Bâtir un réseau de transport
Le réseau WAN qui interconnecte les réseaux LAN utilise les services d’un réseau de transport. Celui-ci véhicule également de la voix, de la vidéo, etc. Le réseau de transport correspond aux couches physiques (niveau 1) et logiques (niveau 2). Sur le LAN nous avions Ethernet, sur le WAN nous allons avoir ATM et Frame Relay. Ces technologies répondent à des contraintes plus larges que celles d’une interconnexion de LAN. Notre réseau intersite n’est donc qu’un utilisateur parmi d’autres, tels qu’un réseau de PABX pour la téléphonie ou des connexions entre salles de visioconférence. Dans ce chapitre, vous apprendrez ainsi : • à interconnecter des réseaux locaux via Frame Relay et ATM ; • à configurer les circuits virtuels ; • à gérer la qualité de service ; • à connaître la signalisation et l’adressage. © Éditions Eyrolles Bâtir un réseau de transport Interconnecter ses réseaux 188 LS, Frame Relay ou ATM ? En tant qu’utilisateur, seul le service compte, quelle que soit la technologie employée. Le choix de l’une des trois solutions qui s’offrent à nous se fera en fonction de nos besoins, de l’offre du marché et du coût, que ce soit dans le cadre d’une solution privée ou opérateur. Comme nous l’avons vu au chapitre précédent, il est possible de choisir entre différentes technologies et différents niveaux de service. Pour une interconnexion de réseaux locaux, la LS est la solution idéale. À partir d’un certain nombre de sites (une dizaine, voire moins à l’international), la solution opérateur reposant sur un réseau Frame Relay ou ATM devient plus rentable. La technologie Frame Relay est actuellement la plus répandue, mais les opérateurs investissent dans ATM. En 1997, leurs réseaux reposaient pour 30 % sur une infrastructure Frame Relay et pour 45 % sur ATM. En 1998, la proportion était de 22 % pour Frame Relay et 61 % pour ATM. Solution privée ? oui Frame Relay 64 Kbit/s à 34 Mbit/s Service opérateur niveau 2 : Frame Relay ou ATM Se Non rvice opérateur niveau 1 : LS Voix + données ? Besoin de hauts débits ? ATM plus de 34 Mbit/s PPP 64 Kbit/s à 2 Mbit/s oui oui Non Non Pour l’utilisateur, un accès Frame Relay revient cependant moins cher. Les opérateurs réservent donc ATM pour des accès à haut débit (34 Mbit/s et plus), et limitent les accès FrameRelay à 34 Mbit/s (plus rarement à 45 Mbit/s). Techniquement, ATM a tout pour s’imposer, mais l’histoire de l’informatique nous a montré que cela n’est pas un gage de pérennité. Rappelons-le, les protocoles qui se sont imposés sont les plus simples, les moins chers et surtout les mieux adaptés aux besoins des utilisateurs. © Éditions Eyrolles Bâtir un réseau de transport CHAPITRE 10 189 Par exemple, les principaux inconvénients d’ATM sont : • un overhead très important (plus de 10 %) ; • un manque de maturité dans la normalisation et les offres. En revanche, le point fort d’ATM réside dans sa capacité multiservice : il permet de créer des réseaux locaux et étendus (LAN et WAN) et transporte les flux multimédias. Malheureusement, c’est justement sur ces points qu’ATM manque de maturité : les normes ne sont pas stabilisées, ou non satisfaisantes, et aucune offre ne permet de transporter simultanément les flux voix, données et vidéo. En réalité, ATM est actuellement utilisé en tant que : • réseau fédérateur WAN pour les réseaux fédérateurs (backbone) des opérateurs ; • réseau fédérateur LAN par les entreprises, en association avec les réseaux virtuels LANE (LAN Emulation). Mais, même sur ces créneaux, il est concurrencé par le Gigabit Ethernet. Critère Frame Relay ATM Débit De 64 Kbit/s à 45 Mbit/s À partir de 34 Mbit/s Qualité de service Gestion des congestions, débit garanti Gestion des congestions, débit garanti, trafic synchrone, priorités Réseau WAN LAN et WAN Application Voix et données (vidéo via IP) Voix, données et vidéo DSU FRAD DXI ou ATM Overhead pour un MTU de 1 500 octets 0,5 % 10,4 % au minimum Adressage Local (DLCI) Local (VPI/VCI) Normes ITU Q.922 / Q.933 ITU I.361 à I.363 / Q.931 et ATM Forum Transport d’IP RFC 2427 (NLPID/SNAP) RFC 1483 (LLC/SNAP) RFC 2225 (Classical IP) À côté de ces deux protocoles, nous retrouvons nos LS (lignes spécialisées) qui sont dans tous les cas la base d’un réseau de transport Frame Relay ou ATM. Nous pouvons même décider de bâtir notre réseau uniquement