Biodiversité et décomposition des litières dans les cours
d’eau
Pertes de masse foliaire
Les pertes de masse de litières permettent de refléter le fonctionnement des cours d’eau de tête de bassin hétérotrophe. Elles constituent une mesure des taux de décomposition et de l’efficacité des flux de nutriments et d’énergie au sein de l’écosystème. Sur le terrain, elles peuvent refléter le bon fonctionnement de l’écosystème (Gessner et Chauvet 2002), et constituent une mesure synthétique du fonctionnement de l’écosystème. Elles sont généralement évaluées par la technique des sacs à litière qui a été très largement utilisée par de nombreux auteurs afin de déterminer les taux de décomposition des litières en milieu aquatique (Bärlocher 2005). Le principe consiste à enfermer une masse connue de feuilles séchées (à l’air) dans un sachet, ancré lui-même au fond du cours d’eau. Après un temps d’immersion défini par l’expérimentateur le sac est sorti de l’eau, les feuilles nettoyées, séchées à l’étuve et pesées. Connaissant la masse initiale de litière on peut ainsi déterminer une perte de masse, que l’on exprimera en termes de pourcentage de masse restante, qui constitue un reflet de l’efficacité du processus de décomposition. Bien que critiquée en ce que les conditions dans de tels sacs ne reflètent pas les conditions réelles du milieu (Boulton et Boon 1991 ; Bärlocher 1997), cette méthode présente l’intérêt indéniable de permettre, par l’utilisation de filets de mailles différentes, la manipulation in situ des communautés de décomposeurs, par l’exclusion de certains groupes en fonction de leur taille. En effet des mailles grossières (5-10mm) permettront l’accès aux litières par la majorité des organismes tandis que des mailles fines (0.2-0.3mm) n’autoriseront l’accès qu’aux décomposeurs microbiens (Figure 6). Si les études de terrain permettent de caractériser in situ les taux de décomposition des litières, les expériences en laboratoire sont bien souvent nécessaires lorsque l’on veut par exemple étudier certains mécanismes relatifs au comportement des macro-invertébrés, ou encore manipuler la diversité fongique. Dans ce cadre, les litières sont souvent présentées aux détritivores sous forme de rondelles de dimension standard, qui permettent un conditionnement des litières plus aisé (inoculation par les champignons, stérilisation) et dont la masse initiale sèche (pas toujours disponible) peut être estimée grâce à un lot de rondelles témoin représentatif.
Hyphomycètes aquatiques
Isolement, culture et inoculation
La manipulation de la diversité des communautés fongiques associées aux litières (chapitre 3) nécessite la sélection, la mise en culture et le maintien de souches d’hyphomycètes aquatiques. Ces souches sont obtenues à partir d’échantillons d’écume prélevée sur le terrain, dans laquelle les conidies se trouvent fréquemment piégées (Ingold 1966). L’écume est étalée sur un milieu gélosé Malt-Agar (Malt 1% avec antibiotiques), et les conidies peuvent alors être repiquées individuellement sur un milieu nutritif (Malt 2% sans antibiotiques) après identification au microscope. Ces repiquages sont conservés à température moyenne (10-15°C) afin de permettre la germination de la spore et le développement de la colonie. Lorsque cette dernière atteint une dimension requise (en général 2-3 semaines), on prélève un morceau de gélose colonisé par le champignon (par exemple 5 lamelles d’environ 5x15mm) que l’on transfert, dans un environnement stérile, en microcosmes aéré en milieu nutritif liquide stérilisé (par litre : 0,01 g KNO3, 0,55 mg K2HPO4, 0,1 g CaCl2, 0,01 g MgSO4 · 7H2O, pH ajusté à 7) (Figure 7). Cette mise en milieu liquide entraîne la production de spores par la colonie. On peut alors confirmer l’identité taxonomique de la souche, et disposer des spores pour éventuellement amplifier la production (par étalement de la suspension de spores sur une nouvelle gélose) et inoculer les litières préalablement découpées