AUTOMEDICATION AU COURS DES AFFECTIONS DERMATOLOGIQUES

AUTOMEDICATION AU COURS DES AFFECTIONS DERMATOLOGIQUES

Epidémiologie

 En Afrique, l’automédication est largement utilisée dans les affections aiguës bénignes de toutes natures. Quand bien même, peu d’études lui ont été consacrées en dermatologie. [81] A Madagascar, elle a été notée comme responsable de la progression des maladies dermatologiques en 2013. [82] Dans notre étude, l’automédication est très pratiquée au cours des pathologies dermatologiques. On retrouve pour l’ensemble des patients inclus dans l’étude une prévalence de 56.82 % d’automédication avant une consultation pour un problème dermatologique. Soulignons que cette prévalence ne concerne que les patients pour lesquels le problème a persisté, les amenant à consulter au service de dermatologie du CHUJRB. Ce chiffre est concordant à la littérature concernant l’automédication en dermatologie, étant dans la moyenne par rapport aux chiffres obtenus par les quelques études suivantes : Selon une étude faite par Mouhari-Toure A. et al, la fréquence de l’automédication à Lomé, Togo, était de 44 % en dermatologie. [3] Dans une étude de la responsabilité de l’automédication dans le syndrome de Stevens-Johnson et nécrolyse épidermique toxique à Lomé (Togo), elle était de 47 %. [13] On a pu noter que l’automédication dans ce domaine occupe une place importante en Afrique Subsaharienne. [83] Une étude réalisée à Cotonou (Bénin) révèle que l’automédication est pratiquée par 68.42 % de la population étudiée. [11] Selon B. Saka et al, la fréquence de l’automédication était de 66.87 % lors d’une étude menée à Lomé (Togo). [84] Par contre, selon notre étude la fréquence de l’automédication est plus élevée comparée à d’autre littérature. Une étude prospective de 111 malades hospitalisés en Orléans note qu’elle était de 22 %. [7] La fréquence de l’automédication en dermatologie en Afrique, surtout subsaharienne, ainsi qu’à Madagascar, est largement supérieure à celle qui a été notée en France. [13] Ces concordances et discordances de résultat par rapport aux données de la littérature peuvent s’expliquer selon quelques points. D’une part, l’automédication en France en général est en diminution et peu développée comparée au reste de l’Europe, pour des raisons culturelles et économiques. Par rapport aux pays en voie de développement dont Madagascar, il y a les différences majeures 43 d’accès au soin, de niveau d’éducation, de niveau socio-économique, En effet, en France, il y a la sécurité sociale dont l’assurance maladie qui prend en charge les différents coûts des soins de santé des patients, permettant de consulter un médecin, même pour des pathologies bénignes. [3] Ce qui n’est pas le cas à Madagascar, tout comme dans de nombreux pays africains, où ces différents coûts ne sont pas à la portée de tous, compte tenu des revenus mensuels de chaque foyer en général (PIB par habitant : 392.6$ en 2015 à Madagascar). D’une autre part, il y a un problème d’accessibilité géographique des services spécialisés en dermatologie : on en compte deux [2] pour 25 105 439 habitants (nombre de la population actuelle selon Countrymeters) dans tout Madagascar, dont un au sein du CHUJRB (lieu de notre étude, Antananarivo) et un autre à Mahajanga. Les patients éloignés de ces sites ont des difficultés pour les rejoindre. Par ailleurs, il y a la peur d’aller chez le médecin, la peur de communiquer, la peur de découvrir ce que l’on a vraiment ainsi que la honte et/ou le gêne par rapport à ce que l’on a. Enfin, la plupart des Malgaches considèrent les pathologies dermatologiques comme de mauvais sorts jetés par des ennemis. D’où le recours à l’automédication traditionnelle. Ces raisons poussent les patients à recourir aux marchés illicites de médicaments (qui ne requièrent pas d’ordonnance : pas de dépense pour une consultation médicale, médicaments distribués sans contraintes et moins coûteux qu’en pharmacie), à utiliser les médicaments en leur possession, à aller chez l’épicier du coin pour soulager voire guérir leur maladies. Toutefois, nous pouvons conclure que l’automédication en général n’est pas un problème propre aux pays pauvres. [11] Bien que l’automédication puisse présenter divers risques, elle a également des avantages. Pour faire face à cette prévalence élevée de l’automédication, nous suggérons de promouvoir « l’automédication responsable ». (cf annexe) Concernant le problème d’accessibilité géographique des services spécialisés en dermatologie pour les zones reculées, nous recommandons la création de ces derniers au moins dans les CHU des chefs-lieux de province tout en favorisant la spécialisation en dermatologie. Les pharmaciens, en tant que professionnels de santé les plus accessibles 44 à tous, doivent être aussi présents dans ces zones car ils ont un rôle important dans l’orientation du patient. Enfin, la participation de tous les professionnels de santé dans la sensibilisation, l’information-éducation et communication envers les patients sur l’automédication constitue un pilier de bon usage des médicaments.

