Bases moléculaires de la réponse au stress et à la défense chez l’algue rouge
de la survie en milieu hostile !
Dans leur environnement naturel les plantes doivent faire face à de multiples agressions. Elles peuvent être d’origines nutritionnelles (carence ou excès de nutriments, stress hydrique), environnementales (sécheresse, froid) ou toxiques (pesticides, métaux lourds, hydrocarbures aromatiques polycycliques). On parle alors de stress abiotiques, par opposition aux stress biotiques qui font intervenir un second être vivant. Il peut s’agir d’un herbivore (insecte), ou d’un agent infectieux (champignons, virus, bactéries). Les interactions hôte/pathogène chez les plantes ont largement été documentées toutes ces dernières années, même si les réactions complexes aboutissant à la mise en place des résistances ne sont pas encore complètement élucidées. Les interactions plante/pathogène peuvent suivre deux schémas. Les réactions compatibles aboutissent au succès de l’infection et à la maladie de la plante pouvant entraîner sa mort. Pour être infectieux le micro-organisme doit alors être capable à la fois de surmonter les défenses mécaniques passives de l’hôte (barrière cuticulaire) et posséder les armes nécessaires à l’agression (enzymes hydrolytiques, toxines) (Klarzynski et Fritig, 2001). La plante est alors dite sensible et le micro-organisme virulent. Mais la maladie est un processus plutôt rare chez une plante donnée, et la plupart des interactions appartiennent au groupe des réactions incompatibles, aboutissant au non développement de la maladie ou à la résistance de la plante au processus infectieux (Figure 1). Les réactions incompatibles peuvent être de trois types, le cas le plus fréquent étant celui d’une résistance naturelle de la plante car considérée comme « non-hôte » par le micro-organisme. Lorsqu’un processus infectieux est déclenché, on distingue deux cas de réactions incompatibles. On assiste à la mise en place par la plante soit d’une résistance générale (également dénommée horizontale ou non-spécifique), polygénique et qui peut être induite par un large spectre de micro-organismes, soit d’une résistance spécifique (verticale) illustrée par le modèle de type gène-à-gène, où un gène R chez la plante code un récepteur interagissant avec un effecteur produit d’un gène avr chez le pathogène, et permet l’activation des réponses de défense. Dans ce dernier cas le micro-organisme contient lui-même l’information qui va conduire à sa propre perte. La plante est dite résistante et le micro-organisme avirulent. Si ni le pathogène ni l’hôte ne possèdent les gènes avr et R correspondants, l’interaction aboutit généralement à la maladie (Cohn et coll., 2001 ; Lateur, 2002).
Rôle du burst oxydatif dans la réponse cellulaire
La génération d’un burst oxydatif est une des réponses de défense les plus précoces suivant l’infection. L’intensification d’une production latente des formes actives de l’oxygène (FAO) est une caractéristique importante des interactions hôte/pathogène. Ces composés vont avoir un effet toxique sur l’agent infectieux, mais vont également induire une cascade signalitique chez la plante.
Métabolisme des formes actives de l’oxygène
Les formes actives de l’oxygène
Les formes actives de l’oxygène regroupent l’ensemble des composés issus de la réduction de l’oxygène moléculaire, ainsi que les radicaux libres oxygénés.
Nature
Figure 2 : Formes actives de l’oxygène dérivées de l’oxygène moléculaire et générées lors de réactions ayant lieu dans les cellules végétales L’oxygène singulet L’oxygène moléculaire peut être transformé en formes actives de l’oxygène par transferts d’électrons ou transferts d’énergie (Figure 2). Une transformation par transfert d’énergie du dioxygène permet la production de l’oxygène singulet. Sa formation résulte généralement d’une excitation photochimique de l’oxygène. Si sa présence a été démontrée chez les plantes, il ne semble pas être un produit majoritairement formé au cours des réactions présentées en Figure 2. Son implication dans la production de FAO au cours d’interactions hôte/pathogène n’a pas été démontrée (Baker et Orlandi, 1995). L’anion superoxyde O2·- Le premier produit issu de la réduction de l’oxygène moléculaire est l’anion superoxyde O2· – : O2 + e- Æ O2· – Cette réduction à un électron nécessite un léger apport d’énergie, souvent fourni par des systèmes enzymatiques à NAD(P)H. Les étapes de réduction ultérieures ne nécessitent pas d’énergie et peuvent intervenir spontanément (Baker et Orlandi, 1995). Au pH physiologique l’anion superoxyde est peu réactif en milieu aqueux, ce qui lui permet de se déplacer assez loin de son lieu de production. En revanche sa charge électrique le rend incapable de diffuser à travers les membranes biologiques (Lamb et Dixon, 1997). Il est produit à l’extérieur de la membrane plasmique par les systèmes enzymatiques tels que les NADPH oxydases. A pH acide il est en