Arbre décisionnel du soin nutritionnel
La prise en charge globale de la nutrition se décompose en 3 parties après évaluation de l’état nutritionnel, des besoins protéino-énergétiques et des ingesta : Pour la première, le patient n’est pas dénutri et ses apports sont inférieurs aux 2 tiers des besoins ou l’évaluation visuelle analogique (EVA) est inférieure à 7/10. Une alimentation enrichie et/ou une supplémentation par CNO sera proposée puis réévaluée 1 fois par semaine. Si cette supplémentation est un échec, la nutrition entérale sera proposée ainsi que le mode de nutrition (SNG ou gastro/jéjunostomie) en fonction de la durée prévisible de nutrition. Pour la seconde, le diagnostic de dénutrition modérée a été posé. Si le patient a des ingesta supérieurs aux 2 tiers de ses besoins ou l’EVA supérieure à 7/10, le schéma de nutrition est identique à la première partie. Cependant, si le patient a des ingesta inférieurs aux 2 tiers de ses besoins ou une EVA inférieure à 7/10, si son tube digestif est fonctionnel, la nutrition entérale sera proposée. En cas d’échec, de contre- indications ou si le tube digestif du patient n’est pas fonctionnel, la nutrition parentérale sera proposée. Le choix de la voie d’abord sera fait en fonction de la durée de la nutrition.
Supplémentation lors de la nutrition artificielle
La nutrition artificielle, et en particulier la nutrition parentérale, doit systématiquement être accompagnée d’une supplémentation en vitamines et oligoéléments pour couvrir les besoins de base ou modérément augmentés. Ces éléments sont absents dans la composition de base des solutions de nutritions parentérales pour des raisons de stabilités. Pour ce faire, il peut être rajouté par voie périphérique ou directement dans la poche ces traitements (ou équivalent) : Même si la nutrition artificielle est bien tolérée par le patient et que son bilan biologique était normal à l’initiation, un dosage plasmatique doit être effectué 48h après initiation, puis en cas de normalité une fois par semaine en milieu hospitalier (ou toutes les 2 semaines si le patient est à son domicile). Il en va de même pour le bilan hépatique, le ionogramme sanguin, le bilan rénal, et les oligoéléments. La surveillance doit également être clinique avec la surveillance de l’état général (recherche de surcharge volémique, poids, transit). L’évaluation calorique doit également être réalisée toutes les semaines. La normalisation de la transthyrétine et des carences initiales sont des indicateurs d’efficacité.
Nutrition artificielle en service d’hématologie en vue d’une greffe de cellules souches hématopoïétiques
La greffe de cellules souches hématopoïétiques est un traitement à visée curative indiquée dans certaines hémopathies malignes (leucémies, lymphomes, myélomes, …) et à d’autres pathologies hématologiques (déficit immunitaire primitif, aplasie médullaire, myélodysplasie). Le principe est de collecter des souches de moelle osseuse ou de sang périphérique chez le donneur. Avant la transplantation, le patient entre dans ce qu’on nomme le conditionnement de greffe. Il s’agit d’induire une rémission et d’inhiber le système immunitaire du patient afin que le greffon soit accepté. Des traitements myélosuppresseurs cytotoxiques à forte dose,éventuellement accompagné d’irradiation corporelle pendant plusieurs jours sont utilisés pour obtenir ce résultat. [77] Parmi les complications nombreuses de la greffe de cellules souches, nous retrouvons les nausées, vomissements chimio-induits, perte de l’appétit et du goût, mucites, pouvant conduire à l’anorexie, perte de poids et dénutrition. La réaction du greffon contre l’hôte (GVHD) aigue est un des effets indésirables de la greffe allogénique survenant dans les 100 premiers jours suivant celle-ci. Ses principaux signes cliniques sont cutanés (rash maculopapuleux, érythrodermie généralisée, desquamation, épidermolyses, prurit, …), des atteintes hépatiques (ictère, insuffisance hépatique) et digestifs (diarrhée, coliques douloureuses, iléus, …) Au-delà de 100 jours, on parlera de GVHD chronique. Ses manifestations cliniques sont très algiques et altèrent énormément la qualité de vie. Nous retrouvons les manifestations cutanées, l’atteinte de la muqueuse buccale provoquant des ulcérations, génitale, digestive, oculaire provoquant un syndrome sec, … D’autres atteintes systémiques peuvent mettre en jeu le pronostic vital. [78] La prise en charge est avant tout préventive avec une association d’immunosuppresseurs (ciclosporine, corticoïdes, …). L’agression métabolique provoquée par le conditionnement augmente également les besoins caloriques. Ainsi, dans les pathologies hématologiques, l’agression métabolique du conditionnement et les effets secondaires digestifs provoquent un état de dénutrition multifactorielle qui peut être prévenu. [79] Il est donc courant de placer une sonde pour nutrition entérale au patient dès le début du conditionnement afin de débuter une nutrition dite prophylactique. Bien qu’utilisé pour prévenir de la dénutrition, cette méthode de nutrition doit respecter les mêmes règles que le traitement de dénutrition avec analyse du bilan biologique avant et correction des troubles ioniques, évaluation de l’état nutritionnel et des besoins alimentaires et des ingesta.