en rondelles et stérilisées (autoclave). Les techniques d’isolement, de cultures et de conservation sont décrites de manière plus détaillée dans Descals (2005) et Marvanová (2005). Pour l’expérience présentée en chapitre 3, j’ai sélectionné 6 souches d’hyphomycètes aquatiques représentatives du cours d’eau dans lequel elles avaient été prélevées (Rémillassé). Ces espèces sont illustrées en figure 8. Après mise en culture en milieu liquide (microcosme aéré) j’ai procédé à l’inoculation de disques de litières préalablement autoclavés dans des Erlenmeyers contenant 800 mL de milieu stérilisé. Dans chacun d’entre eux ont été ajoutés un total de 90.000 conidies par ajout d’un volume approprié de suspension de spores. Le volume de milieu contenant ces conidies est déterminé par le calcul de la densité de spores dans les cultures, par mise entre lame et lamelle d’une goutte de suspension de volume connu ensuite colorée à la Fushine acide. Les spores sont comptées au microscope afin de déduire la concentration en conidies de la suspension, donc le volume à prélever pour avoir le nombre de spores voulu. Les erlenmeyers ont ensuite été placés à 15°C, constamment aérés et agités afin d’homogénéiser la suspension de spores. Le milieu a été renouvelé 3 fois par semaine afin d’extraire les produits d’excrétion et les lessivats libérés par les rondelles.
Macro-invertébrés
Maintien au laboratoire
De même que pour les hyphomycètes aquatiques, la manipulation de la diversité des shredders nécessite le maintien d’individus au laboratoire (voir Cobo (2005)). Les individus sont collectés sur le terrain à partir d’échantillons de litières naturelles ou de sédiments. Ils sont ensuite séparés de leur substrat avec précaution et leur identification est éventuellement confirmée à la loupe binoculaire. Leur maintien au laboratoire s’effectue dans des aquariums contenant de l’eau de la rivière (éventuellement filtrée) à basse température (<10°C), sous constante aération (bulleurs d’aquariophilie). Ils sont nourris pendant la stabulation avec un assemblage de litières naturellement inoculées, prélevées ou inoculées dans le cours d’eau par l’expérimentateur pendant plusieurs semaines (sacs à fine maille) et préalablement nettoyées. Afin d’éliminer les produits d’excrétion et les particules fines générés par leur activité, l’eau de l’aquarium est renouvelée 1 à 2 fois par semaine selon la densité d’individus. Les individus sont généralement mis au jeûne 24h avant le début de l’expérience, en particulier dans le cas d’expériences de consommation sur une courte durée. A la fin de l’expérience, ils sont sacrifiés et séchés à l’étuve (ou lyophilisés) si l’on veut en connaître la biomasse ou la composition élémentaire.
Identification et conservation
Au cours d’expériences de terrain, on peut vouloir mesurer a posteriori la diversité, la densité ou encore la biomasse des macro-invertébrés associés aux sacs à litière. Lorsque les sacs à litières sont retirés du cours d’eau, on les place dans des sachets plastiques (sacs congélation zip-lock par exemple). Au laboratoire, les feuilles sont nettoyées (voir II.1) et les macro-invertébrés récoltés puis fixés à l’éthanol à 70°. Les macroinvertébrés sont alors dénombrés et identifiés à la loupe binoculaire (x 20 – 40) à l’aide de clés de détermination. Au cours du chapitre 1 les macroinvertébrés ont été identifiés au niveau générique. Ce niveau taxonomique permet en règle générale de déterminer le groupe fonctionnel des organismes et donc d’identifier lesquels sont susceptibles de participer à la décomposition des litières. Les identifications et les attributions aux groupes fonctionnels ont été réalisées à l’aide des ouvrages suivant : Tachet et al. (2000) et Aubert (1959). Les macro-invertébrés peuvent alors être pesés au milligramme près après séchage à l’étuve pendant 24 heures à 105°C afin d’obtenir une mesure de la biomasse d’invertébrés au moment de la récolte des filets.
INTRODUCTION GENERALE |