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INTRODUCTION GÉNÉRALE
Le domaine de l’optique a cela d’intéressant que toutes les échelles de taille s’y rencontrent : du miroir primaire de 39 m de diamètre de l’ELT (« Extremely Large Telescope ») aux pixels des écrans de smartphones de quelques dizaines de micromètres. À cette gamme considérable dans les échelles de taille correspondent des phénomènes physiques variés auxquels sont associées des méthodes de conception et des techniques de fabrication très différentes. Le grand miroir de l’ELT est ainsi formé de l’assemblage de différents miroirs dont la surface est uniformément réfléchissante. Si le fonction-nement global du télescope peut être décrit en utilisant les lois « simples » de l’optique géométrique, une compensation en temps réel de la surface du miroir par des actuateurs mécaniques afin d’en cor-riger les aberrations en fait un dispositif extrêmement complexe. Au contraire, les pixels des écrans de smartphones sont des dispositifs d’extension spatiale limitée formant une matrice immobile à la surface de l’écran. Suivant la technologie utilisée, ces matrices de filtres peuvent être optiquement ac-tives, lorsque les pixels émettent leur propre lumière (OLEDs, « Organic light emitting diodes »), ou bien passives, dans le cas où les pixels filtrent la lumière émise par une source indépendante (écrans à cristaux liquides). Si le fonctionnement des OLEDs repose sur des phénomènes de physique des semi-conducteurs, celui des écrans à cristaux liquides (écrans LCD, « Liquid crystal displays ») combine le contrôle de la polarisation de la lumière à l’absorption de celle-ci par des pigments colorés.
Dans le cadre de cette thèse, conduite en partenariat entre le LAAS-CNRS (Laboratoire d’Analyse et d’Architecture de Systèmes), Safran Reosc (leader mondial dans le développement d’optiques de hautes performances pour l’astronomie, les lasers et l’industrie) et le CNES (Centre National d’Études spatiales), nous nous intéresserons à l’étude de filtres pixellisés passifs que nous appliquerons au cas de l’imagerie spectrale dans le moyen infrarouge pour des applications spatiales.
L’un des enjeux majeurs de l’imagerie infrarouge est le développement des filières multi- et hyper-spectrales en temps réel. Il s’agit d’acquérir à chaque instant différentes composantes spectrales d’une scène en deux dimensions. L’ensemble des données spatiales (2 dimensions) et spectrales (1 dimension) est appelé le cube-hyperspectral. L’imagerie multispectrale répond au besoin de très nombreuses ap-plications, car l’analyse séquencée des spectres visible et infrarouge permet d’extraire de nombreuses informations sur les objets qui ne sont pas accessibles dans le seul domaine du visible. Elle permet ainsi d’effectuer la classification d’espèces végétales sur de grandes étendues par l’utilisation de dispo-sitifs aéroportés [1], mais aussi d’identifier des minéraux et espèces chimiques [2,3], et est bien connue pour ses applications en imagerie thermique [4]. Dans ce contexte, et contrairement aux matrices des écrans LCD, il ne s’agit pas de contrôler dynamiquement l’intensité du flux émis par une source, mais au contraire de mesurer un flux incident.
a) b) c)
Figure 0.1 – Évolution chronologique des technologies de filtrage multispectrales pour les applications spatiales :
a) roue à filtres, b) filtre allumette, c) mosaïque de filtres pixelisés.
introduction générale
Les dispositifs actuels de filtrage multi-spectral dans le domaine spatial consistent en des roues à filtres (voir figure 0.1a) et des filtres allumettes (voir figure 0.1b). Les premiers sont encombrants et ne permettent que l’acquisition d’une unique composante spectrale à la fois. Les seconds sont directement intégrés au détecteur ce qui s’avère particulièrement utile dans un contexte spatial où des dispositifs légers et peu encombrants sont privilégiés. En revanche, ils ne permettent d’acquérir qu’une unique composante spatiale pour une scène donnée. Les filtres pixellisés (voir figure 0.1c) seraient donc par-ticulièrement adaptés pour répondre à notre problématique : ils pourraient être assemblés en une matrice et intégrés plus près du détecteur afin d’aboutir à un design léger, compact qui permettrait l’acquisition en temps réel du cube hyperspectral. En outre, cela autoriserait une augmentation de la vitesse d’acquisition, qui ne serait limitée que par le type de détecteur utilisé.
