Arrières effets de la fertilisation organique des sols ferrugineux tropicaux dans la zone des Niayes sur les rendements des cultures maraichères

Quelques fonctions du sol

Le sol constitue la couche superficielle de la croûte terrestre. Il est caractérisé par une fraction organique et une fraction minérale très complexes. C’est un milieu dynamique, structuré et très diversifié. Le sol sert d’habitat, de support et de ressource alimentaire. En effet, il est indispensable à la vie des végétaux, des animaux et de l’homme. Le sol assume les principales fonctions agro-écologiques (production des plantes, recyclage de la MO, régulation des flux d’eau et des éléments essentiels, etc.).
Régulation des flux d’eau et d’azote : Le sol intervient constamment sur la régulation des flux d’eau et d’azote (N). Il est considéré comme « un maillon indispensable dans le flux continu de l’énergie et de la matière dans l’écosystème » (Borie, et al., 2011). Le sol est donc un compartiment qui participe naturellement aux échanges de flux des éléments essentiels (eau, carbone, azote, phosphore…) entre l’atmosphère, la lithosphère, l’hydrosphère et la biosphère.
Réservoir de biodiversité : Le sol renferme une diversité d’espèces microbiennes et faunistiques (insectes, arthropodes, lombrics, etc.). Ces espèces puisent leur énergie et remplissent de multiples fonctions à la surface ou à l’intérieur du sol. En effet, certains microorganismes (bactéries, champignons, etc.) sont indispensables à l’assimilation des éléments nutritifs et au fonctionnement de l’écosystème naturel. Ils participent essentiellement aux cycles biogéochimiques, notamment de N, du carbone (C) ou du phosphore (P). La faune (microfaune, mésofaune et macrofaune) du sol intervient au niveau de toutes les étapes de transformation de la MO. Elle améliore la porosité des sols et favorise la formation d’agrégats. En effet, leurs activités conditionnent la qualité des sols. Cependant, la teneur en MO et les propriétés des sols sont les principaux facteurs limitant de l’activité microbienne et faunistique du sol.
Stockage et transfert d’éléments nutritifs : Le sol est aussi un lieu de stockage des éléments nutritifs (N, P, potassium (K), etc.) sous différentes formes organique ou minérale. La plupart de ces éléments proviennent de l’évolution de la MO du sol et de l’altération de la roche mère . La portion de MO fine (inférieure à 50 µm) dans le sol ou humus forme avec l’argile un complexe argilo-humique (CAH) en présence d’ions Ca2+ ou Fe2+/Fe3+ qui confère la structure stable du sol (Huber et Schaub 2011). Ce complexe argilo-humique a la propriété de capter les éléments nutritifs dans la solution du sol pour empêcher leur lixiviation.
Les éléments nutritifs sont fixés à la surface du CAH par des liaisons réversibles. Ainsi, le CAH assure la mise à la disposition des besoins nutritifs pour la plante. Son pouvoir absorbant est caractérisé par la capacité d’échange cationique (CEC) du sol, car il est doté de charges majoritairement négatives. La CEC est définie comme étant la quantité maximum de cations qu’une masse de sol est capable d’adsorber et restituer dans des conditions de pH bien définies (Huber et Schaub, 2011). Cette capacité d’échange est liée à la nature et la teneur de la MO du sol et des conditions du milieu.