sur des LS, comme nous l’avons fait pour notre première interconnexion. Mettre en place un réseau de LS La mise en place d’un réseau de LS implique de commander nous même les liaisons auprès des opérateurs locaux. En France, on peut s’adresser à France Télécom et, bientôt, à d’autres pour toutes nos LS. Il suffit d’indiquer à l’opérateur le débit souhaité, les adresses des sites à connecter et, si cela est proposé, le type d’interface désirée : V.35 ou X21/V11 la plupart du temps. © Éditions Eyrolles Interconnecter ses réseaux 190 Figure 10-1. Réseau intersite reposant sur des LS. Pour la liaison internationale Strasbourg-Londres, le problème se complique puisque vous avez affaire à deux opérateurs, BT et France Télécom, par exemple. La liaison est administrativement découpée en demi-circuits, chacun étant géré par l’opérateur situé aux tenants et aboutissants de la LS. Votre correspondant à Londres doit donc s’adresser à BT pour la fourniture du demi-circuit anglais, et vous devez faire de même auprès de France Télécom pour le demi-circuit français. Dans le cas où la LS traverse plusieurs autres pays, aucune autre démarche n’est à effectuer. Les opérateurs ont passé des accords de coopération multilatéraux et ont mis en place des structures de coordination pour que les demi-circuits soient regroupés en une seule liaison internationale. Cette procédure est transparente pour vous. Néanmoins, le délai de mise en service est généralement de dix semaines, voire plus dans certains pays. La mise en service de la LS se concrétise par l’installation d’un modem numérique CSU (Channel Service Unit) dans vos locaux et par un test BERT (Bit ERror Tests). Ce dernier consiste à envoyer un train continu de bits pendant une durée minimale de 24 heures, et à mesurer le taux d’erreur qui ne doit pas dépasser 10-6 à 10-10 (une erreur tous les dix milliards de bits). Généralement, l’opérateur vous accorde un délai de quelques jours avant de déclarer la liaison opérationnelle et de débuter la facturation. Cela vous permet de tester la liaison avec vos routeurs.
Mettre en place un réseau Frame Relay
Faire appel à un opérateur permet de ne s’adresser qu’à un seul interlocuteur, quels que soient les pays concernés. Même en retenant un opérateur étranger pour vos sites français, celui-ci se chargera de commander les liaisons d’accès (en fait, des LS aux technologies E1 ou xDSL) auprès de l’opérateur local. Il suffit de lui indiquer les adresses de vos sites pour qu’il commande les LS entre vos sites et ses POP les plus proches. S0 E0 E0 E0 E0 192.168.0.1 1 Mbit/s 128 Kbit/s 10.0.0.1 E0 E0 S1 RNIS S0 Bri0 S0 Bri0 256 Kbit/s S1 S0 1 Mbit/s 512 Kbit/s S0 S1 S0 S1 S2 10.16.0.1 Strasbourg Londres E0 128 Kbit/s 10.12.0.1 128 Kbit/s 10.8.0.1 10.4.0.1 10.4.0.2 Marseille Toulouse Toulouse Orléans Paris S3 S0 S2 © Éditions Eyrolles Bâtir un réseau de transport CHAPITRE 10 191 Comme pour la LS, l’opérateur local installe son modem numérique (le CSU) dans vos locaux. L’opérateur retenu pour le réseau Frame-Relay installe ensuite un commutateur appelé FRAD (Frame-Relay Access Device) qu’il va connecter au modem. L’interface série du routeur sera ensuite connectée à un des ports du FRAD. Figure 10-2. Responsabilités des configurations de l’accès Frame Relay. Le FRAD est un équipement de conversion entre des protocoles d’entrée (interfaces E1, X.21/V11, voix, données, etc.) et le protocole Frame Relay. Cet équipement prend les paquets IP issus d’un routeur, ou les canaux voix issus d’un PABX, et les encapsule dans les trames Frame Relay. Le FRAD est relié via la liaison d’accès au commutateur Frame Relay situé dans le POP de l’opérateur. Plusieurs flux sont ainsi multiplexés sur une même liaison. Figure 10-3. Réseau intersite reposant sur un réseau opérateur Frame Relay. Les avantages sur la première solution sont immédiatement perceptibles : • Il n’y a plus qu’une seule LS par site. Nous avons besoin de moins d’interfaces série, ce qui diminue d’autant le coût de nos routeurs. • Les LS sont locales entre nos sites et les POP de l’opérateur, ce qui diminue également leur coût. LS d’accès FRAD CSU FR Opérateur Frame-relay Opérateur local Routeur Backbone de l’opérateur Opérateur Frame-Relay Votre local technique POP Vous ou l’opérateur Frame-relay E0 E0 E0 E0 192.168.0.1 512 Kbit/s 128 Kbit/s E0 E0 10.0.0.1 