L’implémentation de la fonction de filtrage à l’échelle du pixel doit répondre à deux types de cri-tères : les critères spectraux, et les critères spatiaux. Dans la mesure où nous chercherons à réaliser des filtres en transmission, les grandeurs spectrales caractéristiques seront la longueur d’onde de centrage, la largeur de bande passante, la transmission maximale, la réjection et l’indépendance à la polarisation. Par exemple, si certaines applications telles que la détection de gaz nécessitent des bandes passantes étroites aux longueurs d’ondes précises d’absorption de ces gaz, pour ce qui est de l’observation de la terre on cherchera au contraire à éviter ces bandes d’absorptions qui rendent l’atmosphère opaque. De plus, sans contrainte sur la finesse des raies d’absorption, il sera intéressant d’avoir une bande pas-sante plus large afin d’augmenter le flux incident. En plus de la fonction spectrale, ces filtres doivent répondre aux différents critères spécifiques résultant de l’intégration au niveau des pixels du détec-teur. Ainsi, nous devrons tenir compte de l’impact de la taille des pixels sur l’efficacité des filtres. La tolérance angulaire de ces derniers devra également être compatible avec l’ouverture d’une caméra multi-spectrale, typiquement de l’ordre de 10°. Enfin, l’influence d’un pixel sur ses voisins, dite dia-photie, sera un critère pertinent.
Pour finir, une différence cruciale entre le filtrage dans le domaine du visible et celui dans l’infra-rouge vient des matériaux utilisés et des techniques de fabrication. Ainsi, les matériaux organiques uti-lisés dans le domaine visible ne peuvent être exploités dans le moyen infrarouge, car ils y génèrent des pics d’absorption. C’est pourquoi les méthodes conventionnelles de filtrage exploitent des empilements de couches minces de matériaux inorganiques. Leur principe consiste à exploiter les interférences mul-tiples de la lumière lorsque celle-ci se propage dans un empilement de couches afin de réaliser diverses fonctions optiques. Les revêtements réfléchissants des miroirs des grands télescopes évoqués en début de cette introduction sont fabriqués à l’aide de ces procédés. Or, aussi performantes et complexes que soient ces fonctions, les designs optiques à base de couches minces manquent de flexibilité en cela que l’épaisseur de quelques-unes, voire de beaucoup de leurs couches doit être ajustée afin de modifier leur réponse spectrale. La fabrication d’une matrice de filtres pixellisés utilisant cette technologie nécessite alors des étapes de fabrication très complexes afin de pouvoir déposer différents empilements côte à côte. Si des alternatives originales ont permis de s’affranchir partiellement de ces limitations dans le domaine du visible/proche infrarouge [2, 5–8], du moyen infrarouge [9], et du lointain infrarouge [10], elles restent très importantes dans ces deux derniers domaines. En effet, les empilement y sont plus épais que dans le domaine visible et possèdent de très nombreuses couches. Or, les contraintes internes existant dans les empilements qui peuvent engendrer des fissures ou des déformations, ainsi que le nombre de défauts liés au procédé de dépôt des couches augmentent tous deux avec l’épaisseur des dépôts.
L’objectif de cette thèse est de s’affranchir des contraintes liées aux empilements épais de couches minces en explorant de nouveaux concepts de filtrages optiques ne reposant pas sur des phénomènes interférentiels, mais sur des effets de résonances engendrés par des microstructures de dimension ca-ractéristique inférieure à celle de la longueur d’onde considérée. Leur intérêt fondamental vient du fait que les propriétés de filtrages ne sont plus régies par l’épaisseur des couches, mais par les dimensions latérales des structurations, ce qui permettrait alors la fabrication simultanée de fonctions optiques adjacentes à l’aide de procédés de lithographie et de gravure.
Le manuscrit est scindé en 4 chapitres.
— Le premier chapitre est consacré à l’état de l’art des technologies de filtrage nanostructuré. Nous y explorons les différents concepts existants dans la littérature en les distinguant suivant les ma-tériaux utilisés et les phénomènes physiques mis en jeu. Ils sont évalués sur la base des critères spectraux et spatiaux donnés dans cette introduction. À l’issue de ce chapitre, un concept parti-culier est retenu qui nous semble le plus pertinent pour les applications de filtrage multi-spectral à l’échelle du pixel dans le moyen infrarouge,
— Dans le second chapitre, nous nous focalisons sur l’étude théorique de ce concept particulier. Nous nous attachons à l’étude détaillée de son fonctionnement et mettons en place des règles de conception semi-analytiques simples pour une structure uni-dimensionnelle. Par la suite, nous montrons les limitations de cette structure pour le filtrage pixellisé et cherchons à les dépasser en utilisant des méthodes de conception illustrées dans le chapitre d’état de l’art.
— Le troisième chapitre porte sur le développement de filtres indépendants à la polarisation. Nous montrons ici que l’adaptation faite dans la littérature pour obtenir l’insensibilité à la polarisation des filtres retenus dans le chapitre 2 n’est pas compatible avec les spécifications imposées par le fonctionnement pixellisé. Nous introduisons alors un nouveau concept de filtrage ainsi qu’une méthode de conception adaptée.
