BEAUTÉ ET PRATIQUES CORPORELLES DES FEMMES

BEAUTÉ ET PRATIQUES CORPORELLES DES FEMMES

LE CORPS FÉMININ À TRAVERS LE TEMPS ET L’ESPACE

L’éternelle quête de la beauté Les canons de beauté féminins sont culturellement déterminés. Ainsi, il existe des variabilités dans le temps et dans l’espace. Selon les époques, le corps de la femmes, construction socioculturelle incontestable, n’a pas cessé d’être modelé. Ses formes peuvent être analysées au fil des époques et des cultures au travers des représentations qu’en ont faites les hommes. Ainsi, elles sont une formidable source d’enseignements tant sur les critères esthétiques que sur les conditions sociales et économiques de l’époque. Une observation attentive attire l’attention sur l’importance de la pression de l’environnement par rapport à l’évolution des morphologies : la disponibilité de la nourriture et la nécessité ou non d’une activité physique ont largement conditionné, à travers les âges et les cultures, non seulement le « morphotype » de la femme, mais aussi les canons de la beauté académique. L’Histoire s’inscrit dans les corps féminins. Du sourire de la Joconde de Léonard de Vinci au caractère dynamique de la démarche de la femme parisienne du XIXe siècle, l’histoire de la beauté physique reflète une lente conquête. Il est intéressant d’analyser les multiples étapes historiques et sociologiques qui mènent jusqu’à nous. Les rares représentations du corps féminin, durant la préhistoire, montrent des silhouettes épanouies qui renvoient à une prise de nourriture profuse et une promesse de fécondité ; les deux étant liées.

Historique

Durant l’Antiquité, les femmes sont harmonieusement proportionnées. Les statues antiques les montrent élancées, sportives, avec des fesses rondes, une poitrine en proportion et des hanches larges qui marquent leur fécondité. Elles ne présentaient pas un excès pondéral. Quant au Moyen-Âge, il se caractérise par un nouveau revirement de situation. Les privations alimentaires accompagnent la spiritualité et s’opposent à la peur de l’enfer. Les représentations des miniatures de Van Eyck ou de Van Der Goes nous montrent des corps féminins effilés, maigres et « désérotisés ». Le corps humain, créé par Dieu et sans existence autonome, doit rester du ressort du théologique. Le corps des femmes médiévales représentées est émacié, désincarné, sans vie réelle. Les saintes étaient souvent de grandes anorexiques. À la Renaissance, les règles théologiques s’assouplissent et la philosophie antique revient à l’honneur. Parallèlement, les canons de beauté du corps féminin évoluent. La femme doit être jeune, belle et saine pour répondre aux besoins de la fécondité. Le visage, ovale, la gorge, peu lourde mais amincie vers le bas), les mains, petites et minces, sont les critères, par excellence, de l’évaluation de la beauté féminine à cette époque où le deuxième sexe devient le « beau sexe », magnifié par les peintres et les poètes. La peau à la couleur blanche est survalorisée ; le bronzage étant une caractéristique associée aux pauvres qui travaillent sous le soleil et en plein air. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les rondeurs sont à la mode. Rubens et Girardot peignent des femmes épanouies aux attitudes très sensuelles. Les transformations du régime alimentaire permises par les révolutions agricoles et l’industrialisation vont se répercuter sur les morphologies. Le corps bien nourri des femmes devient le signe de la prospérité et ouvre, en même temps, des promesses de volupté. Mais, à la fin du XVIIIe siècle, nous assistons à l’apparition de l’engouement à l’endroit de « l’efficacité des corps et du renforcement des santés » avec les marches de plein air, le bain de mer et la valorisation progressive de la gymnastique. Les préoccupations hygiénistes engendrent l’apparition de corps affermis et bientôt musclés. Au XIXe siècle, les critères de beauté féminine s’alignent autour de la silhouette du corps dont les courbes et les cambrures doivent dévoiler la féminité. Ce faisant, les vêtements mettent en valeur les fesses et les seins en cachant le ventre ; le corset étant conçu pour jouer ce rôle. Le XXe siècle voit l’apparition de l’institution et de la généralisation des vacances. Un autre rapport au corps s’impose pour donner naissance à une nouvelle esthétique se définissant autour des corps épilés, d’un bronzage incontournable et surtout d’une « dictature » de la minceur. Le corset disparaît et le corps se dénude. La nudité est acceptée et des plages réservées aux nudistes aux yeux de qui les vêtements constituent une prison pour la charpente corporelle. Le contrôle de l’alimentation devient un signe de qualité de vie et la « malbouffe », une déviance. Le poids idéal d’une femme mesurant 1,68 m est passé, selon les indicateurs des revues de beauté, de 60 kg en 1933 à 48 kg en 2008. Aujourd’hui, le modèle dominant est celui de la femme sportive, active et ultramince. La minceur est un symbole de richesse puisqu’elle est souvent le résultat d’une saine alimentation, de séances de gymnastique, de loisirs et d’un certain niveau d’éducation 120 qui va de pair avec le niveau de vie195. Les rondeurs sont des synonymes de laisser-aller, de perte de contrôle face à l’abondance alimentaire et de nourriture « bon marché ». La consommation débridée de nourriture n’est plus, comme auparavant ou en Afrique, un signe de bien-être social, mais un stigmate du mal-être. L’époque contemporaine est également marquée par l’explosion brutale de l’industrie pour l’embellissement. Les gammes de soins et de produits de beauté explosent et les chirurgies esthétiques permettent aux femmes de remodeler leur corps à leur guise. Le corps devient leur unique objet de désir et le support privilégié de leur identité. De la sorte, la minceur, la différenciation sexuelle, la symétrie, la jeunesse, et la WHR deviennent les principaux critères occidentaux ou universels de beauté féminine.