Caractérisation de la matière organique du sol

Caractérisation physique

La MO du sol regroupe l’ensemble des constituants organiques, issus de la dégradation des débris d’origine végétale, animale ou microbienne, présents dans le sol. Les expériences de Dragon et al (2010) ont permis de distinguer, avec la fragmentation granulométrique, trois classes de MO du sol: les MO particulaires grossières (2000-200 μm), les MO particulaires fines (200-50 μm) et les MO humifiées (< 50 μm). La MO particulaire grossière constitue en général la MO fraîche. Elle est composée de résidus et d’exsudats végétaux, de cadavres et de déjections d’animaux et de microorganismes. La MO particulaire grossière évolue rapidement sous l’effet des conditions du milieu et de l’action biologique du sol. La MO particulaire fine ou les composés organiques intermédiaires sont souvent issus de MO fraîche suite à l’activité microbienne du sol. Elle est localisée au sein des agrégats, où elle est protégée temporairement de la dégradation. La MO humifiée représente l’humus du sol qui se minéralise lentement. En effet, elle est fortement liée à la matière minérale du sol en particulier avec l’argile. Cette classification granulométrique est un outil déterminant pour le choix des apports de MO.

Humification et minéralisation

L’évolution de la MO du sol enrichit le sol en éléments minéraux nutritifs. Elle se transforme progressivement suivant un processus d’humification et de minéralisation .
L’humification est le processus par lequel les débris organiques fragmentés par les organismes du sol, subissent des réactions chimiques de condensations ou de polymérisations pour donner des particules très fines appelées l’humus (Chabalier, et al., 2006). Ces réactions chimiques se produisent sous l’effet d’enzymes libérées par les microorganismes. Cette recombinaison dépend surtout de la composition de la MO. La fraction de MO d’origine végétale participe essentiellement à l’entretien du taux d’humus dans le sol (Leclerc, 1997).
Les composés de l’humus sont généralement issus de MO riche en fibre. La dégradation de ces éléments riches en fibre s’accompagne d’une libération important de CO2 par respiration et d’une utilisation constante d’énergie (oxygène, N et C) par les microorganismes. En effet, l’humus associé à l’argile se minéralise très lentement à raison de 2 à 3 % par an (Borie, et al.,2011). La minéralisation nécessite essentiellement de l’oxygène pour transformer la MO en matière minérale. C’est une réaction d’oxydation effectuée aussi par les microorganismes du sol. Ce principe de la respiration aérobie permet de répondre aux besoins nutritifs de la plante et d’améliorer la structure du sol. Selon Leclerc (1997), certains substrats organiques d’origine animale (déjections, exsudats, cadavres…) se minéralisent directement sans passer par l’humification, car leur teneur en éléments majeurs (N, P ou K) est supérieure à 3 %. En plus de la nature du substrat organique et des activités microbiennes, la transformation de la MO est principalement liée aux caractéristiques du milieu où elle se produit. Par exemple, dans un sol peu aéré le manque d’oxygène réduit la minéralisation (Chabalier, et al., 2006).
Le taux de MO humiliée est généralement déterminé par l’analyse de la teneur en MO du sol. La MO humifiée représente la portion fine de la MO totale. Par contre, la minéralisation de l’humus, ou perte d’humus, est caractérisée à partir de la teneur en humus du sol et d’un coefficient K2. Ce coefficient de minéralisation K2 est mis en évidence par la température moyenne annuelle avec la teneur en argile et en calcaire du sol.

