Ataxie récessive spastique de Charlevoix-Saguenay (ARSCS)

Ataxie récessive spastique de Charlevoix-Saguenay (ARSCS) 

Avec plus de 300 individus atteints au Québec, l’ARSCS est la plus commune desµ ataxies spastiques héréditaires (Bouchard et al., 1998; Vermeer, et al. 2003). Le ratio d’individus porteurs de la mutation au SLSJ est estimé à 1/22 (De Braekeleer et al., 1993). Identifiée et décrite pour la première fois par Bouchard et son équipe en 1978, l’ARSCS est une maladie spinocérébelleuse dégénérative caractérisée par des atteintes pyramidales, cérébelleuses et neuropathiques (Martin, Bouchard, Sylvain, St-Onge & Truchon, 2007). La spasticité (tension musculaire exagérée au repos), la dysarthrie (trouble d’articulation de la parole) ainsi que la déformation du pied (orteils en griffes et pied creux) sont typiques de la maladie (Bouchard et al., 1978; Bouchard et al., 1998; Gazulla, Mayayo-Sinués, Benavente, Modrego & Berciano, 2014; Vermeer et al., 2003). Les individus atteints et leur entourage rapportent des difficultés d’équilibre, des chutes fréquentes, une instabilité et des vertiges dès le début de la marche (Bouchard et al., 1978; Bouchard et al., 1998). Certains patients ont cependant tendance à nier les troubles de l’équilibre, ce qui peut suggérer une perception irréaliste des capacités ou encore une stratégie d’adaptation cognitive devant ces atteintes. L’examen neurologique révèle une spasticité sévère des hanches et des genoux ainsi qu’une atrophie des muscles des mains et des pieds (Gazulla et al., 2014). Bien que les atteintes touchent principalement les membres inférieurs, des degrés variables d’incoordination, de maladresse et de lenteur dans la dextérité fine sont observés aux mains (Bouchard et al., 1978). Une perte progressive de la proprioception et de la pallesthésie sont aussi présentes (Duquette, Brais, Bouchard & Mathieu, 2013). Un nystagmus horizontal bidirectionnel ainsi qu’un déficit marqué de la poursuite oculaire conjuguée sont aussi observés et des troubles de la vision sont rapportés dans certains cas (Bouchard et al., 1978). Le portrait clinique des patients québécois touchés par cette maladie est relativement homogène, probablement en lien avec la forte prévalence de la mutation pathogène c.8844delT chez ceux-ci (Thiffault et al., 2013). Dans les dernières années, la maladie a également été observée dans certains pays comme l’Allemagne (Synofzik et al., 2013), le Brésil (Burguez et al., 2017), l’Espagne (Criscuolo et al., 2005), l’Italie (Grieco et al., 2004), le Japon (Okawa, Sugawara, Watanabe, Imota & Toyoshima, 2006), la Tunisie (Mrissa et al., 2000) et la Turquie (Richter, Ozgul, Poisson & Topaloglu, 2004). En général, il semble que les symptômes de la maladie se rapprochent sensiblement de ce qui est observé au Québec, mais certaines variations sont rapportées en lien avec les différentes mutations (Pilliod et al., 2015; Takiyama, 2006). Par exemple, une étude récente a permis de déterminer que dans certaines présentations atypiques hors Québec, une ou plusieurs des trois caractéristiques principales de l’ARSCS (ataxie cérébelleuse, spasticité et neuropathie périphérique) sont absentes (Synofzik et al., 2013) .

Progression et évolution de la maladie 

L’ARSCS est une maladie à progression lente et variable, l’état des patients pouvant être relativement stable pendant de longues périodes puis se dégrader significativement en l’espace de quelques années (Bouchard et al., 1978). Selon une étude ayant retracé l’évolution du portrait clinique de 71 patients atteints de la maladie de l’enfance à l’âge adulte, les patients consultent initialement pour des difficultés de marche et des chutes fréquentes à un âge moyen d’environ trois ans (Duquette et al., 2013). Bien que la plupart des patients présentent au départ une ataxie et des réflexes ostéotendineux augmentés, seule la moitié d’entre eux affichent de la spasticité ainsi que des signes pyramidaux et cérébelleux. Il est à noter qu’aucun patient ne présente initialement de neuropathie motrice (diminution du réflexe calcanéen, atrophie musculaire distale ou pieds creux). L’évolution des atteintes est particulièrement évidente à l’adolescence et pendant la vingtaine. En effet, les signes cérébelleux et neuropathiques deviennent plus évidents au début de l’adolescence pour devenir cliniquement significatifs au début de l’âge adulte. Bien que la spasticité apparaisse habituellement au cours de l’enfance, certains patients de 18 ans et plus en sont toujours épargnés. La dextérité motrice est déficitaire dès l’enfance, mais semble se détériorer davantage avec l’âge, des déficits sévères étant retrouvés entre 15 et 18 ans (Drolet, 2002). Plus particulièrement, le tonus musculaire et les réflexes tendineux sont augmentés, la démarche devient saccadée et ébrieuse et une amyotrophie d’intensité variable devient plus apparente (Bouchard et al., 1998). Cette augmentation de la sévérité des symptômes nécessite l’utilisation permanente d’un fauteuil roulant à un âge moyen d’environ 40 ans (Gazulla et al., 2014; Vermeer et al., 2003), mais dans certains cas, cette aide technique peut être requise dès l’adolescence (Bouchard et al., 1998; Duquette et al., 2013). Bien que certains patients atteignent l’âge de 70 ans, l’espérance de vie apparaît légèrement réduite par rapport à celle de la population générale (Bouchard, Bouchard, Gagné, Richter & Melançon, 1993; Dupré, Bouchard, Brais & Rouleau, 2006).