Uniformisation des critères de beauté

La valeur des femmes est intimement rattachée à leur beauté. Elles sont particulièrement évaluées selon les critères de beauté en vigueur. Les sociétés occidentales sont envahies d’images de femmes « parfaites », loin de ressembler aux femmes « ordinaires ». Dans le même temps, les médias véhiculent une image de beauté à laquelle tout le monde veut se conformer. De nos jours, les critères de beauté ayant évolué, le physique des femmes a suivi. La beauté féminine constitue un grand privilège. Nous sommes dans l’ère du déni de la beauté intérieure qui ne fait plus beaucoup sens si, toutefois, elle n’est pas associée à la beauté physique. La femme a un « devoir et un droit de beauté » qui est, en réalité, une obligation sociale. 

La minceur

Un des premiers critères sociaux « universels » de la beauté est la minceur. Présentée par les médias comme accessible à toutes, avec le recours à des services divers ou l’aide produits variés de consommation, les femmes tentent alors de s’y conformer en y perdant, souvent, leur temps, leur argent, leur énergie, leur santé et leur estime de soi. Personne ne peut nier le fait que, de nos jours, les images omniprésentes du modèle unique de beauté féminine, largement véhiculées par les médias et l’industrie de la mode, ont des répercussions non négligeables sur la santé physique et mentale des femmes. L’anorexie est l’une des premières  conséquences de ce mal-être. Des femmes et des jeunes filles, pour la plupart du temps, même déjà très minces, cherchent à restreindre leur alimentation en vue de perdre du poids. Les quantités consommées sont anormalement basses, et beaucoup d’aliments sont évincés. Les conséquences sont alors catastrophiques pour la santé. De plus, le modèle unique proposé par les médias cause une souffrance silencieuse à toutes les femmes qui ne rentrent pas dans « la norme », celle dite de la « modernité ». 

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La différenciation sexuelle dans la définition du corps

Les femmes mettent en avant leurs atouts physiques, c’est-à-dire ceux qui leur semblent être les plus valorisés et coptés par les hommes, car les représentations dominantes considèrent qu’une femme ne doit, en aucun cas, ressembler à un homme. Il faut bien garder sa morphologie physique féminine en se comportant comme tel. Les cheveux blonds, symbole de la clarté et donc associés à la féminité, prennent le dessus sur les cheveux de couleur sombre. C’est, sans doute, cette entrée des cheveux dans le cercle des critères de beauté qui explique pourquoi la blondeur est associée à la beauté. Les femmes blondes sont socialement considérées comme les plus féminines que les brunes et les rousses. Aussi, le teint est très important lorsqu’il s’agit de définir la beauté d’une femme qui doit être plus blanche que l’homme. Pour cette raison, il n’y a que très peu de top models de couleur. D’autres critères non négligeables d’évaluation de la beauté existent. Les seins, une marque de différenciation sexuelle et d’âge, doivent, selon l’usage, être ronds et volumineux pour la satisfaction des hommes. De plus, les longues jambes sont, usuellement, considérées comme un critère de beauté. La longueur des jambes est perçue comme un signe de croissance et de jeunesse persistante. Une hypothèse veut que la longueur des jambes serait le signe d’une croissance prénatale réussie car, dit-on, en cas de carence alimentaire, la croissance des extrémités du fœtus est restreinte au profit de celle du cerveau. 

