Biologie des populations du complexe d’espèces Ralstonia solanacearum

Biologie des populations du complexe d’espèces
Ralstonia solanacearum

Bactériocines produites par les bactéries de type gram négatif 

Les bactériocines produites par les bactéries de type gram négatif peuvent-être classées en : microcine (<10 kDa), colicine (25–80 kDa) et tailocine (bactériocine de type queue de phage) [129]. Les microcines sont des toxines ayant une masse moléculaire inférieure à 10 kDa. Elles sont produites en situation de manque de nourriture, de manque d’oxygène, de surpopulation, ou de manque de disponibilité en fer dans le milieu qui induisent l’expression des régulateurs impliqués dans la transcription des gènes intervenants dans sa biosynthèse [130]. Le cluster de gènes impliqué dans cette biosynthèse est typiquement composé du gène « précurseur de la microcine », et des gènes codant l’« immunité », la « sécrétion des protéines », et la « production des enzymes de modification post-traductionnelle ». Ces gènes sont localisés au niveau du plasmide ou du chromosome [131]. Les microcines sont généralement produites lors de la phase stationnaire de croissance de la bactérie [130]. Elles sont réparties en deux classes [129,130]: • la classe I qui est composée des peptides ayant une masse moléculaire inférieure à 5 kDa, et dont la structure est soumise à diverses modifications post-traductionnelles. • la classe II qui est composée des peptides ayant une masse moléculaire comprise entre 5 et 10 kDa. Elle est encore divisée en deux classes : i) la classe IIa dont le cluster de gènes impliqué dans la biosynthèse de microcine se situe au niveau du plasmide, les peptides n’ont pas subi de modification post-traductionnelle et il est possible qu’il y ait des liaisons disulfures entre les peptides ; et ii) la classe IIb dont le cluster de gènes impliqué dans la biosynthèse de microcine se situe au niveau du chromosome, et la microcine a une structure linéaire portant un terminal C sidérophore dû à une modification post-traductionnelle. Les microcines sont exportées hors du cytoplasme via les transporteurs ABC (ATP Binding Cassette) ou les pompes membranaires d’efflux [130]. Par la suite, elles pénètrent la bactérie cible en détournant des récepteurs impliqués dans l’absorption de nutriments essentiels, comme les récepteurs des sidérophores du fer (FhuA, FepA, Cir et Fiu) ou la porine OmpF [130]. Arrivée dans la bactérie, les toxines tuent en inhibant des enzymes vitales à la bactérie (cas des microcines de la classe I) ou en agissant contre la membrane interne de la bactérie (cas des microcines de la classe II). Par exemple, la MccJ25, une 18 microcine de la classe I, bloque la synthèse de l’ARN par obstruction du canal secondaire de l’ARN polymérase ; tandis que la microcine V, appartenant à la classe IIa, modifie la perméabilité membranaire de la bactérie cible [130]. Les colicines sont des toxines ayant une masse moléculaire comprise entre 25 et 80 kDa. Elles sont produites par des souches d’Escherichia coli possédant un plasmide colicinogénique appelé pcol [87]. Selon la taille et les caractéristiques du plasmide, on distingue les pcol de type I et II. Le pcol de type I est un plasmide de petite taille allant de 6 à 10 kb, présent jusqu’à 20 copies dans la cellule et pouvant être amplifié et mobilisé à l’aide de plasmide conjugatif [87]. Il code principalement les colicines du groupe A [87]. Le pcol de type II est quant à lui une large monocopie de plasmide d’une taille d’environ 40kb. Il est conjugatif et favorise le transfert horizontal de gènes. Ce large plasmide peut contenir un ou plusieurs opérons disposés côte à côte. Le pcol de type II code généralement les colicines du groupe B [87]. Un seul gène ou un cluster de gènes sont impliqués dans la biosynthèse des colicines. Le premier gène de tous les opérons colicines correspond au gène qui code la « production » de la toxine appelé cxa, pour colicine X activité [87]. L’exception est le cas des colicines B porogènes (pore forming colicin) où le cxa est l’unique gène impliqué dans la biosynthèse de la toxine. Pour les colicines nucléases, l’opéron est typiquement composé du gène qui code la « production » de la toxine cxa, du gène « d’immunité » appelé cxi pour colicine X immunité ou imX, qui code une protéine immunisant la bactérie productrice, et du gène « lyse » qui code pour une protéine de lyse cellulaire permettant la libération de la colicine (cas de toutes les colicines du groupe A et de quelques colicines du groupe B telles que les colicines 5, 10 et D) [87]. Ainsi, la libération de cette toxine est létale pour la bactérie productrice [87]. La biosynthèse des colicines est régulée par le système SOS qui est un mécanisme de réponse de la bactérie en condition de stress impliquant des dommages de l’ADN, ou un problème de réplication de l’ADN [132]. Deux protéines LexA et RecA servent respectivement de répresseur et d’activateur de la transcription des clusters de gènes impliqués dans la production des colicines [87,132]. Dans le milieu, les toxines se lient à des récepteurs spécifiques à la surface de la cellule sensible et sont transférées à l’intérieur de celle-ci via deux systèmes appelés Tol et Ton 19 [87]. Le système Tol est composé d’un complexe de 5 protéines tandis que le système Ton est composé de 3 protéines. Ces protéines formant le système Tol et Ton sont localisées au niveau de la membrane interne de la bactérie, et contribuent à l’entrée des colicines dans la cellule cible aidée de la force proton motrice (fournisseur d’énergie) [87]. Les colicines tuent via trois mécanismes : en formant des canaux dans la membrane cytoplasmique, en dégradant l’ADN et l’ARN cellulaire, ou en inhibant la synthèse de protéines [87]. Les bactéries cibles sont les autres souches d’Escherichia coli et les entérobactéries qui lui sont apparentées. Les colicines sont classées en deux grands groupes : la colicine A qui est transférée dans la bactérie sensible par le système Tol, qui est codée par un petit plasmide (pcol de type I), et qui est relâchée dans le milieu de culture après mort de la cellule productrice par lyse cellulaire et la colicine B qui est transférée dans la bactérie sensible par le système Ton, codé par un large plasmide (pcol de type II) [87]. Comme les bactéries qui sécrètent la colicine B n’ont pas de gènes codant pour une lyse cellulaire, la libération de la toxine dans le milieu de culture pourrait être due à un prophage qui est un virus bactérien incorporé dans le génome de la bactérie [133,134]. Diverses bactéries, autres qu’Escherichia coli, produisent également des bactériocines ayant des caractéristiques similaires aux colicines. Citons en exemple Pseudomonas pyogenes sécrétant la pyocine, Yersinia pestis sécrétant la pesticine, Klebsiella sécrétant la klebicine ou klebocine, et Photorhabdus luminescens sécrétant la luminicine [135]. Les tailocines ou bactériocines de type queue de phage sont des bactériocines de grande taille (2×106–1×107 Da) ressemblant à des phages sans tête [136,137]. Elles sont résistantes aux protéases, sont thermolabiles et sédimentables par centrifugation [138,139]. Typiquement, le cluster de gènes impliqué dans sa biosynthèse est composé de gènes codant les protéines qui composent et favorisent l’assemblage des différentes structures de la particule, les gènes de régulation qui contrôle sa transcription, et les gènes de lyse cellulaire permettant la libération de la bactériocine [136]. Il existe deux types de tailocines : le type R et le type F (Figure 6). Le type R est composé de particules contractiles apparentées aux queues de phages des Myoviridae. Sa structure est formée d’un long tube entouré d’une gaine, et à son bout se présente une plaque basale où est fixée des fibres caudales qui sont des