Une grande variété de substances naturelles lipophiles persiste dans l’environnement malgré l’activité métabolique des microorganismes, des plantes et des animaux (Rohmer et Vandecasteele, 2005). Parmi ces substances lipophiles, les triterpènes constituent une classe de substances naturelles extrêmement abondante avec plus de 4000 composés identifiés (Dzubak et al., 2006). La fonctionnalisation de ces molécules par le biais des microorganismes est d’une grande importance en biotechnologie moderne parce qu’elle permet d’accéder à des molécules à haute valeur biologique ajoutée difficilement accessibles autrement (Angelova et Schmauder, 1999).
Toutefois, de nombreuses biotransformations sont à ce jour impossibles par ce biais ou conduisent à des rendements très faibles. Cela est fréquemment attribuable à des problèmes de biodisponibilité des substances. En effet, la faible solubilité des triterpènes dans l’eau, milieu réactionnel essentiel des biocatalyseurs, est un facteur limitant leur biotransformation. Plusieurs approches ont été envisagées pour contourner ce problème de non biodisponibilité du substrat. Ces approches font souvent appel à l’utilisation de solvants organiques miscibles (Chen et al., 2009; Yang et al., 2007; Tritz et al., 1999) ou immiscibles à l’eau (Carvalho et al., 2004; Staebler et al., 2004) et de surfactants (Wang et al., 2002; Smith et al., 1993). Ces produits chimiques peuvent affecter les fonctions biocatalytiques des microorganismes et avoir des conséquences néfastes sur la santé du personnel opérateur et sur l’environnement (Fernandes et al., 2003; Mahato et Garai, 1997).
L’immobilisation des cellules s’est révélée durant les deux dernières décennies comme une alternative à ce problème (Claudino et al., 2008; Báleš, 1994). En effet, la stabilité d’un microorganisme est souvent accrue lorsqu’il est fixé. Par ailleurs un tel procédé permet d’obtenir des concentrations en biomasse beaucoup plus élevées qu’en fermentation classique (Le Bec, 1981). La coupure de la chaîne latérale des stéroïdes par cellules immobilisées étudiées jusqu’à présent fait intervenir le plus souvent l’immobilisation passive des bactéries par adsorption sur des supports solides de nature minérale (Wendhausen et al., 2005; Llanes et al., 2001; Fernandes et al., 1998; Lee et Liu, 1992) ou organique (Claudino et al., 2008; Lee et Liu, 1992), l’inclusion des cellules dans des gels (Le Bec, 1981; El-Refai et al., 1995) et la micro-encapsulation (Malaviya et Gomes, 2008).
Cependant, les supports tels que les mousses de polyuréthane, les billes d’alginate et de silicone ne conviennent pas à l’application industrielle du fait de leur coût élevé, la diffusion restreinte du substrat à travers le support et leur faible stabilité mécanique (Hideno et al., 2007). D’autre part, les supports minéraux tels que la Célite® , la céramique et l’oxyde d’Aluminium nécessitent l’utilisation de grandes quantités de solvants organiques (Llanes et al., 2001; Fernandes et al., 1998).
La tendance « chimie verte » et « biotechnologie blanche » est actuellement à la recherche d’alternatives aux solvants polluants. C’est dans ce cadre, que nous nous sommes intéressés à la recherche de supports d’immobilisation pour la biotransformation de substances lipophiles sans utilisation massive de solvant.
En plus de la stabilité accrue et la plus grande biomasse, l’immobilisation des microorganismes peut induire une modification de leur croissance, leur physiologie et leur activité métabolique (Rong et al., 2007; Kourkoutas et al., 2004). En effet, il est connu que les conditions d’environnement de l’organisme ont une importance décisive dans l’induction et la répression de certaines de ces enzymes (Lefebvre, 1974). Ainsi, nous postulons que le rapprochement entre les microorganismes et les substrats dans des sites particuliers, par exemple au sein de matériaux poreux, puisse être un outil précieux pour induire la biotransformation de certaines molécules lipophiles non bio-convertibles actuellement ; tel est le cas de triterpènes des familles hopane et dammarane .
L’utilisation des biocatalyseurs pour la fonctionnalisation de substances naturelles est d’une actualité brûlante. Par comparaison aux méthodes de synthèse chimique classiques, les voies de bioconversion présentent un outil du plus haut intérêt dans les contextes d’une utilisation accrue des matières premières renouvelables, de la nécessité de favoriser les procédés éco-compatibles et du respect des contraintes du développement durable.
La synthèse chimique classique présente plusieurs inconvénients : nombreuses étapes, des catalyseurs souvent écotoxiques, rendements faibles, un temps de préparation long et une non-spécificité de certaines réactions (Schmid et al., 2001). Pour les transformations ponctuelles, les chimistes doivent relever le défi lancé par la nature et trouver des méthodes chimiques pour imiter la sélectivité et le rendement des transformations enzymatiques : il faut orienter une réaction sur un site de la molécule qui n’est pas activé par ses groupements classiques.
Par ailleurs, les réactions de bioconversion ont lieu dans des conditions de pH (5-8) et de température (20-40°C) modérées (Faber, 2000). L’avantage principal des voies de bioconversion par rapport à la synthèse chimique classique est l’obtention d’excès énantiomériques importantes. Vu que l’activité biologique dépend souvent d’un seul énantiomère, cet aspect est primordial (Prescott et al., 2003; Faber, 2000; Loughlin, 2000).
Introduction Générale |