La symétrie

Signe d’une croissance normale, c’est-à-dire d’une situation où les gènes du système immunitaire sont adaptés à l’environnement, les visages symétriques possèdent des caractéristiques qui sont attractives, même si ces dernières ne sont pas encore scientifiquement définies. 

Poids, volume et WHR

Un WHR de 0,71 chez la femme et de 0,95 chez l’homme est un critère de beauté occidentale ou universelle. Le WHR, indice de santé et de fécondité, est lié à la répartition des masses graisseuses, c’est-à-dire à l’action hormonale. La différence de taille moyenne met les femmes au niveau de jeunes adolescents. D’ailleurs, il est facile de constater que les critères occidentaux de beauté s’imposent de plus en plus irrésistiblement au reste du monde. En Chine, par exemple, durant la dynastie des Qing, la femme idéale devait être maigre, avoir la peau très blanche et de petits pieds. Les Chinoises de l’époque se bander les pieds très jeunes pour les garder petits et ainsi éveiller le désir des hommes. Pendant la Révolution culturelle chinoise (1966-1976), il n’était plus permis de ressembler à une femme car tout le monde doit revêtir l’uniforme traditionnel communiste. Aujourd’hui, par contre, les femmes chinoises aiment être grandes avec des yeux et un nez d’occidentale. Ainsi, De Sao Paulo à Tokyo, en passant par Lagos ou Pékin, l’idée que l’on se fait d’une belle femme est, malgré quelques exceptions, plus ou moins, partout la même. Récemment, l’élection de Miss Monde 2007 a couronné, pour la première fois, une jeune femme chinoise. Or, cette Chinoise mesurait 1 mètre 82, pesait 49 kilos, avait des yeux non bridés, le teint pâle, le nez fin et de longues jambes. De nos jours, en Chine, les femmes grandes et longues sont de plus en plus appréciées. À titre d’exemple, lorsque la compagnie aérienne China Southern a lancé une campagne télévisée pour recruter 180 hôtesses, les candidates, impérativement âgées de moins de 24 ans, devaient être minces et plus grandes que la moyenne. Des milliers de jeunes femmes se sont présentées. Aujourd’hui, l’expérience montre que la plupart des jeunes chinoises se soumettent à des régimes et se trouvent trop grosses, même avec un Indice de Masse Corporel (IMC) parfaitement normal. Le maquillage, jugé autrefois décadent et contre-révolutionnaire, est de plus en plus en vogue. Pour preuve, le portrait de Laetitia Casta, l’ambassadrice de L’Oréal, s’affiche, un peu partout, dans les centres commerciaux. À côté des cosmétiques, la chirurgie esthétique rencontre un succès impressionnant pour le débridement des yeux et le rallongement du nez, plus particulièrement. Ces deux opérations représentent la majeure partie des actes chirurgicaux197. L’exemple de la Chine n’en est qu’un parmi tant d’autres.

Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : D’UNE SOCIO- ANTHROPOLOGIE DU CORPS A UNE SOCIO ANTHROPOLOGIE DE LA BEAUTE
Chapitre 1: Du corps à la beauté : quel objet pour la socio-anthropologie ?
Chapitre 2: Les critères canoniques de beauté de la femme sénégalaise à l’épreuve des nouvelles pratiques
1. Le problème : la beauté féminine à l’œuvre
2. Objectifs de recherche
3. Hypothèses
4. Définition de quelques concepts-clés du sujet
5. Le concept opératoire de recherche : la représentation sociale
Chapitre 3: Méthodologie de recherche
6. Choix de la méthode
8. Échantillonnage
9. Difficultés rencontrées
Deuxième partie : Critères de beauté et pratiques corporelles, entre permanence et dynamiques (transformations, changements)
Chapitre 1: Le corps féminin à travers le temps et l’espace .
1. L’éternelle quête de la beauté
2. Discours sociaux autour des pratiques corporelles des femmes
3. Le caractère contraignant de la sexualité des femmes
4. L’usage du vêtement féminin
Chapitre 2: Définition et importance socioculturelle de la beauté de la femme à Dakar
1. Conquête et reconquête de l’identité
1. La pratique du tatouage
2. La pratique de la dépigmentation
3. Les pratiques pour grossir le corps
BIBLIOGRAPHIE

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