Définition et caractérisation de la fertilisation du sol

Définition de la fertilité du sol : La fertilité du sol désigne l’aptitude du sol à assurer de façon durable la croissance des plantes et l’obtention de récoltes. Elle est le résultat de l’interaction de différents facteurs physiques, chimiques et biologiques qui détermine la teneur du sol en éléments nutritifs assimilable par la plante.
Caractéristique de la fertilité du sol : Les différents éléments chimiques essentiels (N, P, K, Ca, Mg, S et oligo-éléments) pour la croissance des plantes sont prélevés au niveau du sol. Ces éléments proviennent, notamment de la minéralisation de la MO liée à l’activité biologique dans le sol. Ainsi, la teneur de chacun de ces éléments nutritifs dans le sol est surtout affectée par la composition biochimique de la MO. Elle est généralement caractérisée par la capacité de minéralisation des sols. Le N, le P et le K sont des éléments majeurs susceptibles d’affecter la production agricole. Ils participent au maintient de l’équilibre des tissus végétaux et de leur formation. Ces éléments nutritifs sont assimilés par la plante sous forme de nitrate (NO3-), d’ion potassium K+ et d’orthophosphate (HPO42- ou H2PO4-). L’orthophosphate et le nitrate sont des anions qui peuvent être fixés par le CAH ou par les hydroxydes de fer et d’aluminium présent dans le sol. En effet, la présence d’ions aluminium (Al3+) et les ions fer (Fe3+) venant de l’altération de la roche mère peut aussi empêcher la fixation de ces éléments par le CAH. La formation du complexe absorbant et ses modifications (échange d’ions) jouent donc un rôle fondamental sur la fertilité des sols. La biodisponibilité des éléments nutritifs peut être limitée par la présence importante d’ions H+ ou Al3+ qui se lient par covalence à certaines charges négatives (NO3-, HPO42- ou H2PO-4). Ainsi, les mesures de la saturation du complexe et de la quantité de CEC du sol sont des indicateurs essentiels de la fertilité. Elles sont favorisées par la formation d’humus issu d’amendements basiques. L’ion hydrogène est le plus énergiquement retenu par le CAH. Ainsi, ce complexe est saturé quand tous les ions H+ ou H3O+ sont remplacés par des cations échangeables tels que Ca2+, Mg2+, K+ et Na+ appelés bases échangeables. Ils sont appelés bases échangeables car si ces ions sont perdus dans le sol, cela provoque une hausse des H+ et donc une acidification. Le taux saturation du sol (TS) est déterminé par le rapport entre la somme des bases échangeables (S) et la quantité maximale de cations absorbés par le sol (T) : TS = S/T. Il est généralement exprimé en pourcentage.
Lorsque sa valeur est élevée (75 % à 100 %) le sol est pourvu en cation Ca2+, Mg2+, K+ et Na+, hormis les ions Al3+ et Fe3+.

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Matières organiques exogènes

La teneur de la MO du sol s’affaiblit en fonction de l’utilisation des cultures. Ainsi, pour reconstituer ou entretenir la MO du sol, des apports de MO volontaire peuvent être envisagés ; d’où l’intérêt de leur valorisation agronomique. Ces MO d’origine agricole, agro-industrielle ou urbain, sont aussi connues sous le nom de produits résiduaires organiques (PRO). Selon N’Diénor (2010), ces PRO sont généralement classés en terme de durée d’action ou d’effet sur le sol . En effet, leurs rôles sur les propriétés des sols, la gestion de la fertilité du sol et sur le rendement des cultures sont connus (Delas et Molot., 1983). La valeur fertilisante de ces PRO dépend de leur richesse en éléments nutritifs biodisponibles pour la plante. Elle peut être évaluée à partir du coefficient équivalent-engrais. Ce coefficient correspond à la fraction d’un élément nutritif dans la MO qui se comporte comme un engrais minéral. La difficulté principale des producteurs selon Leclerc (1997), réside dans le choix des types de MO à apporter, qui doivent d’une part compenser les exportations des cultures, d’autre part participer à l’entretien humique des sols. En réalité, les PRO contiennent une quantité importante de N, de P ou de K (> 3 %). Dans ce cas, on classe les MO selon leur richesse en l’un de ces éléments (MO azotée, MO phosphatée, ou MO riche en potassium). Par exemple, la fiente de volailles constitue une ressource importante d’azote et les boues solides de station d’épuration contiennent une source considérable de phosphore. Par contre, certaines MO sont de véritables amendements (teneur en N, P, ou K inférieur à 3 %). En outre, la teneur en matière sèche des MO exogènes permet de définir la quantité d’humus formé en kilogramme ou en tonne (Chabalier et al., 2006). Elle représente 1 à 90 % de la MO brute. Il est aussi important de tenir compte de la vitesse de minéralisation des éléments de la MO en fonction des besoins des cultures. Les apports répétés peuvent ainsi conduire à un stockage significatif de MO dans les sols; leurs minéralisations à long terme pouvant alors fournir une partie des nutriments nécessaires aux cultures. Les analyses effectuées sur la MO du sol peuvent être appliquées au MO exogènes. Actuellement, l’indice de stabilité biologique (ISB) est couramment utilisé pour déterminer les degrés de stabilité des MO. C’est un indicateur complémentaire à celle du rapport C/N. L’ISB est réalisé à partir de la matière fine et ne s’applique pas aux MO renfermant plus de 5 % de teneur en lipides.