protéines permettant à la bactériocine de reconnaître et de se fixer sur la membrane cellulaire de la cellule cible (RBP = receptor- 20 binding proteins) [136]. Le type F quant à lui est composé de particules non contractiles apparentées aux queues de phages des Siphoviridae. Sa structure est simple, uniquement formée d’un tube sans gaine, mais il possède également un RBP (receptor-binding proteins) qui lui permet de reconnaître et de se fixer sur la membrane cellulaire de sa cible [136]. La régulation de la biosynthèse des bactériocines de type queue de phage se fait probablement par le système de régulation SOS d’après les études menées sur les pyocines de type R et F [140] et la diffocine, une tailocine de type R, produite par Clostridium difficile [141,142]. Les tailocines tuent la bactérie cible en perforant la membrane cellulaire [136]. Figure 6: Micrographie électronique des tailocines. A) R2 pyocine; B) monocine de type F issue du Listeria monocytogenes D’après, [136] 3. Rôle biologique des bactériocines La production de toxines telles que les bactériocines est un des mécanismes utilisés par la bactérie pour établir sa dominance envers ses compétiteurs [143]. Compte tenu de son spectre d’action souvent étroit, il a été proposé que son rôle principal était d’assurer la médiation intraspécifique entre souches apparentées [102]. Les bactériocines peuvent permettre aux souches productrices d’envahir une communauté microbienne établie. Elles peuvent également jouer un rôle défensif et empêcher l’invasion d’autres souches ou espèces dans une niche occupée ou limiter la progression des cellules voisines [99]. Par exemple, Smidt et Vidaver [144] ont mis en évidence une forte inhibition de croissance d’une souche sensible n°16 à la bactériocine syringacine W-1 produite par la souche de Pseudomonas syringae PsW-1 en condition de co-inoculation dans des tiges de haricot rouge. De plus, Dorosky et al. [139] ont démontré que la production de R-tailocine A B 21 par Pseudomonas chlororaphis 30-84 lui confère un avantage compétitif par rapport à Pseudomonas putida KT2440 dans la rhizosphère et en biofilm. En outre, une étude faite par Kommineni et al. [145] a montré que la production de bactériocine 21 par la bactérie commensale Enterococcus faecalis portant le plasmide pPD1 favorise sa compétitivité visà-vis d’autres souches d’enterococci dans le tractus gastro-intestinal de la souris. Cependant, la production de bactériocines ne s’avère pas être constamment favorable pour la souche productrice. En effet, en cas de présence de souches résistantes aux bactériocines dans le milieu, les souches peuvent interagir suivant la théorie du jeu du “pierre-papier-ciseaux”: les souches productrices de toxines peuvent envahir une population de cellules sensibles parce que la population sensible est empoisonnée par la toxine. Les souches productrices de toxines peuvent à leur tour être envahies par des souches résistantes qui ont un coût métabolique inférieur. Les souches résistantes, cependant, peuvent être envahies par les souches sensibles, qui n’ont pas besoin de « payer » les coûts de la résistance. Par conséquent, on peut supposer que trois souches ayant les propriétés susmentionnées présentent des oscillations dans leurs densités de population [146]. Par ailleurs, Huerta et al. [97] ont suggéré un rôle de la bactériocine dans la spécialisation de niche. En effet, son étude a montré que la souche GMI1000 (I-18) de Ralstonia pseudosolanacearum originaire de la Guyane française et la souche K60 (IIA) de Ralstonia solanacearum endémique du sud-est des Etats-Unis, produisent une bactériocine qui inhibe en condition tropicale (28°C) la croissance de la souche UW551 de Ralstonia solanacearum (IIB-1), endémique des hautes terres d’Amérique du Sud. Pourtant cette dernière se développe bien en condition tropicale (28°C) sans compétition avec les souches GMI1000 et K60. 

