie a Température de surface de la mer Pluviométrie Température de surface de la mer ( C) Pluviométrie (mm)
Sédimentologie du plateau continental sénégambien
Le requin à museau pointu ou « Gaïndé goundaw » est une espèce évoluant à des profondeurs maximales de 200 m (Compagno, 1984). Il est fortement influencé par les caractéristiques géomorphologiques du plateau continental. Selon Domain (1977) deux types de faciès sont distingués sur le plateau continental sénégambien : les faciès terrigènes et les faciès organogènes. Les faciès terrigènes sont constitués principalement d’éléments quartzeux qui s’étendent du littoral jusqu’aux sondes de 100 m de 17° 00’ N à la fosse de Cayar (Domain, 1977). À partir du niveau de l’embouchure du Saloum, la zone à sédiments terrigènes s’élargit à nouveau pour s’étendre progressivement jusqu’à la sonde des -70 m. Les faciès organogènes existent sur la côte nord au-delà des fonds de 90 m. Ils forment une bande relativement étroite qui suit les contours du rebord du plateau (Domain, 1977). Des fonds meubles constitués de vases sont observés au niveau des embouchures des fleuves Sénégal et Casamance. Ils correspondent à deux zones vaseuses encadrées de fonds plus durs, plus ou moins rocheux juste au sud du Cap-Vert ou constitués de sables purs, au large de la Casamance (Lhomme & Garcia, 1984). Les fonds rocheux sont durs et constitués de plaques rocheuses continues et/ou discontinues. Les plaques continues sont notées au sud de la fosse de Cayar jusqu’à la latitude de Popenguine (Domain, 1977). Les autres formations rocheuses (plaques discontinues) observées sont de nature sédimentaire. Dans ces plaques rocheuses discontinues, la roche se présente souvent sous la forme de dalles et affleure en de nombreux endroits (Domain, 1977). La nature des fonds du plateau continental sénégalais permet la mise en place de conditions très favorables aux espèces benthiques et pélagiques surtout les requins qui sont des espèces qui migrent beaucoup.
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