Au-delà de la réciprocité, l’interdépendance entre les territoires

Au-delà de la réciprocité, l’interdépendance entre les territoires

Nous avons observé, dans la partie précédente, le fait que la recherche de réciprocité est appliquée inégalement dans le cadre de l’Action Internationale des Collectivités Territoriales, selon les orientations géographiques des partenariats. En ce sens, les trois critères à l’identification du partenariat évoqués par Philippe de Leener que sont les attentes d’une partie envers l’autre, la capacité effective d’apporter et de donner puis l’alliance à partir d’objectifs communs à atteindre relèvent encore souvent du vœu pieux. Des carences importantes sont observées sur l’un ou l’autre de ces critères, voire sur les trois à la fois. Une fois affirmée la dimension inégale et illusoire de la notion de réciprocité (puisque limitée de fait par les inégalités territoriales), nous proposerons dans cette partie un changement d’angle d’analyse. Dans un monde globalisé les enjeux entre les territoires sont de plus en plus liés et nécessitent, pour y travailler, un croisement de regards et d’expériences. « Du don-contredon à la construction commune498» pour reprendre les termes de Yannick Le Chevallier, citant Marcel Mauss. Nous nous attarderons donc ici sur le troisième critère du partenariat évoqué par De Leener, à savoir la définition d’objectifs communs. La construction commune de projets dans le cadre de la coopération entre plusieurs territoires interdépendants sera développée sous deux aspects. Nous verrons dans un premier temps dans quelle(s) mesure(s) peut-on, ou non, dépasser le découpage géographique du monde évoqué dans le chapitre précédent. Nous interrogerons ensuite la notion de « communauté d’intérêt » dans le partenariat. Pour finir, il s’agira d’analyser la manière dont les collectivités territoriales s’approprient cette notion pour élaborer de véritables stratégies d’échanges..

Des expériences du « Sud » qui inspirent les territoires français

Les jumelages permettaient, à l’époque déjà, de comparer les innovations engagées dans différentes Villes du monde. Les échanges, véritables moments de réflexion sur les initiatives locales (telles que les modèles d’organisation ou encore les projets d’équipements menées sur d’autres territoires) représentaient alors des sources d’inspiration directes de l’innovation municipale499. Dans un contexte d’interdépendances toujours plus importantes entre les territoires à l’échelle mondiale, l’AICT peut reposer, aujourd’hui encore, sur cette démarche de découverte des expériences menées par leurs partenaires dont elles peuvent s’inspirer en retour sur leur propre territoire. Si on est encore loin d’une véritable « co-construction » de politiques publiques, ces regards extérieurs peuvent néanmoins participer du développement territorial confronté à des enjeux mondialisés et nécessitant de réinventer les pratiques traditionnelles de l’action publique locale. Pour (re)donner son sens à la notion de partenariat, le dialogue entre les collectivités territoriales peut par exemple se traduire par l’élaboration de projets communs, portés par deux institutions et déclinés en actions sur leurs deux territoires. Les collectivités territoriales françaises, pour enrichir les politiques publiques dont elles ont la charge, peuvent, comme elles le font en Europe ou dans les pays émergents, coopérer sur des problématiques qui les intéressent et sur lesquelles elles se  Nous verrons comment, dans cette optique, de nombreux modèles et expériences inventés au « Sud », ont pu être expérimentés en France. C’est le cas du microcrédit ou encore des initiatives latino-américaines et africaines menées dans le domaine de la participation citoyenne.

L’invention du microcrédit par Muhammad Yunus, fondateur de la Grameen Bank au Bangladesh, répond à l’enjeu de la lutte contre la pauvreté en prêtant de l’argent aux déshérités pour les aider à « sortir » de la misère. Le principe développé par le prix Nobel de la paix 2006 repose sur l’idée selon laquelle la crise multiforme que traverse le monde est l’occasion de repenser en profondeur le système économique mondial et d’aider les plus démunis sans les assister, mais en les responsabilisant. « Il faut repenser les institutions financières, repenser les agences de notation, repenser les banques […] elles doivent être plus petites, […] elles doivent intégrer les plus pauvres sans accès aux services financiers. Les grandes banques s’écroulent, le microcrédit s’épanouit, même si le montant actuel du microcrédit dans le monde tient du « grain de sable500 ». Le microcrédit qui s’est révélé être une solution intéressante en Inde et au Bangladesh, a connu de nombreuses expériences d’exportation dans les contextes sociaux et économiques de diverses parties du monde. Depuis 2008, la Grameen Bank s’est installée à New York, puis au Nebraska, avec comme objectif d’apporter une aide aux habitants de la première puissance économique mondiale vivant sous le seuil de pauvreté501. Aux États-Unis, ce modèle a déjà fait ses preuves, même si l’ampleur de la crise économique qui allait suivre a limité les marges de manœuvre de la Grameen Bank et son échelle d’intervention.

 

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