AUDIT DES INDICATIONS DE CESARIENNE
La chirurgie gynécologique est la mère de la chirurgie viscérale
La césarienne en est l’ancêtre. Chez les primitifs, des raisons magiques commandaient que le fœtus fût arraché du ventre d’une femme morte pendant la grossesse, afin que, enterré séparément et rituellement, il ne revînt pas troubler les vivants. Depuis ces dates, la chirurgie obstétricale a connu des progrès remarquables si bien qu’aujourd’hui, nous assistons à un important élargissement de ses indications et à une amélioration considérable de sa pratique. La césarienne est l’intervention chirurgicale la plus pratiquée dans le monde [20, 22] et son taux ne cesse d’augmenter [2, 3, 5, 7, 10, 30, 33] malgré les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) de ne pas dépasser 10 à 15 % [42, 52,55]. Aujourd’hui, en France, environ 19 % des enfants naissent par césarienne [20]. Les taux moyens de césarienne varient de 15 à 25 % en France de 16 à 23% aux États-Unis [17,21] et de 40 à 70 % dans un pays comme le Brésil [17,61]. Depuis le début des années 90, dans plusieures maternités de référence des Centres Hospitaliers Universitaires (CHU) des grandes villes noires africaines, l’évolution des taux de césarienne a tendance à connaître la même inflation que dans les pays développés [17]. A Dakar, le taux de césarienne est passé de 12 % en 1992 à 17,5 % en 1996 et à 25,2 % en 2001 [15,17]. Face à l’accroissement important des taux de césarienne, nous avons mené une étude rétrospective portant sur l’audit des indications de césarienne au Centre de Santé Philippe Maguilen Senghor. Cette dernière, qui entre dans le cadre de l’évaluation des pratiques professionnelles, avait pour objectif d’évaluer les indications de césarienne dans cette structure afin d’en améliorer sa pratique. 2 Pour atteindre cet objectif, nous adopterons le plan suivant : – dans la première partie, nous ferons une revue de la littérature sur la pratique de la césarienne et sur les principes de l’audit professionnel, – dans la deuxième partie, nous rapporterons notre travail qui fera l’objet de commentaires suivis de recommandations.
. LA PRATIQUE DE LA CESARIENNE
La césarienne est un accouchement artificiel après ouverture chirurgicale de l’utérus et qui permet l’extraction du fœtus hors de l’utérus maternel après incision de celui-ci
HISTORIQUE
Un véritable mythe existe autour de la césarienne. Les mythes des Grecs, puis ceux des Romains, relatent des naissances ayant lieu autrement que par les voies naturelles (figure 1): Figure 1 : Esculape extrait du ventre de sa mère Coronis par son père Apollon [18]. Le terme de césarienne viendrait du verbe latin caedere signifiant couper. 4 La pratique de la césarienne post mortem est promulguée par Numa Pompilius (715-612 avant Jésus Christ), roi de Rome, dans la célèbre Lex Regia, qui oblige à délivrer toute femme enceinte décédée avant qu’elle ne soit enterrée. • La toute première opération césarienne réalisée sur femme vivante serait celle pratiquée en 1500 par Jacob Nüfer, châtreur de porcs suisse de Thurgovie, sur sa propre femme, après autorisation des autorités cantonales. • 1721: Mauriceau condamne la césarienne sur femme vivante • Cependant Baudelocque la pratiquait, «faute de mieux» (mortalité de 50 à 80 %), dans les grands rétrécissements pelviens. • 1769: première description de la suture de l’hystérotomie, réalisée au fil de soie par Lebas. • 1907: Frank imagina d’inciser l’utérus par le segment inférieur et de péritoniser ensuite la cicatrice d’hystérotomie à l’aide du péritoine préalablement décollé. • 1921: introduction de la technique décrite par Frank en France par Schickele de Strasbourg et imposée par Brindeau. • 1908: Pfannenstiel proposa une incision transversale de l’abdomen. • 1926: Kerr recommande la suture du péritoine viscéral et pariétal. • 1994: Michael Stark (figure 2) de l’Hôpital Misgav Ladach (figure 3) publie une technique de césarienne qui permet de diminuer les attritions tissulaires et de simplifier considérablement la technique opératoire en éliminant les étapes traditionnelles superflues [29]. 5 Figure 2: Michael Stark Figure 3: Hôpital Misgav Ladach qui porte le nom de la technique de césarienne inventée par Michael Stark
RAPPEL ANATOMIQUE
