» Man darf freilich nicht glauben, die Menschen hätten bald bemerkt, daß ein Wolkenkratzer größer sei als ein Mann zu Pferd; im Gegenteil, noch heute, wenn sie etwas besonderes von sich hermachen wollen, setzen sie sich nicht auf den Wolkenkratzer, sondern aufs hohe Roß, sind geschwind wie der Wind und scharfsichtig, nicht wie ein Riesenrefraktor, sondern wie ein Adler. Ihr Gefühl hat noch nicht gelernt, sich ihres Verstandes zu bedienen, und zwischen diesen beiden liegt ein Unterschied der Entwicklung, der fast so groß ist wie der zwischen dem Blinddarm und der Großhirnrinde. »
Robert Musil, Der Mann ohne Eigenschaften.
Parmi les problèmes les plus intéressants de la physique atomique actuelle, d’un point de vue purement théorique, numérique ou expérimental, se trouve l’interaction atome-champ, dans une vaste gamme de fréquence.
Ce système, qui paraît simple au premier coup d’0153il – ses constituants sont individuellement parfaitement compris – fournit l’occasion d’étudier l’interaction matière-rayonnement dans des conditions hautement nonlinéaires et donc très inhabituelles. Ces études ouvrent des perspectives nouvelles sur l’échange d’énergie entre l’atome et le champ, sur le transport et la redistribution d’énergie parmi les degrés de liberté internes de l’atome et sur la radiation secondaire émise par l’atome, pour mentionner quelques directions principales. De plus, l’atome d’hydrogène ou d’autres atomes avec un seul électron de valence deviennent ainsi des « prototypes » pour l’étude des systèmes complexes (pas nécessairement chaotiques au sens strict du terme) qui prennent de plus en plus d’importance, par exemple dans l’étude du tranfert d’énergie dans les réactions moléculaires, des propriétés de conductivité des systèmes mésoscopiques [1], de la localisation de la lumière par diffusion multiple dans des matériaux désordonnés [2] et – pour en revenir à la physique atomique – des processus multiphotoniques [3]. La simplicité des constituants du système permet un contrôle relativement exact du nombre de canaux de réaction et de la nonlinéarité des processus considérés, par un choix approprié des paramètres caractérisant l’interaction.
Bien que la nonlinéarité soit prohibitive pour une compréhension purement analytique des phénomènes, le petit nombre de composants du système facilite une chronologie assez détaillée de l’histoire individuelle de chacun d’eux et des produits transitoires pendant leur interaction, via une approche expérimentale traditionelle et encore plus par le moyen plus récent des expériences numériques qui commencent à définir une troisième branche de la physique moderne, entre la théorie et l’expérience traditionelle.
Suivant les valeurs des paramètres externes et internes de notre problème général, on observe en fait différents phénomènes de stabilisation qui ont a priori des origines bien distinctes. Nous comprenons ici par « paramètres externes » la polarisation, l’amplitude, la fréquence et l’enveloppe de l’impulsion de champ électromagnétique vue par les atomes, tandis que les « paramètres internes » préciseront dans la suite l’état d’excitation de ces derniers. Une première classification de ces phénomènes peut être effectuée à partir d’une comparaison entre amplitude du champ extérieur et champ Coulombien vu par l’électron sur son orbite de Kepler non perturbée, ainsi que le rapport entre l’énergie d’un photon du champ de radiation et l’énergie de l’état initial des atomes.
Dans le domaine optique, l’énergie du photon est de l’ordre de l’énergie de l’état initial. Nous avons typiquement un champ externe dont l’amplitude est comparable ou supérieure au champ Coulombien et la symétrie (cylindrique) du problème est donc imposée par celle de la perturbation et pas par le potentiel central. Celui-ci prend le caractère d’une perturbation du potentiel engendré par le champ oscillant et nous envisageons ainsi une structure atomique fortement distordue [4, 5, 6], en général aussi bien pour les états liés que pour les états du continuum. L’atome et le champ perdent leur identité individuelle et il vaut mieux parler d’un complexe atome-champ.
Dans le domaine des sources micro-onde et des états initiaux très excités, la fréquence du champ est de l’ordre de la distance énergétique de l’état initial au niveau voisin et il faut par conséquent entre une dizaine et une centaine de photons pour accéder au continuum, par une transition multiphotonique. Induire un taux d’ionisation non-négligeable par le champ externe veut alors dire attribuer un poids équivalent aux différentes contributions d’ordies croissants en photons dans un développement perturbatif de l’interaction atome-champ. On est donc confronté à une situation hautement non perturbative, qui n’est pas due à la distorsion de la structure atomique, mais à la nonlinéarité de l’interaction entre les constituants qui gardent essentiellement leur individualité. Le champ externe ne domine jamais l’interaction Coulombienne, mais est plutôt d’un ordre de grandeur plus faible.
Nous commencerons par une introduction détaillée de la stabilité relative d’un atome de Rydberg vis-à-vis de l’ionisation par un champ micro-onde, par rapport à son homologue classique. Ce phénomène définira le sujet principal du présent travail. Une description qualitative du mécanisme à l’origine de cette stabilité sera suivie par un resumé de la situation expérimentale actuelle qui nous guidera pendant la suite.
Ayant distingué ainsi les deux domaines où se produisent les différents phénomènes de stabilisation, nous allons esquisser de manière plus détaillée les caractéristiques principales de ceux-ci.
Finalement, bien que le domaine des lasers intenses de haute fréquence n’occupe pas la partie centrale de cette thèse, il permet d’illustrer notre contexte global au sein de la physique atomique. Il connaît toute une variété de mécanismes de stabilisation. Nous allons isoler un phénomène bien précis qui servira à établir un lien entre le régime optique et le régime micro-onde.
Comme on l’a observé pour la première fois dans l’expérience de Bayfield et Koch de l’année 1974 [9], l’ionisation d’un électron de Rydberg dans un champ micro-onde suffisamment intense obéit à un comportement de seuil du signal d’ionisation non pas avec la fréquence, mais avec l’intensité de la perturbation extérieure. pour trois états initiaux différents de l’atome [10], obtenu dans une expérience récente. Cette signature typiquement classique, que l’on semble avoir écartée depuis la description de l’effet photoélectrique aux origines de la mécanique quantique, a stimulé une analyse du mouvement classique. Celle-ci a mis en évidence une correspondance étroite entre la valeur du seuil d’ionisation expérimental et la transition de la dynamique classique d’un régime régulier à un régime largement chaotique. Comme la dynamique classique obéit à certaines lois d’échelle , le même comportement a été prédit pour les atomes réels et observés expérimentalement. Tandis que ces premières expériences avaient été effectuées en utilisant des fréquences de micro onde inférieures à la fréquence de Kepler de l’électron atomique, les études théoriques ont été étendues de manière naturelle à des valeurs plus grandes que cette fréquence interne de l’atome. La comparaison des processus classique et quantique a ensuite donné lieu à l’introduction du concept de « localisation dynamique » [11, 12]: pour des fréquences au-dessus de la fréquence de Kepler de l’électron de Rydberg, le seuil d’ionisation de l’atome quantique est systématiquement plus élevé que le seuil prévu par une simulation classique . Au contraire, dans le régime basse fréquence, les modèles quantique et classique fournissent en gros les mêmes résultats.
Ce phénomène a été interprété par un argument qualitatif fondé sur la nature discrète du spectre quantique. Tandis que l’ionisation de l’électron de Rydberg classique via une « excitation chaotique » induite par le champ externe peut être décrite par un processus de diffusion suivant l’action (et donc suivant l’énergie), l’évolution quantique n’obéira à cette description que sur l’échelle de temps définie par l’inverse de la distance moyenne entre les niveaux d’énergie du système. Pour des temps plus longs, la largeur de la distribution de la probabilité quantique sur les états propres restera en moyenne stationnaire, contrairement à la largeur de la distribution classique qui croît avec la racine carrée du temps. On observe donc une localisation de la population quantique suivant le nombre quantique principal quand l’analogue classique montre une diffusion non bornée suivant la variable classique correspondante, c’est-à-dire l’action.
I Introduction |