Audit, qualité d’audit et l’affaire Enron-Andersen
Au cours de cette dernière décennie, une importance accrue a été accordée aux différents mécanismes de gouvernance d’entreprise. Le principal défi étant d’assurer l’efficacité de ces instruments de contrôle au regard des parties prenantes de l’entreprise en particulier et du public en général. Ainsi, les mécanismes de gouvernance internes et externes ont fait particulièrement l’objet de plusieurs études selon des perspectives assez diversifiées. Et l’on constate que l’audit externe ou bien financier a tendance à y être considéré comme l’un des plus importants mécanismes de contrôle, notamment au profit des usagers de l’information comptable et financière dont le contenu dépendra principalement de la nature et de la qualité des travaux d’audit engagés. Les auditeurs indépendants et compétents se consacrent alors à exprimer une opinion motivée sur la régularité et la sincérité des états financiers, suivis en cela par les cabinets, ce qui a fini par donner naissance au concept de qualité d’audit. Mais ce concept reste cependant caractérisé par la non-observabilité de la part des utilisateurs (Kane et Velury, 2004). Malgré le développement certain de cette tendance, les chercheurs n’ont pas trouvé de motivation suffisante pour définir la qualité d’audit. Seule, DeAngelo (1981) en donne une définition théorique qui sera, par ailleurs, largement reprise par la majorité des chercheurs dans le domaine du contrôle légal. Elle a défini la qualité d’audit comme étant « la probabilité jointe que l’auditeur découvre une infraction dans le système comptable du client et qu’il rende compte de cette information ». Selon cette définition, la qualité d’audit repose principalement sur deux piliers : la compétence et l’indépendance de l’auditeur. Ces deux attributs de la qualité d’audit semblent, à priori, difficiles à évaluer, car ils reposent sur des facteurs associés à la nature même de l’auditeur et sur les spécificités de chaque mission d’audit.
Mai les recherches n’ont pas tardé à prendre le pas et ont étudié cette notion qui tend à s’imposer dans le paysage comptable et financier, et démontrent nettement que la qualité d’audit est particulièrement liée aux grands cabinets représentés principalement par les Big4 (Becker et al. 1998). La revue de la littérature comptable expose alors plusieurs arguments en vue d’expliquer cette relation. Les moyens humains et financiers, nécessaires au développement des compétences du personnel des Big4, apparaissent comme l’une des explications standards proposées par les chercheurs. C’est du moins ce qui apparaît dans les études ayant pour sujet l’explication du choix et de la désignation des grands cabinets qui couvrent principalement le contexte anglo-saxon (Fortin et Pitman, 2007, 2004 ; Krishnan, 2003 ; Hay et Davis, 2002 ; Colpey et Douthett, 2002 ; Francis et al. 1999 ; DeFond, 1992 ; Francis et Wilson, 1988). D’autres études portant sur les marchés émergents comme le cas des pays du Sud-est asiatique abondent également dans le sens de cette lecture de la notion de la qualité d’audit (Ahmed et al. 2006 ; Chia et al. 2007 ; Wang et Iqbal, 2006; Guedhami et Pitman, 2006 ; Fan et Wong, 2005 ; etc.). Il est néanmoins remarquable que ces travaux, dans leur quasi-majorité, ont fait appel, dans leurs analyses des faits étudiés, aux apports de trois théories différentes, à savoir : la théorie d’agence, la théorie de signal et la théorie d’assurance.
Dans le cadre de la théorie d’agence, par exemple, l’audit est perçu comme un mécanisme d’alignement des intérêts entre les dirigeants et les actionnaires (Jensen et Meckling, 1976). On y note particulièrement que la mise en évidence de la relation entre les problèmes d’agence et le choix d’un cabinet d’audit bien réputé est destinée à limiter les problèmes d’agence et compenser l’asymétrie informationnelle des investisseurs par rapport aux dirigeants. La majorité des auteurs de ce courant mettent également en avant la relation entre le choix des grands cabinets d’audit et la structure de propriété des entreprises, à l’instar d’Ashbaught et Warfield (2003) qui confirment dans leurs travaux l’hypothèse d’association positive entre la dispersion de la propriété et le choix des grands cabinets d’audit en Allemagne. Ce résultat est par ailleurs globalement validé par la littérature comptable. Parallèlement à ce courant axé sur l’étude de l’audit comme mécanisme d’alignement des intérêts, la théorie de signal considère l’audit comme un signal renseignant sur la crédibilité des informations inscrites dans les états financiers. Ce signal serait alors de nature à assurer la résolution des problèmes d’asymétrie d’information entre les actionnaires et les dirigeants d’une part, et les investisseurs actuels et potentiels d’autre part. Balvers et al. (1988) ainsi que Beatty (1989) déduisent qu’une bonne qualité d’audit améliore la qualité de l’information comptable. Titman et Truman (1986) et Datar et al. (1991) montrent, quant à eux, à travers deux modèles différents, que la différenciation de la qualité d’audit est utilisée préférablement comme un signal de la valeur de la firme. Dans le cadre de la théorie d’assurance, l’audit est plutôt considéré comme garant de la crédibilité des états financiers pour les créanciers de l’entreprise. En somme, le sillage des travaux antérieurs s’attache en grande majorité à montrer, dans des contextes variés, que les entreprises cherchent à désigner généralement un grand cabinet d’audit pour signaler la crédibilité de leur état financier.