S1 RNIS S0 Bri0 S0 Bri0 S0 512 Kbit/s 512 Kbit/s S0 S0 S0 10.16.0.1 E0 128 Kbit/s 10.12.0.1 256 Kbit/s 10.8.0.1 10.4.0.1 10.4.0.2 Orléans S0 Frame Relay 1 Mbit/s 128 Kbit/s Strasbourg Londres Marseille Toulouse Toulouse Paris © Éditions Eyrolles Interconnecter ses réseaux 192 Critère Solution opérateur Solution privée Caractéristiques de l’offre Un réseau fédérateur et des liaisons locales. Des liaisons longue distance entre les sites. Déménagement d’un site Facile : une liaison locale à changer. Coûts réduits. Difficile : plusieurs liaisons longue distance à changer. Coûts élevés dus aux changements et à la période de recouvrement. Modification des débits Très souple : débit des liaisons locales et/ou des CIR. Assez difficile (surtout à l’international) : changement du débit des liaisons longue distance. Redondance de site (second site en secours du premier) Possible : une liaison locale sur le site principal et une sur le site de secours. Impossible, sauf à doubler les liaisons longue distance (très cher). Exploitation du réseau Prise en charge par l’opérateur. Prise en charge par le client via des contrats de maintenance. Nous avons conservé notre LS entre Paris et Orléans, car le réseau opérateur était plus cher dans ce cas précis. Cela permet de montrer l’usage de trois réseaux d’opérateurs : liaison spécialisée, RNIS et Frame-Relay. Par ailleurs, deux liaisons d’accès ont été conservées à Toulouse car le site est stratégique.
Qualité de service et facturation
Un opérateur s’engage toujours sur une qualité de service et base son offre commerciale sur les mécanismes offerts par les protocoles qu’il utilise. Par exemple, Frame Relay permet de gérer la congestion du réseau, de diminuer le débit des LS et donc les coûts. Comment ? La réponse est intimement liée au fonctionnement du protocole Frame Relay. Débit garanti Tout d’abord, le réseau garantit à l’utilisateur un volume de Bc (committed burst size) kilobits pendant une période de Tc (committed rate measurement interval) secondes, définissant ainsi un débit garanti CIR (Committed Information Rate) : CIR = Bc / Tc. Lorsque le commutateur voit passer plus de Bc kilobits pendant Tc secondes (c’est-à-dire lorsque le débit dépasse le CIR), le bit DE (Discard Eligibility) des trames en dépassement est positionné à “1”. Cela signifie que ces trames seront détruites en priorité en cas de congestion du réseau. Ensuite, le réseau autorise à l’utilisateur un volume supplémentaire de Be (excess burst size) kilobits pendant une période de Tc secondes, définissant ainsi un débit en excédent EIR (Excess Information Rate) : EIR = Be / Tc. Lorsque le commutateur voit passer plus de Bc+Be kilobits pendant Tc secondes (lorsque le débit dépasse l’EIR), toutes les trames en excès sont détruites. © Éditions Eyrolles Bâtir un réseau de transport CHAPITRE 10 193 Généralement, la période de mesure Tc est fixée à une seconde, et l’AIR (Allowed Information Rate = CIR + EIR) ne dépasse pas le débit de la liaison d’accès. Figure 10-4. Qualité de service Frame Relay. Le débit des liaisons internes au réseau peut être inférieur à la somme des AIR des clients. L’opérateur se fonde sur des calculs de probabilité qui montrent que tous les clients n’utiliseront pas leur AIR en même temps (surbooking), et compte sur les mécanismes de contrôle de congestion offerts par le protocole pour résoudre les problèmes. Cela permet à l’opérateur de ne facturer que le CIR (le débit garanti), l’EIR étant gratuit ou presque. Dès lors, tout le monde “joue” sur les CIR : le client pour payer le moins cher possible, et l’opérateur pour dépenser le moins possible. Le débit de la liaison d’accès peut ainsi être de 512 Kbit/s, et celui du CIR de 64 Kbit/s ; cela permet d’obtenir un débit maximal de 512 Kbit/s tout en ne payant que pour 64 Kbit/s. Inversement, pour un site central, la somme des CIR peut être égale à 200 % du débit de la liaison d’accès (on espère alors que toutes les applications n’utiliseront pas le réseau en même temps). Cependant, le débit offert au-delà du CIR n’étant pas garanti, les temps de réponse risquent d’être mauvais et erratiques. Il est donc conseillé de dimensionner suffisamment les CIR afin d’obtenir une bonne qualité de service, notamment pour les applications que vous considérez comme étant critiques et surtout pour les flux voix.