Autocontrôle et régulation privée au cœur du nouveau dispositif, le rôle clef du contrôle interne
Les acteurs économiques privés ont joué une influence non négligeable dans l’évolution des règles prudentielles (Chavageux, 1997, 2000 et 2003), pour promouvoir leurs modèles internes et, plus récemment, avec l’introduction de notations privées dans le ratio Mac Donough. Au départ, c’est la banque JP Morgan qui fut à l’origine du développement de l’autocontrôle comme principe prudentiel de gestion des risques de marché (voir section 1.3). Avec la deuxième version des Accords de Bâle, les rôles attribués aux modèles internes et, conséquemment, à l’autocontrôle s’accentuent puisqu’ils impactent à la fois les risques de crédit, de marché et le risque opérationnel. Comme nous l’avons souligné précédemment, le nouvel Accord donne aux établissements une certaine flexibilité avec la possibilité de recourir à leurs systèmes de notations internes pour évaluer leurs risques, déterminer eux-mêmes le montant des fonds propres réglementaires et ainsi bénéficier d’une plus faible exigence de fonds propres réglementaires. Mais le choix de l’approche n’est pas neutre en terme de charge en capital, d’organisation à mettre en place et de contrôles à réaliser.
Les solutions proposées par le Comité doivent s’adapter à la taille de chaque établissement et à la nature de ses activités. Seuls les établissements techniquement capables et ayant un niveau d’organisation adapté à ces nouvelles méthodes de gestion des risques recevront l’accord préalable des Autorités de régulation et pourront utiliser les méthodes avancées. Ces méthodes font appel à des techniques de mise en œuvre complexes et bouleversent l’organisation de l’entreprise. Elles se concrétisent par un niveau croissant de difficulté de mise en œuvre et une exigence décroissante d’allocation de fonds propres (Siruguet et alii, 2006, voir schémas ci-après).
Le rôle des acteurs privés dans le nouveau dispositif prudentiel
La réforme accorde une place importante à la régulation privée. De manière simplificatrice, on peut avancer l’idée selon laquelle, avec la réforme, les banques ont la possibilité de se doter de leurs propres normes de fonds propres basées sur une évaluation autonome du risque (version IRB avancée pour le risque de crédit et méthode AMA pour le risque opérationnel, voir infra). Cette possibilité n’est toutefois offerte qu’aux établissements qui disposent de systèmes de gestion des risques performants et validés par les Autorités de contrôle. Cette régulation privée est présente dans le nouvel Accord à deux niveaux à la fois incontournables et porteurs d’un risque systémique: l’autocontrôle et le rôle des agence de notation dans l’évaluation du risque. L’autocontrôle s’exercera pour les établissements qui auront la possibilité d’opter pour une évaluation plus fine de leurs risques, les autres, établissements de plus petite taille notamment, auront recours aux agences de notation privées.
Le rôle des agences de notation
Le premier pan de la régulation privée institué par Bâle II est le rôle central attribué aux agences de notations privées. Reconnaissant la capacité des agences de notation à émettre un avis sur le risque de défaut d’une contrepartie, le nouvel Accord introduit l’analyse d’agences privées dans le calcul du ratio de solvabilité (risque de crédit du pilier 1, voir le paragraphe 2.2.1). En effet, les établissements qui auront opté pour l’approche standardisée dans le calcul d’exigences en fonds propres relatives au risque de crédit devront faire appel aux services d’agences de rating reconnues. L’inclusion des notations externes dans la supervision réglementaire peut paraître paradoxale, voire constituer un « cadeau empoisonné » fait aux agences de rating car ce nouveau champ d’action est susceptible de modifier la nature même de leur activité qui consiste à fournir un avis indépendant pour les investisseurs et non à constituer un maillon dans la chaîne du contrôle bancaire (Veverka, 2003). De plus, la mise en œuvre de la réforme devrait nécessiter une multiplication des agences de notation pour étendre les ratings à d’autres populations que les grands emprunteurs corporate et proposer des notations à des coûts raisonnables pour les prêteurs (Dietsch, 2003).
L’approche standardisée s’adresse avant tout aux établissements de petite taille et/ou aux établissements n’ayant pas les moyens techniques, financiers et humains pour développer des systèmes de notations internes sophistiqués et, conséquemment, n’ayant pas obtenu l’accord préalable du régulateur. En effet, les méthodes sophistiquées de calcul des risques requièrent des compétences spécifiques, des données et historiques fiables pour procéder à la segmentation des clients, des moyens financiers suffisants pour mettre en place une organisation idoine et des contrôles efficaces.