Caractéristiques de l’automédication 

Classe des médicaments utilisés

 Dans notre étude, la majorité des patients ont utilisé plusieurs classes de médicaments (38%) dont l’association de la phytothérapie et des corticoïdes en premier lieu (17%). En seconde place se trouve la phytothérapie utilisée seule (24%).Ceci correspond aux résultats d’une étude menée par H. Adegbidi et al à Cotonou, qui note que la phytothérapie est secondairement utilisée après les antifongiques. [11] Par contre, les résultats qu’on a obtenus après l’étude diffèrent de ceux qui sont notés par les littératures. Selon une étude réalisée à Lomé (Togo) par Mouhari-Touré et al, la phytothérapie prédomine avec un taux de 23.9% dans ce mode thérapeutique. [6] Une étude réalisée par B Saka et al au Togo sur la responsabilité de l’automédication dans deux affections dermatologiques révèle aussi la prédominance de la phytothérapie surtout l’infusion dans ce mode thérapeutique. [13] Une étude réalisée au CHU de Conakry révèle que les plus utilisés sont les antiseptiques, puis les antibiotiques. [9] En France, une étude prospective réalisée en Orléans note que les deux classes les plus utilisées sont les antiseptiques et les antalgiques. [2, 25, 26] En Afrique comme à Madagascar, la phytothérapie tient une place importante dans l’automédication. En effet, il y a les contingences culturelles (cultes et croyances aux vertus des plantes médicinales) qui poussent les patients à utiliser les produits de la médecine traditionnelle et les recettes de grand-mère. De plus, la médecine traditionnelle est reconnue par le ministère de la santé publique à Madagascar comme à Lomé. [6] En outre, les produits de la phytothérapie sont plus accessibles en terme de coût financier 45 par rapport aux médicaments, ne requièrent pas d’ordonnance ni de consultation médicale au préalable. Par ailleurs, seules quelques femmes ont affirmé avoir utilisé des produits cosmétiques dépigmentant. Ces derniers sont composés de dermocorticoïdes dont le mésusage n’est pas sans danger. Une étude menée à Dakar en 2014 révèle que l’hyperpigmentation incite la majorité des femmes à pratiquer l’automédication en adoptant la dépigmentation cosmétique. [20] A Madagascar, ces produits sont très accessibles, que ce soit en officine ou sur le marché ou en vente illicite, selon N. Raharinjatovo. [86] En effet, après apparition des complications, les utilisatrices préfèrent voir en premier lieu une esthéticienne. Quid de la délivrance sans ordonnance des dermocorticoïdes en officine, il est important de sensibiliser les pharmaciens sur ce problème majeur.

Leur voie d’administration

Dans notre étude, 64% des traitements utilisés en automédication sont des médicaments topiques. Ceci est conforme aux résultats donnés par les littératures. En Europe, une étude réalisée en Orléans par E. Estève et al, ainsi qu’une autre étude menée au Suède, révèlent que le traitement local est majoritairement pratiqué par rapport au traitement général et les associations de ces deux voies. [7] En Afrique, le traitement topique est utilisé à 72%, selon une étude menée à Lomé, Togo. Une autre étude réalisée par H. Adegbidi à Cotonou confirme aussi la prédominance du traitement local adopté par les patients qui ont pratiqué l’automédication. [11] Une autre étude réalisée par P. Del Giudice à Cotonou révèle aussi que les préparations topiques, de galéniques variées, sont les plus utilisées en automédication. [57] En effet, la forme galénique topique est plus facile à utiliser que les autres voies. Son utilisation limite les complications vitales mais n’est pas pour autant sans danger. La majorité des principes actifs de ces médicaments (dermocorticoïdes, des antifongiques, des antibiotiques et des anti-inflammatoires) peuvent potentiellement perturber un diagnostic clinique ou en modifier l’évolution sans pour autant permettre une guérison complète des lésions. A titre d’exemple, un traitement antibiotique ou antifongique topique empêche l’identification précise de l’agent infectieux. De même, un traitement par un 46 dermocorticoïde peut modifier une pathologie inflammatoire chronique et perturber son diagnostic anatomo-pathologique. Les patients pensent également que les médicaments pris oralement ont plus d’effets secondaires dont surtout la gastralgie que ceux à usage locaux.

Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS
I. AUTOMEDICATION
I.1. Définitions
I.2. Epidémiologie
I.3. Types
I.4. Avantages
I.5. Risques
II. THERAPEUTIQUES DERMATOLOGIQUES
II.1. Médicaments topiques
II.1.1. Dermocorticoïdes
II.1.2. Anti inflammatoires non stéroïdiens topiques
II.1.3. Immunosuppresseur local
II.1.4. Kératolytiques topiques
II.1.5. Rétinoïdes topiques
II.1.6. Anti-infectieux topiques
II.1.6.1. Antiseptiques à usage externe et désinfectants
II.1.6.2. Antibactériens locaux cutanés
II.1.6. 3. Antifongiques topiques
II.1.6.4. Antiviraux locaux
II.1.6.5. Antiparasitaires locaux
II.1.7. Emollients
II.2. Thérapeutiques locales par agents physiques
II.2.1. Cryothérapie
II.2.2. Electrocoagulation
II.2.3. Photothérapie
II.2.3.1. Puvathérapie
II.2.3.2. Photothérapie par le Rayon UVB TL01
II.3. Traitements systémiques
II.3.1. Rétinoïdes systémiques
II.3.2. Corticothérapie générale
II.3.3. Immunosuppresseurs systémiques
II.4. Phytothérapie
DEUXIEME PARTIE : METHODE ET RESULTATS
I. CADRE DE L’ETUDE
II. METHODES
II .1. Type de l’étude
II.2. Période de l’étude
II.3. Population de l’étude
II.3.1. Critères d’inclusion
II.3.2. Critères d’exclusion
II.4. Variables étudiées
II.4.1. Epidémiologie
II.4.2. Démographie
II.4.3. Clinique
 Diagnostic retenu
II.4.4. Caractéristiques de l’automédication
 Médicaments utilisés en automédication
II.4.5. Place des effets indésirables
II.5. Mode de collecte des données
II.6. Mode d’analyse des données
II.7. Limites de l’étude
II.8. Considérations éthiques
III. RESULTATS
III .1. Prévalence de l’automédication
III.2. Caractéristiques de l’automédication
III.2.1. Médicaments utilisés.30
III.2.2. Voies d’administration des médicaments32
III.2.3. Durée de l’automédication
III.2.4. Motifs de recours à l’automédication
III.2.5. Sources d’information du choix du traitement en automédication
III.2.6. Moyen de procuration du médicament utilisé en automédication
III.2.7. Effets indésirables.
III.3. Profils sociodémographiques des sujets selon la pratique de l’automédication
III.3.1. Tranche d’âge
III.3.2. Genre
III.3.3. Niveau d’éducation
III.3.4. Profession
III.3.5. Origine géographique
III.4. PATHOLOGIE
TROISIEME PARTIE: DISCUSSION ET SUGGESTIONS
I. Epidémiologie
II. Caractéristiques de l’automédication
II.1. Classe des médicaments utilisés
II.2. Leur voie d’administration
II.3. La durée de l’automédication
II.4. Les motifs du recours à l’automédication
II.5. Sources d’information pour le choix du traitement en automédication
II.6. Le moyen de procuration des médicaments utilisés
II.7. Les effets indésirables de l’automédication
III. Profils des patients ayant pratiqué l’automédication
III.1. Age
III.2. Genre
III.3. Niveau d’instruction
III.4. Profession
III.5. Origine géographique
IV. PATHOLOGIES
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES

projet fin d'etude

Télécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *