Les cancers de l’estomac sont des tumeurs malignes développées aux dépens de la paroi gastrique [1]. Ils sont dits primitifs lorsqu’ils prennent origine au niveau de l’estomac et secondaires quand ils proviennent d’un autre organe. Il s’agit essentiellement d’adénocarcinome, qui représente de loin la variété histologique la plus importante et la plus fréquente (environ 90 à 95%), suivi en ordre de fréquence par les lymphomes (4%), les tumeurs carcinoïdes (3%) et les tumeurs stromales malignes (2%) [2]. L’incidence mondiale des cancers de l’estomac est de 12,1/100000 habitants, ce qui les place au 6èmerang des cancers les plus fréquents [3]. Son incidence varie à travers le monde avec des zones à haut risque (Asie du nord, Amérique du sud), des zones à bas risque (Amérique du nord, Europe, Afrique, Asie du sud). Ces cancers restent encore fréquents et graves (3èmecause de mortalité par cancer) dans le monde [3]. Le dernier rapport de Globocan en 2012 a trouvé une incidence de 3,8/100 000 habitants [3]. Ils connaissent un déclin dans les 20 dernières années en Occident. En Europe, son incidence connait une recrudescence et était estimée à 9,4/100 000 habitants en 2012, ce qui le situait au 9èmerang des cancers [3]. L’Asie est une zone à forte incidence, c’est le 3èmecancer après celui du sein et du poumon avec un taux de 15,8/100 000 habitants [3]. Le développement de l’examen endoscopique a permis dans les pays de forte incidence tels que le Japon, de diagnostiquer les cancers à un stade précoce et donc de diminuer la mortalité [4]. Cependant en Afrique l’incidence en 2002 était estimée à 15/100 000 habitants chez l’homme contre 8,5/100 000 habitants chez la femme [5]. Des études récentes ont montrées sa recrudescence dans certains pays du continent, les cancers de l’estomac sont le 1 er cancer du tube digestif au Togo et au Burkina Faso [6]. Selon les données du registre des cancers au Mali en 2012, les cancers de l’estomac occupaient le premier rang des cancers chez l’homme avec 5,7 pour 100 000 habitants soit 13,2% de l’ensemble des cancers avec des pics de fréquence entre 55 et 74 ans et après 75 ans. Chez la femme ils occupent le 3 ème rang après ceux du col utérin et du sein avec respectivement une fréquence relative de 20,5 ; 12,4 pour 100000 habitant [7]. Ainsi ils occupent le premier rang des cancers digestifs et restent une affection de mauvais pronostic car le diagnostic est tardif, les moyens thérapeutiques sont limités et la survie à 5 ans est de 20,9% [8]. Ces cancers constituent actuellement un problème majeur de santé publique. Ceci nous a motivé à faire cette étude.
Rappels sur le registre des cancers
NOTIONS DE BASE SUR LE REGISTRE DE CANCERS
Un registre est défini comme étant « un recueil continu et exhaustif de données nominatives intéressant un ou plusieurs événements de santé dans une population géographiquement définie, à des fins de recherche et de santé publique, par une équipe ayant les compétences appropriées ». Ainsi, le registre des cancers est une structure épidémiologique qui réalise l’enregistrement nominatif continu et exhaustif des cas de cancer dans une zone géographique donnée (le plus souvent, départementale) et qui, à partir de cet enregistrement, effectue, seule, ou en collaboration avec d’autres équipes, des études visant à améliorer les connaissances dans ce domaine. Les registres de cancers sont soit généraux (toutes localisations cancéreuses pour toute la population), soit spécialisés pour un organe (exemple : l’estomac) pour toute la population, ou pour une population définie (exemple : les enfants) [9]. Ils constituent, par conséquent, un outil irremplaçable pour la recherche sur le cancer, la planification de la prévention primaire et du dépistage, et pour l’évaluation des soins. Les principaux objectifs du registre sont :
– Déterminer l’ampleur du cancer en termes d’effectif et de taux d’incidence ;
– Déterminer la distribution des cancers selon certaines caractéristiques telles que l’âge, le sexe, la topographie ;
– Surveiller les tendances chronologiques de l’incidence du cancer ;
– Evaluer les besoins à visée diagnostique et thérapeutique en matière de cancer ;
– Aider à l’élaboration de stratégies de lutte contre le cancer et à évaluer leurs Impacts ;
– Faire de la recherche clinique et épidémiologique : déterminer des facteurs de risque pour chaque type de cancer. Pour obtenir un enregistrement exhaustif, il est impératif de consulter plusieurs sources d’information : anatomopathologistes, biologistes, services des hôpitaux et centres de lutte contre le cancer, spécialistes et chirurgiens des secteurs privés et publiques [9]. La réalisation d’un aussi lourd travail de recensement, se base sur l’épidémiologie descriptive, qui constitue la composante première et indispensable de toute étude épidémiologique. Les résultats obtenus permettent de connaître l’incidence, la mortalité, la survie et la prévalence et d’en obtenir une interprétation objective et rationnelle de la pathologie cancéreuse. [11 ,12 ,15] L’épidémiologie analytique : elle a pour objectif de conforter des hypothèses sur l’intervention de facteurs de risque, par des enquêtes (enquêtes cas témoin et études de cohorte) [13].
HISTORIQUE DES REGISTRES AUX ETATS UNIS ET EN EUROPE
Après plusieurs tentatives isolées en Allemagne et aux Etats Unis, au début du XXe siècle, c’est aux Etats Unis, que le 1er recueil a débuté en 1935 mais le 1er registre a vu le jour en 1941 dans l’état du Connecticut. Le National Cancer Institut(NCI) réunit depuis 1956 les données de plusieurs registres aux USA (10). Ensuite, le programme SEER (Surveillance, Epidemiology, End Results) qui réunit les données de plusieurs registres a été mis en place et avait pour objectifs [14] :
– Estimation de l’incidence du cancer aux USA et dans d’autres pays;
– Suivre dans le temps l’incidence de façon à pouvoir identifier les variations ;
– Fournir des informations continues sur l’étendue des lésions au moment du diagnostic, sur les traitements utilisés ;
– Promouvoir le développement d’hypothèses et d’études spécifiques à la recherche de facteurs étiologiques.
En Europe, les premiers registres ont été créés dans les années 1930, d’abord en Grande Bretagne (Birmingham 1936, Ecosse 1939, Mersey 1946) puis dans les pays scandinaves (Danemark 1942, Norvège 1952, Finlande 1952, Islande 1954, Suède1956) et les pays de l’Europe de l’est (Tchécoslovaquie et Slovénie 1950, Hongrie1952, ex. RDA et ex URSS 1953, Pologne 1958). Dans les pays de l’Europe Centrale et de l’Ouest, la mise en place est plus récente (Espagne 1960, Suisse 1970, Italie 1974 et France 1975)[13, 15, 16,19]. Au cours de l’année 1956, l’OMS a mis en place un sous-comité et un guide méthodologique et a créé à Lyon, le centre international de recherche sur le cancer (CIRC) qui coordonne de nombreux travaux d’épidémiologie descriptive et analytique ainsi que des études de recherche fondamentale [11, 12,15]. En 1966, on assiste à la publication du 1er ouvrage » Cancer Incidence in Five Continents « . Durant cette même année a été crée à Tokyo l’Association Internationale des Registres du Cancer (IACR ou AIRC) qui a pour mission l’établissement de standards pour l’enregistrement des cancers, la formation des chercheurs des différents pays impliqués dans la mise en place de ces registres, la publication des données et l’organisation des réunions scientifiques. Ainsi, outre l’ouvrage » Cancer incidence in five continents « , l’IACR a publié » Cancer incidence in developing countries « , « Cancer in Africa » en 2003 ainsi que des monographies par pays [15]. En France, à la fin des années 1970, en l’absence de politique nationale, les premiers registres de morbidité ont été mis sur la base d’initiative individuelle. Le premier registre français a été départemental (initié en 1975 dans le BasRhin), suivi de ceux du Doubs (en 1976), et du Calvados et de l’Isère en 1978. [10] En 2011, la France métropolitaine comportait 25 registres qualifiés par le CNR (Comité national des registres) [9] :
– Treize registres généraux dans 14 départements répartis sur l’ensemble du territoire et couvrent actuellement environ 20% de la population : Bas Rhin, Calvados, Belfort, Gironde, Haut Rhin, Hérault, Isère, Lille et sa région, Limousin, Pays de Loire Atlantique, Manche et Tarn
– Neuf registres spécialisés d’organes : digestif (Bourguignon, Calvados, Finistère), hémopathies malignes (Basse Normandie, Côte d’Or, Gironde), Cancers du sein et gynécologiques (Côte d’Or), Thyroïde (Marne Ardenne) et Système nerveux central (Gironde)
– Deux registres nationaux des cancers de l’enfant : Registre national de l’hémopathie de l’enfant (RNHE) et registre national des tumeurs solides de l’enfant (RNTSE)
– Un registre multicentrique à vocation nationale du mésothéliome dans le cadre du programme national du mésothéliome PNSM. Ces différents registres de cancer, comme les registres d’autres pathologies, doivent être qualifiés tous les quatre ans, au plus, par le Comité National des Registres (CNR, créé en 1986, co-présidé par l’Institut de Veille Sanitaire (InVS) et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). A l’échelle internationale, une association coordonne une approche internationale de l’enregistrement du cancer, en partenariat avec l’OMS, les résultats sont publiés régulièrement par le Centre International de Recherche sur le Cancer(CIRC).Le dernier volume de la série contient des données de 186 registres dans 57pays .
Historique des registres Africains
En Afrique, entre 1900 et 1950, ce sont des cas cliniques qui sont rapportés.
Dans les années 1950, on voit apparaître des séries hospitalières et anatomopathologiques et ce n’est qu’à partir des années 1960 que sont créés les premiers registres de population en Afrique du Sud (Johannesburg en 1953 par Higginson et al, Cape Town en 1956 par Muir Grieve ; Province du Natal en 1964; Durban en 1964 par Schonland et al.). Par la suite c’est au tour de la Gambie (1967), de l’Ouganda à Kampala en 1954 (Davis Temple et al.), de Lourenco Marques en1956 (Prates) ; d’Ibadan en 1960 (Eddington) ; Bulawayo en 1963 (Skinner) ; du Sénégal à Dakar en 1969 ; du Mali en 1986 à Bamako. Selon les données de l’Agence Internationale des Registres du cancer (IACR), sur plus de 400 registres de population du cancer à travers le monde, l’Afrique ne comptait que 15 (quinze) .
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