- Colon transverse 2. Placenta 3. Grand omentum 4. Corps utérin 5. Segment inférieur 6. Cul-de-sac vésico-utérin 7. Intestins grêles 8. Aorte abdominale 9. Membrane choriale 10. Col utérin 11. Cul-de-sac recto-utérin Haut Avant 7 L’utérus gravide, organe musculaire destiné à recevoir l’œuf fécondé, est µcomposé de trois parties (figure 4) : – le corps, – le col, – le segment inferieur. Les modifications anatomiques associées à la grossesse imposent des précautions lors de la césarienne. Elles sont essentiellement caractérisées par : – un important débit sanguin utérin à terme, – un important réseau variqueux pelvien au niveau des annexes, des ligaments larges, voire de la paroi utérine, – une dextrorotation de l’utérus exposant le pédicule utérin gauche, – une augmentation majeure de la vascularisation artérielle et veineuse, – une hypertrophie du péritoine viscéral, – un clivage des plans anatomiques facilité par l’imbibition gravidique des tissus, – une modification des rapports entre l’utérus gravide et les différents organes pelviens. La hauteur utérine à terme est de 30 à 34 cm (longueur du corps utérin dans son axe longitudinal), ce qui amène le fond utérin en contact avec les coupoles diaphragmatiques. A coté de l’augmentation globale du volume de l’organe, c’est la formation du segment inférieur qui est la modification anatomique la plus spectaculaire de la région. Le segment inférieur est une entité propre à l’utérus gravide, correspondant à la partie basse, amincie, de l’utérus gravide située entre le corps et le col, siège privilégié où l’hystérotomie doit être réalisée. Il se constitue à partir du 6ème mois chez une primipare, beaucoup plus tard chez une multipare, aux dépens de l’isthme et de la partie supérieure du col. Sa minceur, sa vascularisation réduite et son caractère éphémère en font une région de choix pour l’ouverture de la cavité utérine. 8 La paroi antérieure qualifiée de face chirurgicale par Kamina mesure environ 8 cm de hauteur sur 10 cm de largeur. Son épaisseur est de 0,3 à 0,5 cm. La minceur est d’autant plus marquée que la présentation est engagée. Sa limite supérieure est délimitable et correspond à la limite inférieure de l’accolement du péritoine sur l’utérus. Elle est parfois marquée par l’inconstante veine coronaire de l’utérus. Le segment inférieur est formé de trois tuniques (de Tourris) : – la séreuse est faite du péritoine viscéral qui tapisse tout l’utérus; en cette zone, il est décollable, – la musculeuse comprend deux couches : la couche superficielle, composée de fibres longitudinales, est très réduite, la couche profonde est constituée par l’archéomyomètre et le paléomyomètre dont les fibres sont à direction principalement transversale et enserrent des plexus veineux beaucoup moins développés qu’au niveau du corps utérin. La direction de ces veines est également transversale. Cette disposition anatomique justifie l’hystérotomie segmentaire transversale qui se fera dans le sens des fibres, d’autant plus que celle-ci sera de petite taille, élargie secondairement par digitoclasie «atraumatique » dans un axe transversal. Il faut souligner aussi que : • le segment inférieur est riche en éléments conjonctifs, ce qui favorise la cicatrisation, • la muqueuse y est moins épaisse, • le segment inférieur est recouvert étroitement par le fascia présegmentaire, émanation du fascia précervical ; cette lame blanc nacré, toujours facilement clivable, représente l’élément essentiel de la solidité de la cicatrice d’hystérotomie. 9 La vascularisation du segment inférieur est moins riche que celle du corps utérin. Les artères du segment inférieur sont essentiellement des branches des artères cervico-vaginales plus nombreuses, sinueuses, de direction transversale
INDICATIONS DE CESARIENNE
La littérature présente plusieures classifications
Classification des indications selon l’entrée en travail
Indications
portées en salle de naissance Indications maternelles – Maladies générales et gravidiques : • hypertension artificielle lors des accidents aigus (HRP, éclampsie…), • cardiopathies, • diabète (si antécédent de mort fœtale in utéro, si gros enfant), • allo-immunisation materno-fœtale. – Atteintes génitales ou pelviennes : • utérus cicatriciel, • pré rupture ou rupture utérine, • malformations génitales, • lésions des voies basses: cancer du col, antécédent de cure de prolapsus ou de fistule uro-génitale • bassins rétrécis, asymétriques, • obstacles prævia. Indications fœtales • souffrance fœtale aigue ou chronique, • les retards de croissance intra utérine, 10 • les grossesses multiples (J1 en présentation du siège ou transversale…), • macrosomie, • présentations dystocies (épaule, front, face postérieure …), • présentations du siège. Indications annexielles • placenta praevia, • hématome rétroplacentaire (HRP), • procidence du cordon, • rupture prématurée des membranes (RPM). Indications mixtes (maternelles et foeto-annexielles)
Césarienne prophylactique ou programmée utérus multicicatriciel, bassins chirurgicaux, pathologies maternelles graves, pathologies fœtales avec risque de rétention d’œuf mort, obstacle prævia connu (placenta recouvrant total, fibrome utérin…).
Classification selon Maillet
Césariennes obligatoires Il s’agit de situations où l’accouchement ne peut être effectué que par voie haute car l’absence d’intervention conduit au décès de la mère, de l’enfant ou à des séquelles graves. Les césariennes obligatoires sont celles qui aident à réduire la mortalité maternelle. • disproportion fœto-pelvienne, • placenta prævia, • présentation vicieuse, 11 • dystocies mécaniques, • bassin rétréci, • SFA à petite dilatation.
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