Aspects génétiques et pathogénèse 

Le mode de transmission de la maladie est autosomal récessif, c’est-à-dire que pour chaque grossesse, la probabilité, pour deux parents porteurs du gène défectueux, d’avoir un enfant atteint de la maladie ou porteur de la mutation est respectivement de 25 % et de 50 % (Bouchard et al., 1998; Vermeer et al., 2003). Bien entendu, si un seul des parents est porteur du gène défectueux, l’enfant ne sera pas atteint. Il aura toutefois 50 % de chances d’être porteur. À l’heure actuelle, plus de 100 mutations différentes causant l’ARSCS sont répertoriées. Cependant, 96 % des individus atteints au Québec présentent l’une des deux mutations dites fondatrices, soit c.8844delT ou c.7504C>T (Engert et al., 2000; Vermeer et al., 2003). Une étude récente de Thiffault et ses collègues (2013) suggère toutefois que la fréquence élevée de la maladie au Québec est principalement due à la première de ces mutations. Chez les individus non atteints d’ARSCS, un gène situé sur le chromosome 13q (le gène « SACS ») contient les instructions nécessaires à la synthèse d’une protéine appelée sacsine (Bouchard et al., 1998; OMIM, 2015). Chez les patients atteints d’ARSCS, le gène SACS est affecté par une mutation qui entraîne un défaut de fabrication de la sacsine (Okawa et al., 2006). Bien que son rôle exact soit présentement inconnu, deux hypothèses permettraient d’expliquer les atteintes retrouvées dans l’ARSCS. La première propose que la sacsine contribue à la maturation d’autres protéines (Bradshaw et al., 2016; Vermeer et al., 2003) ; son incapacité à accomplir cette fonction expliquerait les déficits observés dans l’ARSCS (Engert et al., 2000). La seconde hypothèse avance que l’altération de la sacsine est responsable d’un dysfonctionnement des mitochondries (Bradshaw et al., 2016; Girard et al., 2012; Pilliod et al., 2015) qui se traduit notamment par l’apoptose neuronale, plus spécifiquement des cellules de Purkinje du cervelet (Li & Gehring, 2015). Toutefois, un autre type de mutation observée chez deux patients d’une famille espagnole présentant un portrait clinique typique de l’ARSCS ne correspond pas à une altération de la sacsine (Criscuolo et al., 2005). Il importe aussi de mentionner que cette protéine semble s’exprimer partiellement chez des porteurs de certains sous-types de la mutation c.8844delT, permettant possiblement une conservation minimale de sa fonction pouvant influencer la sévérité du portrait clinique (Thiffault et al., 2013). En somme, les mécanismes physiopathologiques sous-tendant l’expression des symptômes dans la maladie ne sont que partiellement connus et font encore l’objet de recherches.

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Imagerie cérébrale et conduction nerveuse 

Les techniques d’imagerie cérébrale permettent d’observer une atrophie du vermis supérieur du cervelet (Bouchard et al., 1978; Bouchard et al., 1998; Mignarri et al., 2014; Pilliod et al., 2015) et des hémisphères cérébelleux ainsi qu’une hypointensité linéaire bilatérale symétrique dans le pont (Martin et al., 2007; Pilliod et al., 2015; Vermeer et al., 2003). Également, une densification du vermis cérébelleux inférieur est notée de même qu’une atrophie cortico-cérébelleuse progressive (Bouchard et al., 1998). Par ailleurs, la partie cervicale de la moelle épinière apparaît aplatie et réduite en volume de façon marquée (Bouchard et al., 1998). De telles atteintes du cervelet sont caractéristiques de l’ARSCS et permettent de la distinguer de l’ataxie de Friedreich (Bouchard et al., 1998), l’une des formes d’ataxie récessive autosomique les plus fréquentes (Online Mendelian Inheritance in Man [OMIM], 2016). Certaines données d’imagerie cérébrale chez un patient européen avec une confirmation moléculaire du diagnostic d’ARSCS ont aussi permis d’observer un kyste arachnoïdien dans la fosse postérieure ainsi qu’une atrophie cérébelleuse hémisphérique (Synofzik et al., 2013).