 Application des bactériocines 

. Dans le domaine de l’industrie agroalimentaire

 Les bactériocines sont utilisées en industrie agroalimentaire en tant que bioconservateurs. En effet, leur utilisation permet de réduire l’addition de conservateur chimique dans les aliments, et permet de diminuer l’intensité de leurs traitements à la chaleur, ce qui favorise une conservation naturelle et une plus grande richesse organoleptique et nutritionnelle des aliments [147]. Les bactériocines peuvent être 22 ajoutées sous forme de préparation concentrée ou bien produite in situ par la bactérie [147]. Les recherches sur les bactériocines utilisées en agroalimentaire se sont principalement focalisées sur les bactériocines produites par les bactéries lactiques [148,88]. Une bactérie lactique est une bactérie gram positif dont le produit final de fermentation est l’acide lactique. Ce groupe de bactéries est composé de plusieurs genres comme Lactococcus, Lactobacillus, Enterococcus, Streptococcus, Leuconostoc et Pediococcus [149]. L’intérêt des bactéries lactiques réside dans le fait qu’elles sont à l’origine de nombreuses transformations microbiennes retrouvées dans les produits alimentaires fermentés les plus courants comme la bière, le fromage cheddar et la sauce soja [149]. De plus, les acides organiques produits par ces bactéries sont défavorables à la croissance de divers microorganismes. Enfin, les bactériocines produites par les bactéries lactiques possèdent l’avantage d’être [149] : i) reconnues comme sans danger pour la santé humaine, ii) non toxiques pour les cellules eucaryotes, iii) désactivées par les protéases digestives donc ayant peu d’influence négative sur le microbiote intestinal, iv) généralement tolérantes à une large gamme de température et pH, v) actives contre une gamme relativement large de bactéries pathogènes alimentaires, et vi) les clusters de gènes à l’origine de la biosynthèse des bactériocines sont localisés au niveau du plasmide donc facilement manipulables. La nisine est la première bactériocine à avoir été isolée et approuvée pour une utilisation alimentaire par la FAO/WHO et plus d’une cinquantaine de pays. Sa commercialisation date de l’année 1953 et elle figure dans la liste des additifs alimentaires en tant que conservateur E234 [149]. Cette bactériocine de la classe Ia est produite par Lactococcus lactis et possède une activité inhibitrice contre divers pathogènes alimentaires tels que Listeria monocytogenes, Bacillus cereus, Staphylococcus aureus, Clostridium perfringens et Clostridium botulinum à une faible dose (de l’ordre des nmol/L) [150,151]. De plus, la nisine est thermostable, non toxique et dégradée par les protéases digestives [150]. Sur le marché, elle est commercialisée sous différentes appellations telles que Nisaplin (2.5% nisine) (www. dupontnutritionandsciences.com) et Nisin Z®P (>95% nisine) (www.handary.com). La nisine est utilisée, par exemple, dans les tartines de fromages pasteurisés pour prévenir la croissance des spores et la production de toxines par Clostridium botulinum, pour prolonger la durée de conservation des produits laitiers, et pour prévenir la détérioration des produits en conserve [149].

 Dans le domaine de la santé humaine et animale

 Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la résistance aux antibiotiques constitue aujourd’hui l’une des plus graves menaces pesant sur la santé mondiale (https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/antibiotic-resistance). En effet, l’utilisation accrue d’antibiotiques à large spectre, sans respect des bonnes normes d’usage a favorisé l’adaptation de certaines souches bactériennes, les rendant ainsi résistantes (https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/antibioticresistance). D’où l’intérêt croissant pour les bactériocines qui sont des toxines capables de tuer ou ralentir la croissance des bactéries apparentées aux bactéries productrices [99]. Quelques études se sont focalisées sur l’utilisation des bactériocines pour lutter contre les bactéries pathogènes de l’homme et des animaux. Ces études ont montré que pour la santé humaine, les bactériocines sont efficaces pour inhiber la croissance de quelques agents pathogènes permettant ainsi d’arrêter une infection. Un exemple bien connu de l’antibiorésistance est la résistance à la méticilline, dérivé semi-synthétique de la pénicilline, pour le traitement des infections staphylococciques, qui sont apparues un an à peine après son utilisation en 1959. Par la suite, la vancomycine était considérée comme l’antibiotique de choix pour lutter contre ces bactéries. Cependant, en 1996 est apparue la première souche de Staphylococcus aureus résistante à cet antibiotique [152]. Depuis, quelques études se sont penchées sur la substitution de la méticilline et de la vancomycine par d’autres substances antimicrobiennes. En 2009, Kwaadsteniet et al. [153] ont montré une possible utilisation de la bactériocine Nisine F dans la lutte contre les infections staphylococciques. En effet, cette bactériocine inhibe la croissance des souches de Staphylococcus aureus K dans les voies respiratoires de rats de laboratoire. De plus, le Clostridium difficile, un agent pathogène responsable de la diarrhée, présente actuellement une résistance aux antibiotiques à larges spectres comme la vancomycine et le métronidazole [154]. Pour pallier à ce problème, une évaluation réalisée par Rea et al. [155] de l’activité antimicrobienne de la thuricine CD produite par Bacillus thuringiensis a montré qu’elle est aussi efficace que les antibiotiques pour lutter contre C. difficile et elle ne présente pas de dommage significativement important sur le microbiote intestinal. En outre, certaines bactériocines ont des effets mortels sur les cellules cancéreuses [156]. Par exemple, l’azurine produite par Pseudomonas aeruginosa a un effet cytotoxique et 24 provoque l’apoptose ou la mort programmée des cellules cancéreuses [156]. De plus, la nisine [157], la subtilosine [158], la fermenticine [159], et la lacticine 3147 [160] altèrent la motilité des spermatozoïdes humains montrant ainsi leurs potentialités en tant que méthode contraceptive [161]. Par ailleurs, les bactériocines ou souches sécrétant les bactériocines sont utilisées dans le domaine de la santé animale pour favoriser la croissance des animaux : i) en tuant les agents pathogènes infectieux, ii) en favorisant la compétition pour les ressources nutritionnelles ou l’espace entraînant l’exclusion des agents pathogènes, et/ou en iii) modulant la défense immunitaire de l’hôte [161,162]. Par exemple, la microcine J25 est utilisée en élevage avicole pour tuer les salmonelles [163] et la colicine E1 favorise la croissance des porcelets en inhibant la croissance de souches entérotoxiques d’Escherichia coli [164]. De plus, l’additif alimentaire Bactocell® à base de souche viable de Pediococcus acidilactici, sécrétant la pédiocine, est commercialisé pour favoriser la croissance des salmonidés, crevettes, poissons, poulets et porcelets [165–168]. 