équilibre avec sa forme protonée HO2·, plus lipophile et donc capable de peroxyder les lipides (Baker et Orlandi, 1995) : H+ + O2· – Æ HO2· En solution aqueuse et à pH neutre où légèrement acide, tel qu’on le rencontre au niveau des parois cellulaires chez les végétaux, ces deux formes se dismutent spontanément en peroxyde d’hydrogène : O2· – + 2H+ Æ H2O2 HO2· + H+ + e- Æ H2O2 A pH neutre cette réaction est catalysée par des superoxyde dismutases au niveau du cytosol, des chloroplastes et des mitochondries. Du fait de ces réactions, la production d’ions superoxyde s’accompagne toujours d’une production de peroxyde d’hydrogène. L’anion superoxyde est probablement peu toxique par lui-même et intervient surtout comme générateur du radical hydroxyle. Le peroxyde d’hydrogène Le peroxyde d’hydrogène est une forme active de l’oxygène plus stable et moins réactive que l’ion superoxyde. Il se forme soit par réduction divalente de l’oxygène moléculaire, soit par dismutation de l’anion superoxyde. O2 + 2H+ + 2e- Æ H2O2 O2· – + 2H+ Æ H2O2 L’absence de charges électriques à sa surface le rend très lipophile et donc capable de traverser les membranes biologiques. Il peut donc atteindre des zones éloignées de son lieu de production (Wojtaszek, 1997). Le peroxyde d’hydrogène est soit dégradé en eau et dioxygène, spontanément ou par l’intermédiaire de catalases, soit utilisé par des peroxydases telles que l’ascorbate peroxydase ou la glutathion peroxydase. Dans ce dernier cas il peut engendrer la production de radicaux, dont des radicaux hydroxyles très réactifs. H2O2 Æ H2O + ½ O2 H2O2 + R-H2O2 Æ 2H2O + R-O2 En présence de chlorure, le peroxyde d’hydrogène est transformé par des chloroperoxydases, telles que les myéloperoxydases chez les mammifères, en hypochlorite HOCl. Celui-ci, sous l’influence de l’ion superoxyde, est transformé en radical hydroxyle (Arnhold, 2004). H2O2 + Cl- Æ HClO + HOHClO + O2· – Æ HO· + O2 + ClLe radical hydroxyle Le radical hydroxyle représente le plus puissant oxydant à un électron connu. Il est extrêmement réactif et interagit instantanément avec les sucres, les acides aminés, les acides nucléiques, les lipides et en particulier les phospholipides. De part sa capacité à initier des réactions radicalaires en chaîne, il est un responsable majeur de modifications irréversibles de macromolécules et de dommages aux organites (Wojtaszek, 1997). Son temps de demie vie est extrêmement court (10-9 seconde), il n’interagit donc qu’avec des molécules présentes dans son voisinage immédiat (Wojtaszek, 1997). Il peut être formé directement à partir d’ions superoxyde ou de peroxyde d’hydrogène, mais en conditions normales ces réactions sont très lentes et inefficaces pour produire des quantités suffisantes de radicaux hydroxyles. En revanche des quantités MPO significatives peuvent être produites dans un environnement contenant des métaux tels que le fer Fe2+ ou le cuivre Cu+ . O2· – + Fe3+ Æ Fe2+ + O2 H2O2 + Fe2+ Æ Fe3+ + HO· + HO- (reaction de Fenton) O2· – + H2O2 Æ O2 + HO· + HO- (reaction d’Haber-Weiss) Les métaux agissant alors comme catalyseurs, leurs localisations et accessibilités sont probablement les facteurs déterminant la formation de radicaux hydroxyles à un site donné. Le monoxyde d’azote Le monoxyde d’azote est un radical produit à partir de l’arginine par la NOsynthase chez les animaux. Chez les plantes les voies de biosynthèse restent en revanche non élucidées (Neill et coll., 2002). En présence de l’ion superoxyde il donne l’anion peroxynitrite ONOO- qui en milieu acide génère deux radicaux NO2· et HO· : NO· + O2· – Æ ONOOONOO- + H+ Æ NO2· + HO· Le peroxynitrite est relativement stable et capable de traverser la membrane plasmique. Il est désormais évident que l’oxyde nitrique NO, au même titre que le peroxyde d’hydrogène, joue des rôles signalitiques d’importance dans différents processus physiologiques chez les plantes supérieures, tels que l’induction de réponses de défense, la reproduction, la croissance et le développement (Grun et coll., 2006). Radicaux libres organiques Les radicaux libres sont caractérisés par une grande réactivité chimique et une courte durée de vie. L’oxygène est à l’origine de la plupart des radicaux libres formés dans l’organisme. Les radicaux libres de l’oxygène comportent un ou plusieurs atomes d’oxygène et se trouvent soit sous forme de radical libre, soit sous forme protonée. Les radicaux peroxyles ROO· sont formés par l’addition d’oxygène moléculaire sur des radicaux libres de carbone. Ils sont peu réactifs mais capables de diffuser à travers les membranes biologiques. Les hydroperoxydes organiques ROOH sont les formes protonées des radicaux peroxyles. Ils sont très réactifs et se redécomposent en radicaux peroxyles ou en radicaux alcoxyles. Les radicaux alcoxyles RO· sont formés lors de la dégradation des peroxydes organiques. Ils sont très réactifs avec une demie vie de 10-6 seconde.
Chapitre I –Introduction |