D’autre part, des examens électromyographiques clarifient le portrait de l’ARSCS et permettent d’établir une distinction formelle avec l’ataxie de Friedreich (Bouchard, Barbeau, Bouchard & Bouchard, 1979). En effet, les potentiels d’action sensoriels sont anormaux pour les patients atteints de l’ataxie de Friedreich comme pour ceux suspectés d’ARSCS. Toutefois, il est possible d’observer une diminution de la vitesse de conduction dans les neurones moteurs d’environ 33 % par rapport aux valeurs normales chez les patients atteints d’ARSCS. De plus, les neurones moteurs de diamètre élevé paraissent particulièrement affectés par rapport aux neurones de diamètre plus faible. L’électromyographie révèle davantage de signes de dénervation et d’atteintes à la moelle épinière dans l’ARSCS que dans l’ataxie de Friedreich. Une polyneuropathie sensitivomotrice axonale ou démyélinisante est également confirmée chez des patients atteints d’ARSCS provenant de différents pays (Pilliod et al., 2015; Synofzik et al., 2013; Takiyama, 2006).

Table des matières

Contexte théorique
Historique
Ataxie récessive spastique de Charlevoix-Saguenay (ARSCS)
Progression et évolution de la maladie
Aspects génétiques et pathogénèse
Imagerie cérébrale et conduction nerveuse
Fonctions cognitives dans l’ARSCS
Fonctions cognitives et atteintes cérébrales
Fonctionnement intellectuel général de patients québécois atteints d’ARSCS
Portrait cognitif détaillé de patients québécois atteints d’ARSCS
Participation sociale dans l’ARSCS
Objectifs
Méthode
Description des participants
Caractéristiques sociodémographiques des participants
Analyses statistiques
Variables et instruments de mesure
Fonctions visuospatiales et visuoconstructives
Hooper Visual Organization test (HVOT)
Sous-test « Blocs » du Wechsler Adult Intelligence Scale – 4 ème édition (WAIS-IV).
Sous-test « Matrices » du WAIS-IV
Sous-test « Casse-têtes visuels » du WAIS-IV
Benton Facial Recognition test (BFRT)
Vitesse de traitement de l’information
Digit Symbol du WAIS Revised as a Neuropsychological Instrument (WAIS-RNI)
Conners Continuous Performance Test – 2 ème édition (CPT-II)
Mémoire de travail visuelle séquentielle
Blocs de Corsi du Wechsler Memory Scale ‒ 3ème édition (WMS-III)
Apprentissage auditivoverbal
California Verbal Learning test (CVLT)
Cognition sociale
Test de reconnaissance des faux-pas .
Sous-test « Compréhension » du WAIS-IV
Participation sociale
Mesure des Habitudes de Vie (version MHAVIE 3.1 abrégée)
Déroulement
Remarques et commentaires généraux
Résultats
Fonctions visuospatiales et visuoconstructives
HVOT
Sous-test « Blocs » du WAIS-IV
Sous-test « Matrices » du WAIS-IV
Sous-test « Casse-têtes visuels » du WAIS-IV
Indice de raisonnement perceptif (IRP) du WAIS-IV
BFRT
Vitesse de traitement de l’information
Sous-test « Digit Symbol » du WAIS-R-NI
Condition « copie »
Différence entre les conditions « copie » et « substitution »
Conners Continuous Performance Test – 2ème édition (CPT-II)
Temps de réaction moyen
Erreur standard du temps de réaction moyen
Uniformité de l’erreur standard du temps de réaction moyen
Mémoire de travail visuelle séquentielle
Blocs de Corsi du WMS-III
Section A « à l’endroit »
Section B « à l’envers »
Apprentissage auditivoverbal
CVLT
Résultats bruts aux tâches principales
Nombre total de mots rappelés (A1 à A5)
« Learning Over Trials » (LOT)
Rappel libre immédiat (RLI) et rappel indicé immédiat (RII)
« Short-Term Percent Retention » (STPR)
Rappel libre différé (RLD) et rappel indicé différé (RID)
« Long-Term Percent Retention » (LTPR)
Reconnaissance
Faux-positifs en condition de reconnaissance
Cognition sociale
Test de reconnaissance des faux-pas
Questions contrôle (compréhension)
Score global aux histoires avec faux-pas
Détection des faux-pas
Compréhension de l’inapproprié
Compréhension des intentions
Compréhension des croyances
Compréhension des émotions (empathie)
Sous-test « Compréhension » du WAIS-IV
Participation sociale
MHAVIE 3.1
Conclusion

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