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Dans le domaine de la phytopathologie

 L’utilisation des bactériocines dans la lutte contre les bactéries phytopathogènes est encore limitée principalement en raison d’un manque de recherche sur la diversité et les mécanismes d’action de ces protéines chez les bactéries, plutôt que par leurs potentiels [169,170]. Dans la littérature, quelques études mettent en évidence l’intérêt de l’utilisation des bactériocines dans la lutte contre les bactéries phytopathogènes. Kerr et Htay [171] ont observé une atténuation de la formation de la galle du collet causée par Agrobacterium radiobacter var tumefaciens lorsque celui-ci est co-inoculé avec une souche apparentée non pathogène d’A. radiobacter var radiobacter (souche 84). Ils ont montré que cette atténuation de la formation de galle avait une corrélation forte avec la sensibilité des souches d’A. radiobacter var tumefaciens à la bactériocine produite par la souche 84 montrant ainsi le rôle de la bactériocine nommée agrocine 84 dans ce biocontrôle. Les gènes de synthèse et d’immunité à l’agrocine 84 sont situés au niveau du plasmide pAgK. Ce plasmide pouvant être transféré à d’autres bactéries pathogènes, une souche mutante K1026 portant une délétion au niveau du gène de transfert a été construite [172]. Aucun brevet n’a été déposé pour la souche 84 qui a commencé à être commercialisée à 25 partir de 1974 par deux compagnies australiennes sous forme de cultures gélosées ou d’inoculums purs à base de tourbe [173]. Par contre, la souche K1026 est brevetée. Elle est commercialisée en Australie, Etats-Unis, Canada, Turquie, Nouvelle Zélande, Chili, Japon et dans certains pays européens [173]. Lavermicocca et al., [174] ont inoculé Pseudomonas syringae subsp. savastanoi sur des entailles faites à des tiges d’olivier. Le traitement de ces entailles infectées à l’aide d’une bactériocine produite par Pseudomonas syringae pv. ciccaronei a réduit de 51 à 81% la formation de galles sur les tiges. De plus, la pulvérisation de la bactériocine à la surface des feuilles et rameaux d’olivier a affecté négativement la survie de P. syringae subsp. savastanoi. Hammami et al., [175] ont identifié la bactériocine Bac IH7 produite par la souche IH7 de Bacillus subtilis qui a une activité bactéricide contre la souche d’Agrobacterium tumefaciens C58, et une activité fongistatique contre la souche Candida tropicalis R2 CIP203. De plus, cette bactériocine a un effet désinfectant contre Xanthomonas campestris et Pseudomonas syringae sur des semences de tomate (Lycopersicon esculentum) et melon (Cucumis melo) préalablement contaminées. En outre, elle réduit significativement l’incidence de la fonte de semis dû à Alternaria solani sur des semences préalablement contaminées. Rooney et al., [176] ont fait exprimer la bactériocine putidacine L1 (PL1) par des plants d’Arabidopsis et Nicotiana benthamiana leur conférant ainsi une forte résistance à Pseudomonas syringae pv. syringae LMG5084. 

Modèle d’étude : le complexe d’espèces Ralstonia solanacearum 

Distribution géographique, spectre d’hôtes et importance socioéconomique e complexe d’espèces Ralstonia solanacearum (ceRs) est responsable de la maladie du flétrissement bactérien sur plus de 200 espèces végétales cultivées et sauvages distribuées dans 54 familles botaniques différentes (monocotylédones et dicotylédones) [9]. Il attaque des cultures d’importance socio-économique majeure telles que la pomme de terre, la tomate, la banane, le haricot et l’arachide. Le ceRs est largement distribué dans les régions tropicales, subtropicales et tempérées [10] (Figure 7). Par ailleurs, aux États-Unis, il est considéré comme agent potentiel de bioterrorisme [177] et en Europe comme organisme de quarantaine A2 (http://www.eppo.org/QUARANTINE/listA2.htm!). Figure 7: Répartition géographique du ceRs D’après, https://gd.eppo.int/taxon/RALSSO/distribution (latest update : 03-06-22) 

 Caractéristiques morphologiques et génomiques 

Les souches du ceRs sont des β-protéobactéries, aérobies de type gram négatif [178]. Elles se présentent sous forme de bâtonnet à contour arrondi, de 0.5 à 0.7 μm de largeur et de 1.5 à 2.5 μm de longueur [179]. La cellule bactérienne possède un ou plusieurs flagelles polaires [180] (Figure 8 A). Sur le milieu Kelman contenant du chlorure de triphényltétrazolium (TTC), après 2 à 3 jours d’incubation à 28°C, une colonie virulente L Figure FigureSEQ Figure SEQ Figure \\* ARABIC 7:A) Image au microscope électronique du ceRs * ARABIC 8: Répartition géographique du ceRs ; B) Colonies virulentes du ceRs sur un milieu contenant du TTC ; C) Colonies avirulentes du ceRs sur un milieu contenant du TTC 27 du ceRs a un contour irrégulier, est muqueuse et présente une tache rose au milieu de la colonie et un large bord blanc (Figure 8B), tandis que la colonie d’une souche avirulente de R. solanacearum est ronde, rugueuse et présente une tache rouge foncé au milieu de la colonie et un bord blanc étroit (Figure 8C) [181]. Figure 8: A) Image au microscope électronique du ceRs ; B) Colonies virulentes du ceRs sur un milieu contenant du TTC ; C) Colonies avirulentes du ceRs sur un milieu contenant du TTC. D’après, A) [182]; B) et C) [181]. Le génome de la bactérie est constitué d’un chromosome d’environ 3,7 Mégabase (Mb) et d’un mégaplasmide d’environ 2,1 Mb [183]. Le chromosome héberge 80% des gènes de ménage qui sont des gènes indispensables pour le fonctionnement de la cellule bactérienne et le mégaplasmide héberge plusieurs gènes qui sont impliqués dans la virulence de la bactérie et l’adaptation à l’environnement [183]. 3. Taxonomie et diversité phylogénétique En 1995, l’agent pathogène responsable du flétrissement bactérien prend le nom de Ralstonia solanacearum [184]; il était auparavant nommé Pseudomonas solanacearum (1914) puis Burkholderia solanacearum (1992) [185]. En raison de sa très large diversité génétique et phénotypique, R. solanacearum est considéré par la communauté scientifique comme un complexe d’espèces constitué de trois espèces et de cinq groupes phylogénétiques majeurs nommés phylotypes : i) R. pseudosolanacearum rassemble les souches du phylotype I originaire d’Asie et du phylotype III originaire d’Afrique ; ii) R. solanacearum regroupe les souches des phylotypes IIA et IIB originaires des Amériques ; iii) R. syzygii comprend les souches du phylotype IV originaire d’Indonésie – Australie – Japon [186,187] (Figure 9). À une échelle plus fine, chaque phylotype peut être subdivisé A B C Figure SEQ Figure \* ARABIC 9: Classification du ceRs 28 en lignées phylogénétiques nommées sequevars qui rassemblent les souches dont les séquences partielles du gène codant l’endoglucanase (egl) divergent à moins de 1% [188]. Actuellement, 71 sequevars ont été définis (Poussier, communication personnelle). D’après, [186,187]