Table des matières

Introduction
CHAPITRE 1. SYNTHÈSE BIBLIOGRAPHIQUE 
1.1 Quelques fonctions du sol 
1.1.1 Régulation des flux d’eau et d’azote
1.1.1.1 Régulation des flux d’eau
1.1.1.2 Régulation des flux d’azote
1.1.2 Réservoir de biodiversité
1.1.3 Stockage et transfert d’éléments nutritifs
1.2 Caractérisation de la matière organique du sol 
1.2.1 Caractérisation physique
1.2.2 Humification et minéralisation
1.2.3 Différentes analyses caractéristiques de la MO du sol
1.2.3.1 Taux de matière organique du sol
1.2.3.1 Teneur en azote total
1.2.3.2 Ratio carbone sur azote (C/N)
1.2.3.3 Potentiel de minéralisation du C et de N
1.2.3.4 Fractionnement biochimique
1.2.3.5 Biomasse microbienne
1.3 Rôle de la matière organique du sol 
1.4 Définition et caractérisation de la fertilisation du sol
1.4.1 Définition de la fertilité du sol
1.4.2 Caractéristique de la fertilité du sol
1.5 Matières organiques exogènes
1.6 Caractéristiques des sols ferrugineux dans la zone des Niayes 
1.7 Systèmes de production agricole dans la zone des Niayes 
CHAPITRE 2. MATÉRIELS ET MÉTHODES 
2.1 Sites de prélèvements des sols 
2.2 Sols étudiés pour l’expérimentation 
2.3 Échantillonnage et mesure de la densité apparente des sols
2.4 Homogénéisation des sols prélevés 
2.5 Reconstitution de la couche 0-20 cm des sols étudiés 
2.6 Caractérisation des sols étudiés 
2.7 Culture de laitue
2.8 Produits résiduaires organiques (PRO) utilisés 
2.8.1 Caractérisation des PRO
2.9 Conduite de la culture de laitue sous serre
2.9.1 Calcul des doses de fertilisants organiques et minéraux à apporter à la culture de laitue
2.9.2 Préparation des PRO à apporter pour la fertilisation
2.9.3 Estimation du volume d’eau à apporter au cours de l’essai
2.9.4 Repiquage et entretien de la culture de laitue sous serre
2.9.5 Récolte et traitement de la biomasse de laitue
2.10 Variables et paramètres mesurés sur la culture de laitue
2.11 Analyses statistiques et traitement des données 
CHAPITRE 3. RÉSULTATS 
3.1 Caractéristiques agronomiques des sols ferrugineux étudiés 
3.2 Caractéristiques de la valeur fertilisante des PRO utilisés 
3.3 Mesure de la biomasse sèche de laitue au cours des cycles de production
3.3.1 Effet du type de sols sur le rendement des laitues
3.3.2 Effet de la fertilisation organique et minérale sur le rendement des laitues au niveau des sols étudiés
3.3.2.1 les Arénosols (DR0 et DR30)
3.3.2.2 les Fluvisols (DK0 et DK30)
3.3.3 Évolution de la production de biomasse sèche de laitue entre les deux cycles pour chaque sol
3.3.3.1 Les Arénosols (DR0 et DR30)
3.3.3.2 Les Fluviosols (DK0 et DK30)
3.4 Effet des traitements sur la photosynthèse (Pn) des plants de laitue
CHAPITRE 4. DISCUSSION 
Conclusion et perspectives 
Annexes 

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