— Dans un dernier chapitre, nous étudions les tolérances de fabrication des différents filtres dessinés dans les chapitre 2 et 3 ainsi que les moyens de fabrication de la salle blanche de Safran Reosc et du LAAS-CNRS afin de mettre en place une filière de fabrication de filtres nano-structurés pour le moyen infrarouge. La caractérisation optique des structures fabriquées y est présentée.
Table des matières
introduction générale
1 état de l’art
1.1 Introduction
1.2 Filtrage par des structures métalliques
1.2.1 Les filtres plasmoniques
1.2.2 Les < frequency selective surfaces >
1.2.3 Les métasurfaces
1.2.4 Les filtres métal-diélectriques à résonance de modes guidés
1.2.5 Conclusion sur le filtrage par des structures métalliques
1.3 Filtrage par des structures diélectriques
1.3.1 Les réseaux résonants diélectriques
1.3.2 Augmentation de la tolérance angulaire des filtres à résonance de modes guidés
1.3.3 Les structures à haut contraste d’indice
1.3.4 Nouvelles générations de filtres : exploitation de deux résonances
1.3.5 Conclusion sur le filtrage par des structures diélectriques
1.4 Conclusion
2 filtres zcg 1d
2.1 Introduction
2.2 Principes fondamentaux des ZCGs
2.2.1 La méthode RCWA
2.2.2 Validation et convergence
2.2.3 Analyse des résultats
2.2.4 Approche perturbative
2.2.5 Conclusion intermédiaire
2.3 Un ZCG dans le MIR
2.3.1 Conception
2.3.2 Accordabilité
2.3.3 Analyse modale du ZCG MIR
2.3.4 Influence de l’absorption du Germanium
2.3.5 Conclusion intermédiaire
2.4 Étude de la tolérance angulaire
2.4.1 Couplage résonant sous incidence normale d’un ZCG 1D
2.4.2 Couplage résonant sous incidence oblique d’un filtre 1D
2.4.3 Étude de la tolérance angulaire du filtre ZCG MIR 1D
2.4.4 Illumination par un faisceau de taille finie
2.4.5 Conclusion intermédiaire
2.5 Le ZCG doublement corrugué
2.5.1 Introduction d’un réseau doublement corrugué
2.5.2 Simulation et considérations phénoménologiques
2.5.3 Tolérance angulaire du filtre doublement corrugué
2.5.4 Étude de l’accordabilité du filtre doublement corrugué
2.5.5 Conclusion intermédiaire
2.6 Conclusion
3 étude des zcgs insensibles à la polarisation
3.1 Introduction
3.2 Passage du 1D au 2D pour le ZCG 1D simplement corrugué
3.2.1 Convergence des simulations en 2D
3.2.2 Discussion de l’indépendance à la polarisation pour les ZCGs
3.2.3 Optimisation paramétrique
3.2.4 Validation de l’indépendance à la polarisation
3.2.5 Conclusion intermédiaire
3.3 Élargissement de la bande passante des filtres ZCG 2D
3.3.1 Passage du 2D simple au 2D double
3.3.2 Passage progressif du 1D double au 2D double
3.3.3 Multiplicité des résonances en 2D
3.3.4 Conclusion intermédiaire
3.4 Les ZCGs TE=TM
3.4.1 Règles de dessin
3.4.2 Adaptabilité du filtre pour la pixellisation
3.4.3 Fabricabilité des filtres ZCG TE=TM
3.4.4 Conclusion sur les ZCG TE=TM
3.5 Conclusion
4 fabrication
4.1 Introduction
4.1.1 Évaluation des tolérances de fabrication des différentes structures
4.1.2 Le dépôt de couches minces
4.1.3 Choix des méthodes de structuration
4.1.4 Procédé complet
4.1.5 Conclusion
4.2 La photolithographie
4.2.1 Le stepper
4.2.2 Le substrat CaF2
4.2.3 Procédé standard
4.2.4 Enductions 2 et 6 pouces équivalentes
4.2.5 L’alignement
4.2.6 Paramétrage de l’exposition
4.2.7 Développement manuel
4.2.8 Résultats
4.2.9 Conclusion sur la photolithographie
4.3 Gravure
4.3.1 Introduction
4.3.2 Gravure du premier niveau
4.3.3 Gravure du second niveau
4.3.4 Conclusion sur la gravure
4.4 Caractérisation optique
4.4.1 Spectre en transmission théorique
4.4.2 Comparaison des spectres expérimentaux et théoriques
4.4.3 Accordabilité du filtre
4.4.4 Conclusion caractérisation
4.5 Conclusion
conclusion générale
a annexe filtres 1d
b annexe filtres 2d
c annexe fabrication
acronymes
bibliographie
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