Climat et tectonique, et en particulier les relations qui existent entre le soulèvement de la croûte continentale, induisant le développement de topographies élevées, et les processus d’altération et d’érosion, sont à l’origine des processus qui résultent en la formation de sédiments et la dissolution d’éléments chimiques dans les eaux. En particulier, la composition chimique des eaux joue un grand rôle dans le cycle biogéochimique de la Terre. La composition chimique de la fraction détritique est déterminée pour ses grandes lignes par la composition originelle des roches sources, leur degré d’altération, et les processus qui surviennent au cours de son transport et son accumulation. L’activité tectonique induit la formation des reliefs, qui deviennent les zones sources à la fois des éléments détritiques et solubles. Les conditions climatiques locales à globales (en particulier les paramètres température et précipitations) déterminent elles les paramètres physiques de l’altération et de l’érosion.
Les processus tectoniques possèdent tous une signature géochimique particulière inscrite dans les sédiments qu’ils génèrent, signature qui caractérise : 1) un signal de provenance, et 2) des mécanismes sédimentaires particuliers qui leur sont associés (Rollinson, 1993). Pour des sédiments tels que les grès, les relations existant entre leur composition géochimique, l’origine de ces sédiments et leur contexte tectonique sont des outils efficaces dans l’interprétation de roches et d’environnements anciens mal préservés. L’utilisation des compositions des sédiments en éléments majeurs (Bhatia, 1983; Roser and Korsch, 1986; 1988) et en éléments traces (Bhatia and Crook, 1986) dans des diagrammes d’identification se sont révélés fort efficaces dans la reconnaissance d’environnements tectoniques particuliers.
Afin de vérifier la véracité de certains diagrammes d’identification de contextes tectoniques dans le cas de sédiments anciens, il est possible de comparer les champs géochimiques identifiés à ceux définis pour des sédiments actuels déposés dans des contextes tectoniques parfaitement identifiés. Ceci a déja été fait (Bhatia, 1983; Bhatia and Crook, 1986; Roser and Korsch, 1986; Roser, 1996) mais de nouvelles données concernant des sédiments bien identifiés dans des contextes tectoniques reconnus afin d’affiner et valider définitivement les critères d’identification. Dans ce travail, nous utilisons des informations concernant des sédiments récents (Pléistocène supérieur à Holocène) dans un environnement tectonique parfaitement bien connu, celui du Système de Rift Est-africain. Dans ce contexte, deux exemples ont été choisis comme correspondant à des stades jeunes de la formation d’un bassin de rift. L’analyse des sédiments associés à ces contextes a permis de d’établir une signature chimique désormais représentative de stades précoces du rifting.
En ce qui concerne les recherches concernant les changements climatiques récents en Afrique, l’attention des chercheurs est essentiellement orientée vers les bio-indicateurs tels les pollens (e.g. Vincens et al., 1993; Vincens et al., 2005) et les diatomées (e.g. Gasse et al., 1989; Gasse et al., 2002), à l’opposé des marqueurs géochimiques. A ce jour, à l’exception de l’utilisation des marqueurs en géochimie organique dans les sédiments lacustres et en ce qui concerne l’Afrique, les recherches sur les lacs Ouest-africains et le lac Malawi (e.g. Schneider et al., 1997; Talbot and Laerdal, 2000; Johnson et al. 2004; Talbot et al., 2006), les marqueurs en géochimie sédimentaire n’ont été que très peu utilisés sur les sédiments récents, alors qu’ils l’ont largement été pour des séries sédimentaires anciennes (e.g. Fedo et al., 1997).
Le bassin de Makgadikgadi-Okavango-Zambèze (MOZ) est un vaste bassin intracontinental d’âge Plio-Pléistocène dont l’histoire est contrôlée par l’évolution d’un système de failles parallèles de direction NE-SW (Figure I-2). Ces failles délimitent depuis les extrémités sud et nord des bassins des lacs Tanganyika et Malawi un ensemble de fossés à histoire structurale complexe (fossés anciens d’âge Karoo, ou fossés plus récents). Au sein de cette structure MOZ, le Bassin de l’Okavango est un demi-graben dont la formation est liée à la croissance de trois failles de direction NE-SW, les failles de Gumare, Kunyere et Thamalakane. Le Bassin de l’Okavango est situé dans la zone climatique de l’Afrique du Sud centrale mais son bassin versant s’étend vers le nord-ouest jusqu’aux reliefs de l’Angola situés en zone tropicale.
Le Bassin du lac Tanganyika appartient à la branche ouest du Rift Est-africain, située en zone tropicale. Le Bassin de Mpulungu est le plus méridional des sept sous-bassins qui constituent le Bassin du Tanganyika (Tiercelin and Mondeguer, 1991). Sa structure est contrôlée sur son flanc sud-ouest par plusieurs failles de direction N140°, qui s’associent pour former la faille bordière de Mpulungu. Un groupe de failles de direction N30° et N70° intersecte la faille bordière de Mpulungu et contrôle la morphologie des bassins des lacs Mweru et Mweru-Wantipa (Figure I-3). Associés au Bassin de Mpulungu, ces deux bassins sont les plus septentrionaux du «Complexe Sud» (ou Branche sud-ouest) du Rift Est-africain (Mondeguer, 1991). Le Bassin de Mpulungu est le plus récent des sous-bassins du lac Tanganyika. Il s’est formé entre 4 et 2 millions d’années, le segment central du Tanganyika étant lui daté de 12-10 millions d’années (Cohen et al., 2000).
Le Rift Est-africain est célèbre pour les nombreuses découvertes de sites à hominidés anciens, qui ont donné lieu à une littérature fort abondante (Leakey et al., 1964 ; Patterson and Howells, 1967; Johanson and Taieb, 1976; Tattersall, 1993; Prat et al., 2005). La détermination de l’extension spatiale et temporelle des changements d’environnement occasionnés par les variations du climat en Afrique de l’Est et les phénomènes tectoniques liés au développement du rift, a fait l’objet d’études quantitatives afin de mieux comprendre et vérifier les différents scénarios d’évolution proposés pour les diverses populations d’Hominidés (Vbra, 1995; deMenocal et al., 2000; Behrensmeyer, 2006).
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