 Cycle infectieux et symptomatologie

 Le ceRs est d’origine tellurique et infecte la plante au niveau de ses racines (Figure 10). Attiré par les exsudats racinaires de la plante hôte [189], il pénètre dans les racines via les ouvertures naturelles ou les blessures artificielles [190]. Dans la plante, le ceRs colonise d’abord les espaces intercellulaires du cortex interne racinaire puis envahit les vaisseaux du xylème. La bactérie s’y multiplie abondamment pouvant atteindre une densité de 1010 CFU/g de tige fraîche [191] et produit des exopolysaccharides (EPS) qui vont obstruer les vaisseaux et bloquer la circulation de l’eau dans la plante. Par conséquent, la plante flétrie irréversiblement et la bactérie retourne au sol pour vivre en mode saprophyte. Les symptômes dus à l’infection (Figure 11) peuvent varier suivant le type de plante hôte, mais plus fréquemment, les feuilles de la plante infectées par le ceRs flétrissent, rabougrissent et jaunissent . Elles peuvent également se plier vers le bas en épinastie . Des nécroses sont visibles au niveau des vaisseaux vasculaires infectés  et lorsque la tige est sectionnée transversalement un exsudat bactérien visqueux de couleur blanc-crème (EPS) peut apparaître. 

Table des matières

Introduction générale
Synthèse bibliographique
I. Epidémiologie moléculaire
1. Diversité et structure génétique des populations bactériennes
2. Intérêt de la méthode de génotypage MultiLocus Variable number of tandem repeats
(VNTR) Analysis (MLVA) en épidémiologie moléculaire
3. Facteurs impliqués dans l’émergence de lignée génétique phytopathogène
II. Bactériocines
1. Généralités sur les bactériocines
2. Classification des bactériocines
2.1. Bactériocines produites par les bactéries de type gram positif
2.2. Bactériocines produites par les bactéries de type gram négatif
3. Rôle biologique des bactériocines
4. Application des bactériocines
4.1. Dans le domaine de l’industrie agroalimentaire
4.2. Dans le domaine de la santé humaine et animale
4.3. Dans le domaine de la phytopathologie
III. Modèle d’étude : le complexe d’espèces Ralstonia solanacearum
1. Distribution géographique, spectre d’hôtes et importance socioéconomique
2. Caractéristiques morphologiques et génomiques
3. Taxonomie et diversité phylogénétique
4. Cycle infectieux et symptomatologie
5. Stratégies de lutte et de gestion
6. Distribution de la diversité génétique du ceRs
6.1. À l’échelle mondiale
6.3. À Madagascar
7. Etudes antérieures sur l’activité bactériocine du ceRs
IV. Objectifs et questions de recherche
Chapitre 1
Article 1
Contrasting genetic diversity and structure among Malagasy Ralstonia pseudosolanacearum
phylotype I populations inferred from an optimized Multilocus Variable Number of Tandem
Repeat Analysis scheme
Introduction
Materials and Methods
1. Bacterial isolates and phylogenetic assignment
2. VNTR identification and selection for MLVA
3. Primer design and assay optimization
4. MLVA genotyping
5. Data analysis
Results
1. Development of the RS1-MLVA scheme
2. Genotypic resolution of the RS1-MLVA scheme
3. RS1-MLVA revealed genetic diversity among Malagasy phylotype I populations and was discriminative at the field scale
4. RS1-MLVA revealed genetic structure among Malagasy phylotype I populations and showed the singularity of the most prevalent genetic cluster
Discussion
1. RS1-MLVA scheme, a genotyping tool adapted to study the population genetics of phylotype I, both at field and global scales6
2. RS1-MLVA unveiled contrasting genetic diversity and epidemiology among Malagasy phylotype I populations
3. Comparative epidemiology of Malagasy phylotype I, IIB-1 and III populations
Article 2 The epidemiology of the Malagasy Ralstonia pseudosolanacearum phylotype I genetic lineages
might be impacted by bacteriocin production
Introduction
Material and methods
1. Bacterial collections and phylogenetic assignment
2. MLVA typing
3. Genetic structure and diversity analysis.
4. Inhibition activity assays
5. Characterization of inhibitory activity in culture supernatants
6. Data analysis
Results
1. Phylogenetic assignments of the Malagasy isolates.86
2. Genetic diversity of the Malagasy phylotype I isolates.87
3. Population structure analysis of the Malagasy phylotype I isolates
4. Genetic links between the Malagasy and worldwide phylotype I isolates
5. Growth inhibition activity
Discussion
1. High prevalence of the phylotype I sequevar 18 in Madagascar
2. Broad spectrum inhibition activity of the sequevars 18 and 31
Chapitre 2
Introduction
Matériels et méthodes
1. Souches bactériennes étudiées
2. Protocole d’expérimentation de typage bactériocine
2.1. Production de bactériocines
2.2. Préparation des tapis bactériens et dépôts des spots de bactériocine
3. Contrôle de l’activité des bactériocines
4. Analyse des données de typage bactériocine
5. Protocole d’extraction d’ADN génomique à haut poids moléculaire
6. Séquençage, assemblage et annotation des génomes
7. Recherche in silico des clusters de gènes bactériocine
8. Analyse pangénomique des souches du ceRs
Résultats
1. Activités bactériocines des souches du ceRs
2. Qualité et quantité des ADN génomiques extraits
3. Qualité de l’assemblage des génomes
4. Caractérisation génomique des bactériocines chez les souches du ceRs
5. Vers la recherche d’autres gènes candidats pouvant être impliqués dans le succès
épidémiologique du I-18 à Madagascar et du I-31 dans les petites îles du SOOI
Discussion
1. Mise au point d’un protocole d’extraction d’ADN génomique à haut poids moléculaire chez le ceRs
2. Qu’est-ce qui pourrait expliquer le succès épidémiologique des lignées génétiques I-18 à
Madagascar et I-31 dans les petites îles du SOOI?
Conclusion générale et perspectives
1. Pertinence du schéma RS1-MLVA pour l’étude épidémiologique du phylotype I à Madagascar
2. Situation épidémiologique du ceRs à Madagascar et liens génétiques avec les souches internationales
3. Activité antibactérienne entre les souches du ceRs
4. Potentiel des bactériocines dans le biocontrôle du ceRs
Résumé
Abstract
Bibliographie
ANNEXES
Annexes chapitre 1
Annexes chapitre 2

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